« Détention organisationnelle » et responsabilité de l’État 

ATF 149 I 366 | TF, 25.04.2023, 2C_523/2021*

Le placement temporaire d’une personne atteinte de troubles psychiques et définitivement condamnée à une mesure dans un établissement de détention avant son transfert dans un établissement adapté n’est autorisé qu’à titre exceptionnel, aussi longtemps que cela est nécessaire pour trouver un établissement approprié (détention dite « organisationnelle »). 

En l’espèce, la détention organisationnelle d’un prévenu pendant 17 mois, dans l’attente d’un placement dans un établissement approprié pour l’exécution de la mesure ordonnée, constitue une violation de l’art. 5 par. 1 let. e CEDH. Par conséquent, le prévenu a droit à une réparation (art. 5 par. 5 CEDH). 

Faits

Par jugement du 9 décembre 2014, le Tribunal régional de Berne-Mittelland ordonne à l’encontre d’un prévenu un traitement ambulatoire (art. 63 CP), celui-ci ayant été jugé irresponsable au moment des faits en raison d’une schizophrénie paranoïde.

En avril 2015, le prévenu est placé en détention provisoire en raison de soupçons de nouvelles infractions. Le 2 novembre 2015, le prévenu est placé en exécution anticipée de mesures (art. 236 CPP) à la prison de Thorberg, dans le canton de Berne. Par la suite, le prévenu est transféré dans divers établissements pénitentiaires, et notamment dans la prison de Burgdorf dès le 7 mars 2016 suite à des problèmes de comportement survenus à la prison de Thorberg.… Lire la suite

Le fardeau de la preuve en cas d’adjudication de gré à gré (revirement de jurisprudence)

ATF 150 II 105 | TF, 06.11.2023, 2C_50/2022*

Il appartient à l’autorité adjudicatrice, et non à l’entreprise qui n’a pas été choisie, de prouver l’absence de solutions alternatives adéquates lorsque celle-ci fonde la renonciation à un appel d’offre (adjudication de gré à gré). A l’appui de sa qualité pour recourir, l’entreprise non choisie peut se limiter à rendre vraisemblable qu’elle est fournisseuse potentielle de la prestation concernée. Le Tribunal fédéral revient ainsi sur sa jurisprudence dite « Microsoft » (ATF 137 II 313).

Faits

L’Etat de Vaud utilise de longue date le logiciel d’une société argovienne pour la gestion de son service des automobiles et de la navigation. En 2021, la Direction générale cantonale du numérique et des systèmes d’information décide d’acquérir la nouvelle version de ce logiciel et de prolonger sa collaboration avec la prestataire argovienne jusqu’en 2034, pour un prix total supérieur à CHF 45 millions.

Une entreprise saint-galloise commercialisant un logiciel similaire interpelle l’Etat de Vaud pour savoir pourquoi l’adjudication a eu lieu sans appel d’offres. La Direction générale compétente explique que les prestations reçues jusqu’ici de l’adjudicataire argovienne donnent pleine satisfaction et que l’acquisition de la nouvelle version de son logiciel constitue la solution la plus fonctionnelle et économique pour le canton.… Lire la suite

L’examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a LEI)

ATF 150 I 73 | TF, 15.09.2023, 2C_457/2023*

Une personne détenue dans le cadre de la procédure Dublin ne renonce pas définitivement au contrôle judiciaire de sa détention par le simple fait de cocher une case en ce sens sur un formulaire. L’autorité judiciaire qui n’entre pas en matière sur la demande subséquente de contrôle viole le droit d’accès à un·e juge de la personne détenue.

Faits

Soupçonné de voyager sans titre de transport valable, un ressortissant marocain est contrôlé le 9 août 2023. Il ne présente pas de documents d’identité valables. Il ressort du système d’information Schengen qu’il est interdit d’entrée en Italie et aux Pays-Bas. Il est arrêté provisoirement sur ordre de l’Office des migrations de Bâle-Ville.

Le lendemain, le concerné dépose une demande d’asile pour la Suisse. Parallèlement, l’Office des migrations ordonne sa mise en détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 76a LEI) pour une durée de sept semaines. Le 21 août 2023, sa représentante juridique requiert le contrôle judiciaire de sa détention. L’Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville n’entre pas en matière sur cette demande, au motif que le détenu aurait préalablement renoncé au contrôle judiciaire de sa détention.… Lire la suite

L’indemnisation de la perte de gain en cas de chômage partiel

ATF 150 V 44 | TF, 13.09.2023, 8C_610/2022*

Lorsqu’une personne assurée à l’assurance chômage perd l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre(s) activité(s) à temps partiel, il convient, pour déterminer si elle a droit à l’indemnisation de sa perte de gain, de comparer le revenu mensuel brut qu’elle réalise malgré son chômage partiel (revenu provenant d’une ou de plusieurs autres activités à temps partiel) avec l’indemnité de chômage à laquelle elle aurait droit si elle n’était pas au chômage partiel mais si elle était totalement sans emploi.

Faits

Un jeune homme est engagé en qualité de joueur de hockey professionnel pour un revenu de CHF 100’000.- par année avec un taux d’activité estimé à 48%. En sus, il travaille à 50% pour une entreprise tierce pour un salaire de CHF 26’325.- par an. Il démissionne de cette entreprise tierce en raison de son souhait d’exercer désormais, en complément de son activité de joueur de hockey professionnel, une activité correspondant à 40% d’une activité à plein temps. Il sollicite alors la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) afin d’obtenir l’indemnisation de sa perte de gain.

Par décision confirmée sur opposition, la caisse refuse d’allouer des prestations, estimant que l’assuré ne subit aucune perte de gain.… Lire la suite

L’indépendance et la composition des Commissions de recours communales

ATF 149 I 343 | TF, 19.09.23, 9C_266/2023*

Le défaut d’indépendance institutionnelle d’une Commission de recours communale composée de membres du conseil communal implique que cette dernière ne revêt pas la qualité de tribunal au sens de l’art. 30 Cst. L’exercice de « doubles fonctions » comme membre du parlement et membre d’une autorité judiciaire est en principe prohibé, du moins lorsque ces fonctions concernent le même niveau de structure étatique.

Faits

La commune d’Aigle notifie deux décisions de taxes de raccordement à une société propriétaire de deux parcelles sur son territoire. La société conteste les décisions auprès de la Commission communale de recours en matière de taxes et d’impôts communaux (la Commission).

La Commission engage alors un avocat à titre de mandataire externe afin de traiter le recours, qui s’avère complexe. Elle notifie cette décision à la commune, à qui il incombe par ailleurs de rémunérer le mandataire ; en revanche, elle ne notifie pas ces éléments à la société. Cette dernière en prend connaissance lorsqu’elle consulte le dossier et demande alors la récusation de l’avocat mandaté par la commune. La Commission rejette la demande. La Cour de Droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud rejette le recours de la société.… Lire la suite