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La levée anticipée du secret professionnel de l’avocat en vue du recouvrement d’honoraires

TF, 05.04.2024, 2C_257/2023*

La levée du secret professionnel de l’avocat par le client en vue du recouvrement d’honoraires avant la survenance du litige est en principe inadmissible. L’avocat peut s’exposer à des sanctions disciplinaires.

Faits

Un avocat conclut un contrat de mandat avec son client. Le contrat contient une clause de levée anticipée du secret professionnel, dont la teneur est la suivante :

«  Für die Geltendmachung oder die Abwehr von Ansprüchen aus diesem Auftragsverhältnis ist der Beauftragte vom Berufsgeheimnis befreit, soweit dies zur Durchsetzung seiner Ansprüche notwendig ist. »

(Traduction libre : «  Le mandataire est délié du secret professionnel pour faire valoir ou se défendre à l’encontre de prétentions issues du présent mandat, dans la mesure où cela est nécessaire pour la mise en oeuvre de ses droits.  »)

L’avocat dépose une demande de conciliation contre son client afin de recouvrir une créance d’honoraires résultant de son activité. L’Ordre des avocats du canton de Saint-Gall ouvre alors une procédure disciplinaire contre l’avocat au motif d’une potentielle violation du secret professionnel.

A la suite de la procédure disciplinaire, l’Ordre des avocats du canton de Saint-Gall constate une violation de l’art. 13 al. 1 LLCA et prononce une amende de CHF 1’000.-.… Lire la suite

Affaire Petrobras : la légalité de la créance compensatrice ordonnée à l’encontre de l’intermédiaire (2/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Le juge ordonne, en principe, une confiscation (art. 70 CP), respectivement une créance compensatrice (art. 71 CP) à l’encontre de la personne physique ou morale qui a perçu le produit d’une activité délictuelle. Si une société perçoit ce produit, un Durchgriff sur l’actionnaire unique est possible s’il existe une identité économique entre eux et si l’invocation de l’indépendance juridique de la personne morale paraît abusive. En revanche, le seul fait que l’actionnaire détienne la société ne suffit pas.

Le produit délictueux reste à recouvrer auprès de la société ayant perçu ce montant, même en présence de dépenses effectuées avec des valeurs mélangées, tant que ces dépenses n’excèdent pas la part légale disponible sur le compte (théorie résiduelle ou Bodensatztheorie).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras. Aux termes des négociations, la société Petrobras attribue les contrats auxdites sociétés mandantes.

En 2015, la société Petrobras découvre que, au cours des négociations d’un des contrats, certains de ses directeurs ont perçu des pots-de-vin. Elle résilie alors ledit contrat.… Lire la suite

Les honoraires de l’architecte en cas d’exécution défectueuse

TF, 13.10.2020, 4A_534/2019

La violation du devoir d’informer de l’architecte en faveur du mandant peut constituer une inexécution totale du mandat dès lors que l’exécution défectueuse ne revêt aucune utilité pour le mandant. Dans ce cas, l’architecte n’a droit à aucun honoraire.

Faits

Un couple prend contact avec un bureau d’architectes en vue de construire une villa pour 1,2 million. Le bureau confirme que ce projet est réalisable, en gardant néanmoins la piscine comme soupape si les coûts devaient excéder l’objectif financier. Ils concluent alors un contrat d’architecte. Néanmoins, par la suite, le bureau indique aux époux qu’il s’est montré trop optimiste et que la villa doit être devisée à CHF 1’950’000 sans la piscine.

Après quelques échanges, le couple suspend le projet avec effet immédiat en raison du prix bien trop élevé. Le bureau d’architectes leur facture néanmoins les études du projet (honoraires – réduits – d’environ CHF 60’000). Le couple engage finalement un autre architecte qui propose une villa avec piscine pour CHF 1’663’108.

Le couple n’ayant pas payé les honoraires du bureau, celui-ci saisit le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers afin que le couple soit condamné à payer les honoraires. Le Tribunal civil admet la demande du bureau et le Tribunal cantonal rejette l’appel du couple.… Lire la suite

La prime de succès de l’avocat est-elle valable ?

TF, 12.11.2020, 4A_512/2020

Un avocat ne peut pas s’attribuer unilatéralement une prime de succès sans en informer préalablement sa cliente, même si cela devait correspondre à un “usage” ou une “pratique”.

Faits

Un avocat genevois est contacté par une société anglaise de conseil juridique. Cette société représente plusieurs plaignants américains qui avaient été victimes d’une fraude financière orchestrée par un individu basé en Angleterre.

Grâce à un jugement anglais ordonnant la restitution en faveur des plaignants américains d’environ USD 16’500’000 déposés et séquestrés pénalement auprès d’une banque genevoise, l’avocat genevois sollicite et obtient des séquestres civils. Après le rejet des plaintes de l’escroc, l’avocat transfère le montant encaissé après avoir déduit CHF 750’000 d’honoraires, dont une prime de succès (success fee) de CHF 520’000.

La société anglaise conteste immédiatement la note d’honoraires en soutenant que la prime de succès, d’environ 3,5 % du montant recouvré, n’avait jamais été convenue. Saisie par la société anglaise, la Commission genevoise en matière d’honoraires d’avocats considère que la prime de succès est disproportionnée et qu’elle devrait être réduite à 2,5 % du résultat, soit environ CHF 400’000.

La société anglaise ouvre action contre l’avocat genevois afin d’obtenir le remboursement de la prime de succès.… Lire la suite

La dissolution de la société simple

ATF 146 III 97 |  TF, 09.12.2019, 4A_328/2019*

Lorsque l’actif social d’une société simple ne suffit pas pour restituer tous les apports, y compris ceux en industrie, la société simple a fait une perte qui doit être répartie à parts égales entre les associés, sauf convention contraire.

Faits

Un promoteur immobilier – qui détient également un bureau d’architectes – et une société immobilière signent un “contrat de société simple” afin de réaliser plusieurs projets immobiliers. Le contrat prévoit que la société immobilière obtiendra le remboursement de ses fonds propres si les autorisations de construire ne sont pas accordées. Les permis n’étant pas accordés dans les deux ans suivant la conclusion du contrat, le promoteur informe la société immobilière qu’elle va être remboursée. Par la suite, n’ayant pas reçu les remboursements, la société dépose une réquisition de poursuite puis obtient la mainlevée provisoire de l’opposition.

Le promoteur ouvre une action en libération de dette en invoquant une créance contre la société immobilière au titre du partage des pertes de la société simple. En effet, ses honoraires d’architecte en faveur de la société simple constitueraient un apport en industrie. Il disposerait ainsi d’une créance en remboursement à l’encontre de la société immobilière à hauteur de 50 % du montant de ses honoraires.… Lire la suite