Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

L’imputation des frais de la procédure pénale à un tiers

ATF 143 IV 488 | TF, 08.11.2017, 6B_618/2016*

L’art. 418 al. 3 CPP ne permet pas d’imputer les frais d’une procédure pénale à un tiers exclusivement. L’application de cette disposition est conditionnée à la condamnation du prévenu aux frais de la procédure en vertu de l’art. 426 CPP.

Faits

Une société est chargée de construire une grue sur un chantier. Après le montage de la grue, celle-ci présente des défauts si bien que trois employés de la société sont dépêchés pour réparer la grue. Suite à une mauvaise manœuvre, la grue s’effondre causant le décès de l’un des trois employés et de graves blessures à l’un des deux autres.

Une instruction menée par le Ministère public vaudois ne permet pas d’identifier lequel des trois employés a commis une erreur si bien que l’instruction est classée. Dans la mesure où il est établi que l’accident a été causé par l’un des trois employés, le Ministère public vaudois met à la charge de la société employeuse les frais de la procédure pénale, lesquels s’élèvent à CHF 150’000.

Sur appel de la société, l’instance compétente confirme la décision du Ministère public. La société recourt au Tribunal fédéral lequel est amené à déterminer si les frais de la procédure pénale peuvent être mis exclusivement à la charge d’un tiers (en l’occurrence la société employeuse).… Lire la suite

Prévoir une autorité parentale exclusive par convention de divorce reste possible

ATF 143 III 361 | TF, 29.06.2017, 5A_346/2016*

Quand bien même le nouveau droit prévoit un principe d’autorité parentale conjointe, un accord des époux prévoyant une autorité parentale exclusive reste possible si le bien de l’enfant est préservé.

Faits

Deux époux parents d’une fille décident de divorcer. Dans un accord partiel sur les effets du mariage conclu en 2013, ils conviennent notamment que l’épouse sera mise au bénéfice de l’autorité parentale exclusive sur la fille. Le 1er juillet 2014, le principe général de l’autorité parentale conjoint est introduit dans le Code civil. Dans une décision de 2015, le Tribunal de première instance ratifie cet accord partiel. Sur appel de l’époux qui estime que selon le nouveau droit l’attribution conjointe de l’autorité parentale est impérative, le Tribunal d’appel confirme la décision de première instance en 2016.

Sur recours de l’époux, le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si une convention par laquelle les époux prévoient une autorité parentale exclusive est conforme au droit et peut donc être ratifiée par un tribunal.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’un accord des parents sur le sort des enfants ne lie pas le tribunal (art. 296 al.Lire la suite

Le paiement d’une avance de frais par un mineur non accompagné

Décision de la commission administrative du Tribunal fédéral, 16.10.2017, 12T_2/2016*

La pratique prévalant au sein du Tribunal administratif fédéral qui consiste à demander aux requérants d’asile mineurs non accompagnés des avances de frais restreint de manière inadmissible l’accès à la justice. 

Faits

Un citoyen érythréen de 15 ans non accompagné fait une demande d’asile. Il fonde sa requête sur le risque d’être enrôlé de force dans l’armée nationale et sur la circonstance qu’il avait auparavant été détenu deux mois au motif qu’il avait été soupçonné de vouloir quitter le pays sans autorisation. Le Secrétariat d’État aux migrations rejette sa demande.

Contre cette décision, le demandeur d’asile de 15 ans recourt au Tribunal administratif fédéral et demande à titre préalable l’octroi de l’assistance juridique sous la forme d’une dispense d’avance de frais. Par décision incidente, le juge instructeur rejette la requête d’assistance judiciaire au motif que le recours était dénué de toute chance de succès et fixe un délai au demandeur d’asile pour verser une avance de frais de CHF 900. Ne s’étant pas acquitté de ce montant, le demandeur d’asile de 15 ans voit son recours déclaré irrecevable.

La Fondation suisse du service social international adresse alors, au nom du demandeur d’asile de 15 ans, une dénonciation à l’encontre de la décision incidente au Tribunal fédéral en sa qualité d’autorité de surveillance administrative du Tribunal administratif fédéral.… Lire la suite

Le dépôt d’écritures judiciaires sous format électronique

Arrêt de la Cour de justice de Genève, 16.10.2017, ACJC/1341/2017

Lorsqu’une partie dépose ses écritures judiciaires sous format électronique, l’autorité ne peut exiger qu’elle ne lui adresse ultérieurement une version papier ni qu’elle ne lui verse des frais judiciaires pour l’impression des documents.

Faits

Par courrier électronique sécurisé du 1er mai 2017, une partie à une procédure civile dépose auprès du Tribunal de première instance genevois une demande en paiement de sept pages et un chargé de titres de 87 pages, tous deux munis de la signature électronique.

Par décision incidente, le Tribunal invite la partie à déposer sa demande et son chargé sur support papier (un exemplaire pour le Tribunal et autant d’exemplaires que de parties adverses) faute de quoi la partie devra s’acquitter de frais judiciaires à hauteur de CHF 238.- correspondant au coût d’impression des deux jeux d’écritures et de pièces.

La partie recourt contre cette décision incidente auprès de la Cour de justice, laquelle est amenée à déterminer si le Tribunal de première instance était légitimé à demander une version papier des écritures déposées sous format électronique ou au besoin à condamner la partie à des frais d’impression.

Droit

La Cour de justice commence par relever que l’art.Lire la suite

La qualification du bonus pour les salaires modestes, moyens et supérieurs

TF, 29.08.2017, 4A_714/2016

Pour les salaires qui sont au-dessus du salaire médian suisse, un bonus ne devrait être requalifié en salaire qu’à partir du moment où le bonus versé égale ou excède le salaire annuel.

Faits

Entre 2005 et 2013, un employé de banque reçoit de son employeur un salaire de base annuel oscillant entre CHF 100’000 et 165’000.-. Durant cette même période, il touche un bonus allant de CHF 20’000.- à CHF 100’000.- soit une proportion du salaire de base de 17 à 60%. Durant toute cette période, le bonus est qualifié de facultatif par les parties.

En mars 2014, l’employé reçoit un bonus de CHF 80’000.- pour l’activité déployée en 2013. Quelques jours plus tard, il donne sa démission et quitte la banque en septembre 2014. Pour l’activité déployée en 2014 il reçoit évidemment son salaire de base mais la banque ne lui verse aucun bonus. Il réclame dès lors environ CHF 60’000.- ce qui correspond selon lui au bonus qu’il aurait touché en mars 2015 pour l’activité déployée en 2014.

La banque refuse de payer ce montant si bien que l’employé ouvre une action devant le Tribunal des prud’hommes qui rejette ses conclusions. La Cour cantonale confirme ce jugement et l’employé recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le bonus pour l’activité déployée en 2014 est un élément du salaire – auquel cas l’employé a droit au versement – ou s’il s’agit véritablement d’une gratification.… Lire la suite