L’établissement des faits comme activité typique de l’avocat·e

TF, 06.09.2024, 7B_158/2023*

L’établissement de faits en lien avec des litiges pendants ou imminents relève de l’activité typique de l’avocat·e. Par conséquent, cette activité est couverte par le secret professionnel. En outre, la remise, même volontaire, d’informations à une autorité tierce – in casu la FINMA – en vertu d’une obligation de collaborer, ne saurait faire perdre le caractère secret de celles-ci.

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale pour concurrence déloyale, le Ministère public zurichois soupçonne un employé d’avoir donné aux investisseurs des indications trompeuses, voire inexactes, quant au profil de risque et aux perspectives d’un fonds d’investissement.

Il requiert de la banque la remise d’un rapport d’enquête interne effectuée par une étude d’avocat. Ce rapport porte notamment sur l’employé et a d’ailleurs déjà été communiqué à la FINMA dans le cadre d’une procédure d’enforcement.

La société fournit ces documents au Ministère public et exige leur mise sous scellés. Le Bezirksgericht de Zurich rejette la demande de levée des scellés du Ministère public. Ce dernier recourt contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel doit trancher la question de savoir si le rapport d’enquête est couvert par le secret professionnel de l’avocat.

Droit

Afin de déterminer si le rapport d’enquête pouvait être valablement séquestré, deux questions se posent.… Lire la suite

La compétence du juge unique pour le prononcé d’une expulsion et d’une peine pécuniaire (art. 19 al. 2 let. b CPP)

TF, 04.09.2024, 6B_1377/2023*

L’examen du respect de la limite maximale de deux ans de peine privative de liberté s’agissant de la compétence du juge unique (art. 19 al. 2 let. b CPP) ne doit pas se fonder sur l’ensemble des sanctions. La compétence du juge unique dépend uniquement de la durée de la peine privative de liberté requise ou prononcée. Elle s’étend donc également au prononcé d’une expulsion.

Faits

Le juge unique du Tribunal régional de l’Emmental-Haute Argovie condamne une personne à une peine privative de liberté de 23 mois et à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 francs, dans les deux cas avec un sursis de deux ans, ainsi qu’à une amende de 700 francs. Il prononce également une expulsion pour une durée de six ans avec inscription dans le Système d’information Schengen. Sur appel du condamné, la Cour suprême du canton de Berne confirme la décision attaquée.

Le condamné forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer pour la première fois sur la question de savoir si une peine pécuniaire requise ou prononcée en même temps qu’une peine privative de liberté ainsi qu’une expulsion doivent être prises en compte dans le cadre de la limite supérieure de deux ans prévue à l’art.Lire la suite

La computation des délais exprimés en mois

TF, 13.08.2024, 5A_691/2023*

Les délais exprimés en mois commencent à courir le jour même de leur évènement déclencheur. En particulier, l’art. 142 al. 2 CPC doit être interprété en ce sens que le « jour où [le délai] a commencé à courir » n’est pas déterminé par l’art. 142 al. 1 CPC, mais se réfère au jour de l’élément déclencheur. 

Faits

Dans le cadre d’un litige successoral, l’autorité de conciliation notifie l’autorisation de procéder à l’héritier demandeur le 26 janvier 2022. Ce dernier dépose sa demande à l’égard de ses frères et sœurs le 12 mai 2022. Par décision du 9 février 2023, le tribunal déclare la demande irrecevable, faute d’autorisation de procéder valable rationae temporis.

À la suite de l’appel déposé par l’héritier, l’Obergericht du Canton de Schwytz confirme la décision de première instance. L’héritier interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la computation des délais fixés en mois, en particulier le délai de trois mois pour déposer une demande à la suite de l’échec de la conciliation (art. 209 al. 3 CPC).

Droit

Se fondant sur la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972 (CECD), le Tribunal cantonal a considéré que le délai devait avoir expiré en principe le 26 avril, dès lors que l’autorisation de procéder avait été notifiée le 26 janvier (art.Lire la suite

Le consentement à une clause d’arbitrage et la sentence incompatible avec l’ordre public matériel

TF, 05.09.2024, 4A_136/2024*

Lorsqu’elle n’a pas signé de document renvoyant directement ou indirectement à une clause d’arbitrage, une athlète peut, suivant les circonstances, manifester son acceptation de la compétence du TAS par son comportement en procédure. En outre, le fait de ne pas opérer de distinction entre les jeunes athlètes et les autres athlètes en matière de sanctions antidopage n’est pas incompatible avec l’ordre public matériel.

Faits

En décembre 2021, une patineuse remporte le programme libre lors des championnats russes de patinage artistique. A l’issue de sa prestation, elle fait l’objet d’un contrôle antidopage. Elle est alors âgée de 15 ans et 8 mois.

En février 2022, l’agence russe antidopage (Russian Anti-Doping Center Agency) informe la patineuse que le contrôle révèle la présence de trimétazidine, une substance proscrite par l’agence russe. Celle-ci suspend provisoirement la patineuse sur la base du Règlement antidopage russe (All Russian Anti-Doping Rules). Il s’ensuit une première procédure devant le Chambre ad hoc du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), qui conduit au refus de suspendre provisoirement la patineuse. Cette dernière peut donc participer aux Jeux Olympiques de Pékin 2022.

Après la fin des Jeux Olympiques, le laboratoire désigné pour le contrôle antidopage confirme la présence de trimétazidine dans l’échantillon prélevé en décembre 2021.… Lire la suite

Les effets de l’annulation d’une naturalisation facilitée

TF, 17.06.2024, 1C_54/2024*

i) L’acquisition de la nationalité suisse par l’un·e des conjoint·e·s par naturalisation ordinaire après le mariage ne permet pas à l’autre conjoint·e de bénéficier de la naturalisation facilitée (art. 21 al. 1 et 3 a contrario LN).

ii) Le ou la conjoint·e d’une personne dont la naturalisation facilitée obtenue grâce à une précédente union est annulée pour cause de fraude après le second mariage ne peut déposer une demande de naturalisation facilitée. Les conditions de l’art. 21 al. 1 LN ne sont pas remplies, la personne dont la naturalisation est annulée n’étant pas considérés comme suisse au moment du mariage.

Faits

Une ressortissante angolaise est mise au bénéfice d’une admission provisoire dès son arrivée en Suisse. Par la suite, elle épouse une personne d’origine angolaise, naturalisée par voie facilitée à la suite d’une précédente union avec une citoyenne suisse. Quatre ans plus tard, l’Office fédéral des étrangers annule la naturalisation facilitée anciennement accordée à l’époux en raison d’une acquisition frauduleuse.

L’époux obtient la nationalité suisse par la voie de la naturalisation ordinaire une quinzaine d’années plus tard. L’épouse dépose alors une demande de naturalisation facilitée. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) classe la demande et cette décision est confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF).… Lire la suite