L’irrecevabilité d’un appel joint sur un appel joint
Le fait que l’appel joint permette à la partie intimée à l’appel principal d’y réagir et d’en élargir l’objet ne permet pas d’admettre un droit pour l’auteur de l’appel principal d’y réagir à son tour par un appel joint à l’appel joint.
Faits
Le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois reconnaît un prévenu coupable de diverses infractions. Le prévenu dépose une annonce d’appel suivie d’une déclaration d’appel. Deux victimes, agissant conjointement, déposent un appel joint. Le prévenu dépose ensuite un acte intitulé « appel joint à un appel joint ». La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois déclare cet acte irrecevable.
Le prévenu forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer pour la première fois sur la question de la recevabilité d’un appel joint sur un appel joint.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que, conformément à l’art. 399 al. 3 CPP, la partie qui annonce l’appel adresse une déclaration d’appel écrite à la juridiction d’appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. Dans sa déclaration, elle indique si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties (let. a), les modifications du jugement de première instance qu’elle demande (let. b) et ses réquisitions de preuves (let. c). L’art. 399 al. 4 CPP dispose pour sa part que quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d’indiquer dans la déclaration d’appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l’appel.
À teneur de l’art. 401 CPP, l’art. 399 al. 3 et 4 CPP s’applique par analogie à l’appel joint (al. 1). L’appel joint n’est pas limité à l’appel principal, sauf si celui-ci porte exclusivement sur les conclusions civiles du jugement (al. 2). Si l’appel principal est retiré ou fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière, l’appel joint est caduc (al. 3). Selon l’art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d’appel n’examine que les points attaqués du jugement de première instance. Elle jouit en revanche d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement, qu’elle revoit librement (cf. art. 398 al. 2 CPP). D’après l’art. 404 al. 2 CPP, la juridiction d’appel peut également examiner en faveur du prévenu des points du jugement qui ne sont pas attaqués, afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables (al. 2).
Le fait que le législateur ait voulu offrir à la partie intimée à l’appel principal la possibilité d’y réagir et d’en élargir l’objet en formant à son tour un appel joint ne permet pas de considérer qu’il aurait également eu l’intention de ménager, mutatis mutandis, la même possibilité à l’appelant principal, une fois l’appel joint interjeté. Une telle solution irait au-delà du but de l’appel joint qui se conçoit comme une faculté à l’unique disposition de la partie intimée à l’appel principal.
En outre, reconnaître la possibilité pour un appelant principal de déposer un appel joint sur un appel joint serait également contradictoire au regard du souci d’économie du procès et d’allègement de la procédure évoqué dans le contexte des art. 399 al. 4 et 404 CPP. Au demeurant, en poussant à son terme la logique qui la sous-tend, une telle solution serait susceptible de générer une cascade d’appels joints au gré de possibles extensions successives de l’objet de la procédure.
Enfin, il revient à la partie qui annonce l’appel principal de choisir, au moment de déposer sa déclaration d’appel, si elle entend contester le jugement dans son ensemble ou seulement certaines parties. On comprendrait d’autant moins qu’il puisse être possible à une partie ayant opéré à ce stade le choix délibéré de limiter l’objet de son appel principal d’y revenir par la suite par le biais d’un appel joint sur appel joint, alors même qu’elle disposait à l’origine de la faculté de contester le jugement dans son ensemble.
Ainsi, il convient de retenir que la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois n’a pas violé le droit fédéral en déclarant irrecevable l’appel joint sur l’appel joint du recourant.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, L’irrecevabilité d’un appel joint sur un appel joint, in: https://lawinside.ch/1579/