Le droit au mariage en l’absence de titre de séjour des deux fiancés

TF, 01.05.2025, 2C_480/2024*

Un refus général de délivrer des autorisations de séjour de courte durée en vue du mariage lorsque les fiancés sont tous deux dépourvus de titres de séjour porte atteinte à la substance du droit au mariage (art. 14 Cst. ; art. 12 CEDH). Dans certaines circonstances exceptionnelles, il convient d’octroyer les autorisations, même si les mariés n’auront pas le droit de demeurer en Suisse par la suite.

Faits

Deux ressortissants du Sénégal, nés en 1984 et 1986, indiquent être arrivés en Suisse en 2007 et 2012 respectivement. Ils ont quatre enfants, nés entre 2014 et 2023, les trois premiers étant scolarisés en Suisse.

En janvier 2019, la mère dépose auprès de l’Office cantonal de la population et des migrations de Genève une demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires pour elle et ses deux premiers enfants, les deux plus jeunes n’étant pas encore nés. En mars 2022, le père dépose également une demande d’autorisation de séjour.

Un an plus tard, l’Office cantonal refuse les demandes et prononce le renvoi de Suisse des parents et des enfants, sur la base de condamnations pénales, en particulier pour entrée illégale et exercice d’une activité lucrative sans autorisation.… Lire la suite

La portée des obligations positives de l’État en matière de violences à l’égard des femmes

CourEDH, 03.04.2025, Affaire N.D. c. Suisse, requête no 56114/18

L’art. 2 CEDH met à charge des États parties à la Convention une obligation positive de prendre des mesures d’ordre pratique afin de protéger la vie d’un individu de comportements criminels d’autrui. Lorsque sont en cause des violences à l’égard des femmes ou des violences domestiques, l’État a à sa charge une obligation de prévention efficace qui inclut une évaluation du risque de létalité autonome, proactive et exhaustive.

Faits

Un individu est condamné en 1995 à 12 ans de peine privative de liberté pour meurtre et viol de sa compagne. Il est libéré en 2001. En 2006, il est placé en détention préventive dans le cadre d’une procédure pénale ouverte pour menace et contrainte à l’égard de sa nouvelle compagne. Dans ce cadre, une expertise psychiatrique, établie en vue d’une libération, constate que le prévenu risque de commettre des actes de violence grave lors de situations de rupture avec les personnes avec lesquelles il a entretenu des relations intimes. En octobre 2006, le prévenu est remis en liberté sous conditions.

En novembre 2006, le prévenu entame une nouvelle relation avec une femme qui ignore son passé. Face à son comportement, sa nouvelle compagne envisage de mettre fin à leur relation et contacte le médecin de famille du prévenu.… Lire la suite

La pratique de la représentation en justice en Suisse à titre permanent par un avocat ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE (art. 27 et 28 LLCA)

TF, 26.02.2025, 2C_271/2024*

Pour pratiquer la représentation en justice en Suisse à titre permanent et requérir son inscription au tableau (art. 27 et 28 LLCA), un avocat ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE habilité à exercer dans son État de provenance n’a plus besoin de démontrer qu’il entend pratiquer de manière stable et durable en Suisse ; il suffit qu’il démontre qu’il ait l’intention de s’établir en Suisse (revirement de jurisprudence).

Faits

Un avocat germano-autrichien exerce en Autriche et au Liechtenstein, endroit dans lequel il réalise 90% de son chiffre d’affaires. En 2023, il obtient une autorisation de séjour pour activité lucrative en Suisse d’une durée de 5 ans ; il ouvre un cabinet dans le canton de Saint-Gall.

Il demande ensuite à l’Anwaltskammer du canton de Saint-Gall de l’inscrire au tableau des avocats des États membres de l’UE ou de l’AELE autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse. Le Président de l’Anwaltskammer rejette la demande, tout comme l’Anwaltskammer. Puis, le Verwaltungsgericht du canton de Saint-Gall confirme le rejet de la demande.

L’avocat forme alors recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur les conditions d’inscription au tableau pour les avocats étrangers.… Lire la suite

Le refus de reconnaissance de l’association d’étudiants Zofingue par l’UNIL et l’EPFL

TF, 25.03.2025, 2C_441/2024*, 2C_72/2024*

Au vu de l’importance actuelle accordée à l’égalité des sexes, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence et considère que, dans le cadre de l’octroi de la reconnaissance d’une association d’étudiant·e·s par une haute école, le principe d’égalité des sexes (art. 8 Cst.) prime la liberté d’association (art. 23 Cst.) lorsqu’il n’existe pas de lien objectif entre le but de l’association et l’exclusion d’un sexe. (Revirement de jurisprudence)

Faits 

La Section vaudoise de la Société suisse de Zofingue (ci-après : la « Section vaudoise ») est une association d’étudiants (art. 60 ss CC) dont les buts sont notamment de « former des personnalités capables d’assumer des responsabilités civiques » et d’étudier « des problèmes politiques et économiques suisses et des questions universitaires, culturelles et sociales ». Pour être membre actif de la Section vaudoise, il faut notamment être de sexe masculin.

En 2020, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (ci-après : EPFL) refuse d’octroyer à la Section vaudoise le statut d’association d’étudiants reconnue. Cette dernière forme un recours auprès de la Commission de recours interne de l’EPFL, qui admet le recours. Sur recours de l’EPFL, le Tribunal administratif fédéral confirme la décision de la Commission.… Lire la suite

La soumission d’un projet ferroviaire et routier au référendum obligatoire

TF, 20.02.2025, 1C_236/2024*

En matière de référendum financier, le principe de l’unité de la matière implique qu’un projet financier ne peut porter sur des objets distincts, sauf s’ils sont interdépendants ou s’ils poursuivent un objectif commun créant un lien matériel étroit entre eux. Lorsque des infrastructures ferroviaires et routières sont étroitement liées, une planification d’ensemble peut s’avérer nécessaire. Il y a lieu de déterminer la part de chacun des objets et d’examiner si le seuil pertinent déclenchant l’obligation de référendum est atteint pour une partie du projet.

Faits 

Le Grand Conseil du canton de Soleure approuve un crédit d’engagement de 20,2 millions de francs pour un projet comprenant l’assainissement et le réaménagement d’une route et des infrastructures ferroviaires situées le long de la route.

Une administrée interjette un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la décision du Grand Conseil relève de sa compétence exclusive ou si elle doit être soumise au référendum obligatoire, voire facultatif.

Droit 

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que lorsqu’une décision n’est pas soumise à référendum conformément aux exigences légales, il s’agit d’une violation des droits politiques garantis à l’art. 34 al. 1 Cst. L’un des objectifs du référendum est d’assurer la participation du peuple aux décisions impliquant des dépenses considérables de l’État, qui touchent indirectement les citoyen·nes en tant que contribuables.… Lire la suite