La cognition de l’autorité d’appel sur un jugement de première instance rendu par un juge unique
La cognition de l’autorité d’appel en matière de fixation de la peine n’est pas limitée lorsqu’elle statue sur un jugement rendu en première instance par un juge unique. Elle peut ainsi prononcer une peine privative de liberté supérieure à celle que peut prononcer le juge unique en première instance (art. 19 al. 2 CPP).
Faits
L’Amtsgericht de Soleure-Lebern reconnaît un prévenu coupable de diverses infractions à la LCR. Il révoque une peine pécuniaire antérieure et le condamne à une peine privative de liberté de 13 mois avec sursis, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende de CHF 100 également avec sursis ainsi qu’à une amende de CHF 100.
Le prévenu interjette appel contre ce jugement, limité à la révocation de la peine pécuniaire. Le Ministère public forme un appel joint, limité à la question de l’octroi du sursis, tant pour la peine pécuniaire que pour la peine privative de liberté.
Le Kantonsgericht de Soleure condamne alors l’intéressé à une peine privative de liberté de 21 mois, partiellement assortie du sursis, avec un délai d’épreuve de 5 ans, et renonce à révoquer la peine pécuniaire.
Le condamné interjette alors un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, qui doit notamment déterminer si le Kantonsgericht pouvait prononcer une peine privative de liberté de 21 mois partiellement assortie du sursis.
Droit
Le recourant invoque une application contraire au droit fédéral de l’art. 19 al. 2 CPP. Il soutient que l’autorité d’appel est liée par la limite maximale de 18 mois applicable au juge unique de première instance, faute de renvoi par le juge unique à une cour composée de trois juges.
L’art. 19 al. 2 CPP dispose que la Confédération et les cantons peuvent prévoir un tribunal de première instance à juge unique pour le jugement : (a) des contraventions ; (b) des crimes et délits, à l’exception de ceux pour lesquels le ministère public requiert une peine privative de liberté de plus de deux ans, une mesure d’internement selon l’art. 64 CP, un traitement selon l’art. 59 CP (ou selon l’art. 59 al. 3 CP, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023), ou, en cas de révocation simultanée de sanctions avec sursis, une privation de liberté de plus de deux ans. L’art. 12 al. 1 lit. c de la Gesetz über die Gerichtsorganisation du canton de Soleure (GO/SO) précise que la compétence de l’Amtsgericht, siégeant à juge unique, est limitée au prononcé d’une peine privative de liberté maximale de 18 mois.
Le CPP ne contient aucune règle limitant la cognition du tribunal d’appel en matière de fixation de la peine lorsqu’il statue sur un jugement rendu en première instance par un juge unique. L’interprétation de l’art. 19 al. 2 CPP indique que cette disposition vise uniquement à décharger les tribunaux de première instance. Ni les travaux préparatoires ni la doctrine ne prévoient une limitation en ce qui concerne la procédure de recours. Au contraire, l’art. 398 al. 2 CPP confère aux juridictions d’appel un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement, incluant notamment la fixation de la peine.
Partant, le Tribunal fédéral rejette ce grief.
Le recourant invoque ensuite une violation de l’art. 42 al. 1 CP.
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. Le sursis est écarté en cas de pronostic défavorable. L’examen des perspectives de réinsertion s’effectue sur la base d’une appréciation globale de toutes les circonstances pertinentes du cas. Dans ce domaine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation.
Pour les peines d’un an au moins et de trois ans au plus, le juge peut accorder un sursis partiel (art. 43 CP). Lorsque la peine est comprise entre un et deux ans, le sursis complet constitue la règle. Le sursis partiel n’est accordé que subsidiairement, lorsque le sursis à une partie de la peine exige que l’autre partie soit exécutée de manière ferme.
En l’espèce, la peine prononcée était de 21 mois, relevant en principe du régime du sursis complet. Toutefois, le Kantonsgericht a tenu compte des nombreux antécédents pénaux du prévenu, de son mode opératoire marqué par une activité délictuelle répétée et « insouciante » (unbekümmerten deliktischen Tätigkeit), ainsi que de son comportement ultérieur (en particulier un manque de prise de conscience). Il a jugé que le pronostic était défavorable.
Partant, le Kantonsgericht est n’a pas outrepassé son pouvoir d’appréciation en prononçant une peine partiellement assortie du sursis, cette solution permettant un pronostic favorable et apparaissant indispensable pour renforcer les perspectives de réinsertion.
Le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, La cognition de l’autorité d’appel sur un jugement de première instance rendu par un juge unique , in: https://lawinside.ch/1634/





