L’indemnisation de l’avocat pour une procédure de contravention (art. 429 CPP)

ATF 142 IV 45 | TF, 11.02.2016, 6B_1105/2014*

Faits

Le Ministère public du canton du Valais condamne un vigneron à une amende de 800 francs pour insoumission à une décision de l’autorité (art. 292 CP). Le vigneron mandate un avocat qui fait opposition et obtient le classement de la procédure. En revanche, le Ministère public refuse d’indemniser l’avocat en soulevant que les services d’un avocat ne sont pas nécessaires pour une contravention. Le Tribunal cantonal confirme la décision du Ministère public relative à l’absence d’indemnisation. Le vigneron saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer si le recours aux services d’un avocat pour une contravention apparaît comme raisonnable au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.

Droit

Selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP, « si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure ». L’indemnité pour les frais de défense n’est pas restreinte aux cas de défense obligatoire de l’art. 130 CPP. Dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il faut tenir compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu.… Lire la suite

L’ordonnance pénale rendue par le collaborateur du ministère public (art. 17 CPP)

ATF 142 IV 70TF, 01.02.2016, 6B_845/2015*

Faits

Par ordonnance pénale prise au nom du Ministère public de Bâle-Campagne, un collaborateur du Ministère public condamne un prévenu pour une contravention.

Sur opposition du prévenu, le président du Tribunal pénal confirme l’ordonnance pénale. Sur recours du prévenu, le Kantonsgericht casse la décision de l’instance précédente et renvoie l’affaire au tribunal pénal. Il a estimé que le collaborateur du Ministère public n’était pas compétent pour rendre une ordonnance pénale.

Contre cette décision, le Ministère public forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher la question de savoir si le collaborateur du Ministère public était compétent pour rendre une ordonnance pénale en matière de contravention.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que la compétence pour rendre une ordonnance pénale revient en principe au ministère public (art. 352 CPP). En vertu de l’art. 17 al. 1 CPP, les cantons peuvent déléguer tout ou partie de la poursuite du jugement de contraventions à des autorités administratives. Les cantons sont libres de désigner l’autorité administrative de leur choix (p. ex. préfet, juge de police, etc.). Contrairement à la position du Ministère public, le Tribunal fédéral considère que cette désignation doit reposer sur une base légale au sens formel.… Lire la suite

Le maintien d’une détention provisoire contre l’avis du Ministère public

TF, 21.12.2015, 1B_419/2015*

Faits

Sur demande du Ministère public, le tribunal des mesures de contrainte (ci-après : le TMC) place un prévenu tunisien en détention provisoire pour 3 mois. Quelques semaines après, le Ministère public sollicite auprès du TMC des mesures de substitution à la place de la détention provisoire. Le TMC rejette cette requête en avançant que les risques de fuite sont trop importants. Le prévenu recourt alors au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit trancher la question de savoir si le TMC peut refuser des mesures de substitution requises par le Ministère public et maintenir ou ordonner la détention provisoire.

Droit

Le Tribunal fédéral relève que le TMC peut prendre des mesures de substitution à la place d’une détention provisoire demandée par le Ministère public (art. 226 al. 4 lit. c et 227 al. 5 CPP). En revanche, la loi ne règlemente pas la situation inverse où le TMC veut ordonner une détention provisoire alors que le Ministère public a uniquement sollicité des mesures de substitution.

L’art. 226 al. 4 lit. c et l’art. 227 al. 5 CPP concrétisent le principe de proportionnalité et imposent la détention provisoire seulement lorsque des mesures de substitution ne sont pas envisageables.… Lire la suite

La récusation du procureur traitant le prévenu de menteur patenté

TF, 05.01.2016, 1B_430/2015

Faits

Le Procureur Bertrand Bühler instruit une enquête contre un prévenu pour « avoir déposé une plainte mensongère à l’encontre d’un tiers ». Lors d’une audience, le prévenu demande la récusation du procureur au motif que celui-ci lui aurait déclaré qu’il est un « menteur patenté ». L’instance cantonale rejette la demande de récusation.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si le fait de traiter un prévenu de « menteur patenté » est un motif de récusation.

Droit

Un magistrat doit se récuser lorsque des motifs sont de nature à le rendre suspect de prévention (art. 56 let. f CPP). Une apparence de prévention suffit.

Le procureur est tenu à une certaine impartialité dans l’instruction. Il est assujetti à un devoir de réserve et doit instruire tant à charge qu’à décharge du prévenu. Au stade de l’instruction, le procureur agit en tant que direction de la procédure (art. 61 CPP) et n’est pas encore une partie au sens de l’art. 104 al. 1 let. c CPP. Dans l’exercice de cette fonction, les déclarations du procureur ne doivent pas laisser penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art.Lire la suite

Le consentement à une mesure de surveillance rétroactive (art. 273 CPP)

ATF 142 IV 34 TF, 04.11.2015, 1B_256/2015*

Faits

Une adolescente porte plainte contre un policier et lui reproche de lui avoir assené plusieurs coups au visage. Afin de vérifier la pertinence de certains témoignages indirects, le Ministère public souhaite procéder à une surveillance rétroactive de la ligne téléphonique de la partie plaignante. La partie plaignante et les autres personnes concernées acceptent la mesure. Le Ministère public ordonne ainsi la surveillance.

Toutefois, le Tribunal des mesures de contrainte refuse d’autoriser la surveillance. Contre cette décision, le Ministère public forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit notamment se prononcer sur la question de savoir si une autorisation du Tribunal des mesures de contrainte à une mesure de surveillance rétroactive est nécessaire lorsque toutes les personnes concernées ont consenti à la mesure.

Droit

Avant de se prononcer sur la question topique, le Tribunal fédéral retient que la mesure de surveillance rétroactive était en l’espèce disproportionnée, car elle ne visait pas à apporter des éléments pertinents pour l’établissement des faits, mais simplement à remettre en doute la crédibilité de témoins indirects. Partant, le Tribunal des mesures de contrainte a eu raison de refuser l’autorisation.

Sur la question topique, le Tribunal fédéral rappelle que l’ordre du Ministère public de procéder à une surveillance rétroactive est soumis à autorisation du Tribunal des mesures de contrainte (art.Lire la suite