Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

Dernier moment pour chiffrer ses conclusions et la cession d’un droit de préemption

TF, 03.07.2023, 4A_145/2023*

Chiffrer la demande au moment des dernières plaidoiries respecte les exigences légales (confirmation de jurisprudence). Des éléments de fait qui figurent au dossier et le comportement des parties suffisent à imputer aux parties une volonté d’autoriser les cessions de droits de préemption.

Faits

En 1985, une propriétaire procède à la division de son terrain en deux parcelles, puis vend l’une des deux à un acheteur. Les deux contractants s’accordent un droit de préemption réciproque sur leur terrain respectif pour une durée de 30 ans. Ledit droit sera annoté au registre foncier pour une durée de 10 ans.

La première propriétaire décède en 1990 ; ses deux filles héritent du terrain de leur mère. De son côté, l’acheteur conclut avec ses deux fils un contrat de cession en vue d’une succession future (Abtretungsvertrag auf Rechnung künftiger Erbschaft). Ils deviennent ainsi propriétaire de la parcelle de leur père.

En 2013, les deux filles vendent leur terrain à une société pour un peu plus de CHF 4’000’000. Une fois informé de la vente, les deux fils exercent leur droit de préemption. En 2016, l’immeuble leur ayant échappé, les deux fils ouvrent action auprès du Regionalgericht de Bern-Mittelland. Ils concluent au transfert de la propriété en leur nom ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts.… Lire la suite

Le fardeau de l’allégation et de la preuve de la péremption d’un droit

TF, 11.05.2023, 4A_412/2022*

Le respect du délai péremptoire prévu à l’art. 336b al. 1 CO pour s’opposer à un licenciement n’est pas un fait implicite. Il appartient à la partie qui entend déduire un droit de cette disposition d’alléguer et de prouver qu’elle a respecté ce délai. 

Faits

Une employée explique être harcelée psychologiquement et sexuellement par un membre du conseil d’administration de la société qui l’emploie. Elle met la société en demeure de prendre toutes les mesures propres à protéger sa personnalité suite à quoi elle est licenciée. Une dizaine de jours après avoir été licenciée, l’employée adresse un courrier d’opposition au congé à l’employeuse.

L’employée introduit une demande tendant au paiement d’une indemnité de CHF 37’000 pour congé abusif. À l’appui de ses écritures judiciaires, elle ne produit pas son courrier d’opposition au congé, lequel est simplement mentionné dans d’autres pièces du dossier. L’employeuse pour sa part n’objecte pas que l’employée aurait manqué à son devoir de s’opposer à son congé à l’intérieur du délai de l’art. 336b al. 1 CO.

Les autorités judiciaires genevoises jugent le congé abusif et condamnent l’employeuse à verser une indemnité de CHF 10’000. Selon la Cour de justice de Genève, l’art.Lire la suite

Réflexions d’été caniculaire : La défense du climat et le mobile honorable

ATF 149 IV 217 | TF, 30.03.2023, 6B_620/2022*

La défense du climat ne constitue pas dans toutes les situations un mobile honorable (art. 48 let. a ch. 1 CP). Les raisons et la manière de faire de l’auteur demeurent déterminantes. L’angoisse ressentie par les activistes n’est pas nécessairement suffisante pour admettre un profond désarroi (art. 48 let. c CP). La profonde détresse repose sur un caractère proportionnel, absent en cas de déprédations d’un bâtiment (art. 48 let. c CP).

Faits

En 2018, un manifestant participe à Genève à une manifestation portant sur la protection du climat. Au cours de celle-ci, il appose ses mains recouvertes d’une peinture rouge sur la façade, les murs, les rideaux métalliques et la plaque de devanture de la banque Crédit Suisse. Le manifestant entend dénoncer les investissements de la banque dans les énergies fossiles et la désigner comme responsable de victimes du réchauffement climatique.

Poursuivi pour dommages à la propriété (art. 144 CP), il est acquitté par la Cour de justice de Genève, laquelle retient qu’il a agi en état de nécessité (art. 17 CP ; CJ GE, 14.10.2020, AARP/339/2020).

Sur recours du Ministère public genevois, le Tribunal fédéral casse cette décision (TF, 28.09.2021, 6B_1298/2020, 6B_1310/2020) et renvoie l’affaire à la Cour de justice de Genève.… Lire la suite

L’interruption de la prescription par le dépôt d’une action dans la mauvaise monnaie

TF, 08.11.2022, 4A_298/2021*

L’introduction d’une demande en paiement qui contient des conclusions dans la mauvaise monnaie interrompt le délai de prescription de la demande dans la monnaie exacte.

Faits

En 2006, une patiente domiciliée en France est opérée à Genève. Après l’opération, elle dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence à l’encontre du chirurgien et de l’anesthésiste qui l’ont opérée. La plainte est classée en 2009.

En juin 2015, la patiente ouvre une première demande en paiement contre les deux médecins et l’hôpital. Ses conclusions sont chiffrées en francs suisses. Le Tribunal de première instance de Genève estime que la patiente aurait dû chiffrer ses conclusions en euros car elle réside en France et que c’est donc en France que le dommage est survenu. Aussi, considérant qu’elle n’est pas titulaire d’une prétention en francs suisse, il rejette son action. Sur appel de la patiente, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève confirme ce jugement dans un arrêt de novembre 2017.

En mars 2018, la patiente introduit une seconde demande en paiement contre les mêmes défendeurs, cette fois-ci en euros. Après avoir limité la procédure à la prescription et l’autorité de chose jugée, le Tribunal de première instance déclare l’action recevable mais la rejette.… Lire la suite

Cession des droits de garantie et PPE: quelques précisions jurisprudentielles

TF, 20.12.2022, 4A_152/2021

En matière de cession des droits de garantie, par application analogique de l’art. 467 al. 2 CO, la cessionnaire (l’acheteuse) du droit à la réparation est tenue de faire valoir en priorité le droit cédé ; la prestation due par la cédante restant en suspens entretemps.

Faits

Une société venderesse fait construire plusieurs appartements qu’elle constitue en PPE. Elle vend les unités d’étages à une douzaine d’acquéreurs. Le contrat de vente conclu avec deux acquéreurs contient une clause de cession des droits de garantie. La venderesse cède ainsi aux acquéreurs les droits légaux à la garantie (art. 368 CO) qu’elle détient contre les constructeurs. Ces deux mêmes contrats ne contiennent en revanche aucune clause d’exclusion des droits de garantie en faveur de la venderesse.

Des défauts apparaissent sur les parties communes de la PPE. Les deux acquéreurs ouvrent une action en paiement contre la venderesse. Ils réclament un montant correspondant aux frais de réparation. Les tribunaux de première et seconde instances cantonales condamnent la venderesse. Ils estiment que les acquéreurs ont dans un premier temps valablement exercé leur droit à la réparation, puis, devant le refus de la venderesse d’éliminer les défauts, ont valablement opté pour l’exercice du droit à la réduction du prix.… Lire la suite