Le concours rétrospectif en cas de jugement étranger et la compétence fonctionnelle

ATF 142 IV 329 | TF, 28.06.16, 6B_466/2015*

Faits

En tenant compte de condamnations étrangères d’une durée cumulée de plus de 4 ans, le tribunal de Bâle-Ville, composé de 3 juges, condamne un prévenu à une peine complémentaire (cf. art. 49 al. 2 CP ; concours rétroactif) de 22 mois de peine privative de liberté. Le prévenu recourt au Tribunal cantonal en invoquant une violation de la loi cantonale sur l’organisation judiciaire, qui prévoit que le collège de 3 juges ne peut rendre que des peines privatives de liberté de 5 ans au maximum. Pour le recourant, la compétence cantonale s’analyse selon la peine d’ensemble, et non selon la peine complémentaire. Le Tribunal fédéral doit trancher cette question pour la première fois.

Droit

Avant d’aborder la compétence cantonale, le Tribunal fédéral relève qu’il n’existe pas de concours rétrospectif au sens de l’art. 49 al. 2 CP dans le cas d’espèce. Il renverse ainsi sa jurisprudence jusqu’alors actuelle (ATF 132 IV 102, c. 8.2) qui permettait de prononcer une peine complémentaire à un jugement étranger concernant des faits n’entrant pas dans le champ d’application du CP. Pour le Tribunal fédéral, les autorités judiciaires ne peuvent rendre une peine complémentaire que par rapport à un jugement national.… Lire la suite

La décision au fond de l’autorité de conciliation (art. 212 CPC)

ATF 142 III 638TF, 13.09.2016, 4A_105/2016*

Faits

Un créancier dépose une requête de conciliation contre son débiteur et conclut au paiement de 600 francs. À la fin de l’audience de conciliation, après avoir constaté qu’une solution amiable ne pouvait être trouvée, le créancier requiert que l’autorité de conciliation rende une décision au sens de l’art. 212 CPC. Celle-ci accède à cette requête et ordonne la tenue des « débats principaux » qui se tiennent directement après l’audience de conciliation. Au terme de ces « débats principaux », les parties plaident la cause au fond.

Deux jours plus tard, l’autorité de conciliation soumet aux parties une proposition de jugement au sens de l’art. 210 CPC aux termes de laquelle elle admet la requête en paiement du créancier. Le débiteur s’oppose à la proposition de jugement si bien que le créancier se voit délivrer une autorisation de procéder.

Le Tribunal cantonal rejette l’appel du créancier dans lequel celui-ci conclut à l’annulation de l’autorisation de procéder et à l’admission (au fond) de sa requête initiale.

Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’autorité de conciliation est obligée de rendre une décision lorsqu’elle a « instruit » le dossier et que la valeur litigieuse ne dépasse pas 2’000 francs.… Lire la suite

La plainte contre la « décision » de maintenir la saisie d’une créance

ATF 142 III 643 | TF, 17.08.2016, 5A_124/2016*

Faits

Un créancier poursuivant requiert la saisie des avoirs d’un débiteur poursuivi qui sont déposés auprès d’une banque. Le 18 août 2015, l’Office des poursuites adresse à la banque un « avis concernant la saisie d’une créance (art. 99 LP) », selon lequel les avoirs du débiteur sont saisis et que la banque ne pourrait désormais plus s’acquitter qu’en mains de l’office. Cet avis n’indique aucune voie de droit. Il s’en est suivi un échange de courriers entre l’Office des poursuites et le débiteur quant au caractère saisissable des avoirs bancaires visés, le poursuivi faisant valoir son immunité diplomatique.

Le 30 septembre 2015, l’Office des poursuites maintient la saisie du compte du débiteur auprès de la banque et informe le débiteur que la saisie sera exécutée le 15 octobre suivant. Contre cette décision, le débiteur forme une plainte qui est rejetée par la Chambre de surveillance des offices des poursuites et faillites.

Le débiteur forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher la question de savoir si le débiteur a valablement formé sa plainte contre la décision de l’Office des poursuites du 30 septembre 2015.… Lire la suite

L’imputation de la mesure sur la peine privative de liberté

ATF 142 IV 359 | TF, 06.09.2016, 6B_173/2015*

Faits

Le tribunal de première instance condamne un mineur pour diverses infractions et déduit de la peine privative de liberté à effectuer les jours de placement en milieu fermé qu’il a déjà effectués. Le tribunal ne déduit en revanche pas de la peine le séjour de l’intéressé en milieu semi-ouvert (dont diverses périodes de fugue). La décision est confirmée en seconde instance.

Le mineur recourt auprès du Tribunal fédéral et requiert la déduction intégrale de la durée du placement. Le Tribunal fédéral est ainsi appelé à préciser les conditions auxquelles une mesure de protection ordonnée à titre provisionnel est imputée sur la peine.

Droit

L’autorité prononce le placement d’un mineur en établissement ouvert ou fermé lorsque l’éducation ou le traitement exigé par l’état du mineur ne peuvent être assurés autrement (art. 15 DPMin). En cas de prononcé simultané d’un placement et d’une peine, le placement est exécuté en premier lieu (art. 32 al. 1 DPmin), conformément au système dualiste (dualistisch-vikariierend) qui donne la priorité à la mesure sur la peine.

S’il est mis fin au placement parce qu’il a atteint son objectif, la privation de liberté n’est plus exécutée (art.Lire la suite

La gestion déloyale (art. 158 CP) et le churning

ATF 142 IV 346 | TF, 21.09.16, 6B_1203/2015*

Faits

L’associé d’une Sàrl active dans la gestion de fortune emploie un travailleur chargé d’acquérir des clients en les convainquant de placer de l’argent auprès de la société. L’employé contacte une personne qui a accepté d’investir USD 50’000.-. Le client reçoit régulièrement les extraits de compte et la performance de ses placements. Respectivement un et deux mois après le début des transactions, il fait des apports supplémentaires pour un total d’environ USD 230’000. En raison de la fréquence élevée des transactions (plus de 2’600 ordres en l’espace de 2,5 mois), le client doit payer plus de USD 160’000.- de commissions. A cela, s’ajoute encore une perte sur le marché, de sorte que l’investisseur perd quasiment l’entier de son argent.

Le ministère public ouvre une procédure contre l’associé-gérant pour gestion déloyale (art. 158 CP) et contre l’employé pour complicité de gestion déloyale. Le tribunal de première instance les reconnaît coupables. Ces derniers recourent au Tribunal cantonal qui les acquitte totalement. Le ministère public saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer les conditions de la gestion déloyale.

Droit

Selon l’art. 158 CP, commet une gestion déloyale, « celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés ».… Lire la suite