La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale

TF, 21.11.2024, 6B_696/2023*

L’art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF empêche le Ministère public de recourir par-devant le Tribunal fédéral sans un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt n’est pas donné lorsque le recours du Ministère public porte sur la validité de la plainte pénale.

Faits

En janvier 2020, plusieurs manifestant·e·s pour la cause climatique occupent une succursale d’UBS AG et déversent du charbon dans le hall central. Le charbon s’infiltre dans les stries du marbre blanc, conduisant à d’importants travaux de nettoyage. Par l’intermédiaire de son directeur régional, UBS AG dépose une plainte pénale contre les manifestant·e·s.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne considère que la plainte pénale n’est pas valable et libère sept personnes prévenues des chefs d’accusation de dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le Tribunal de police condamne cependant les manifestant·e·s pour d’autres infractions.

Le Ministère public saisit la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, contestant l’acquittement des manifestant·e·s pour les chefs d’accusation de dommages à la propriété et de violation de domicile, au motif que la plainte déposée par UBS AG était valable.… Lire la suite

Les secrets à invoquer pour demander la mise sous scellés (art. 248 CPP, précision de la jurisprudence)

TF, 15.11.2024, 7B_950/2024, 7B_976/2024*

Les détenteurs d’un autre secret au sens de l’art. 173 al. 2 CPP ne disposent pas du droit de refuser de témoigner. Par conséquent, tous les autres secrets de l’art. 173 al. 2 CPP – notamment les secrets d’affaires ainsi que le secret bancaire – ne permettent jamais d’obtenir une mise sous scellés au sens de l’art. 248 CPP cum 264 CPP (précision de la jurisprudence).

Faits

Le Ministère public de la République et canton de Genève (« le MP ») enquête à l’encontre d’un prévenu. Le 9 juillet 2024, le MP rend une ordonnance qui prévoit la perquisition et la mise sous séquestre de deux téléphones qui appartiennent au prévenu, ainsi qu’un disque dur qui contient les informations des téléphones. Le prévenu demande la mise sous scellés des téléphones et du disque dur ; le MP requiert la levée des scellés le 16 juillet 2024.

Dans un premier temps, le prévenu forme un recours contre l’ordonnance de perquisition et de mise sous séquestre du 9 juillet. En date du 6 août 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève rejette le recours pour cause d’irrecevabilité.

Dans un second temps, le 9 août 2024, le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (« le TMC ») admet la demande de levée des scellés et ordonne de transmettre les téléphones cellulaires et le disque dur au MP.… Lire la suite

Les secrets à invoquer pour demander la mise sous scellés (art. 248 CPP)

TF, 24.09.2024, 7B_313/2024*

Le nouvel art. 248 CPP, entré en vigueur au 1er janvier 2024, limite les sortes de secrets qui légitiment le détenteur à formuler une demande de mise sous scellés, désormais énumérés exhaustivement à l’art. 264 CPP. En particulier, les secrets d’affaires et le secret bancaire (art. 47 LB) ne font plus partie des secrets qui permettent de fonder une demande de mise sous scellés.

Faits

Le Ministère public de la Confédération mène une enquête à l’encontre de diverses personnes qu’il suspecte d’escroquerie qualifiée et de blanchiment d’argent qualifié. Au cours de cette enquête, le MPC formule une demande de production à l’égard de deux banques : il souhaite obtenir plusieurs documents qui concernent deux comptes bancaires que possèdent une société, laquelle n’est pas prévenue dans la procédure pénale. Le MPC notifie sa décision de production de documents à la société, laquelle requiert la mise sous scellés immédiate des documents. Le MPC rejette la requête de mise sous scellés, mais le Tribunal pénal fédéral admet le recours de la société et ordonne au MPC de mettre sous scellés les documents.

Le MPC conclut auprès du Tribunal des mesures de contrainte de Berne que la demande de mise sous scellés de la société n’est pas valable et que les documents doivent réintégrer le dossier de la procédure ; subsidiairement, le MPC demande la levée des scellés.… Lire la suite

Les conditions de la détention avant jugement fondée sur un risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP)

TF, 19.11.2024, 7B_1035/2024*

Suite à l’entrée en vigueur de la révision du CPP, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative à l’art. 221 al. 1 let. c CPP. Un prévenu ne peut être placé en détention avant jugement en raison d’un risque simple de récidive que s’il a été auparavant condamné pour au moins deux infractions du même genre dans des décisions passées en force.

Faits

Le ministère public du canton de Zurich condamne un prévenu par ordonnance pénale à une peine pécuniaire pour lésions corporelles simples et rixe.

Quelques mois plus tard, le ministère public ouvre une autre procédure pénale contre le même prévenu pour des faits d’agression. Le tribunal des mesures de contrainte du canton de Zurich place le prévenu en détention provisoire en raison d’un risque de collusion. Par la suite, le prévenu fait des aveux et forme une demande de mise en liberté. Le tribunal des mesures de contrainte rejette cette demande au motif qu’un risque de récidive simple existe (art. 221 al. 1 let. c CPP).

L’Obergericht du canton de Zurich ayant confirmé cette décision, le prévenu interjette recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à revenir sur sa jurisprudence relative à l’exigence d’infractions préalables de l’art.Lire la suite

Les actes interruptifs de la prescription sous l’ancien droit pénal

TF, 01.10.2024, 7B_915/2024*

Sous l’ancien droit pénal, tout acte des autorités pénales qui a pour vocation de faire avancer la procédure peut interrompre la prescription, même s’il n’est pas dirigé contre l’auteur de façon directe et personnelle et/ou si celui-ci n’est pas encore identifié (art. 72. al. 2 aCP). En l’absence d’une prescription de l’action pénale, le prévenu demeure fortement soupçonné et peut se voir placé en détention provisoire (art. 221 al. 1 let. a CPP).

Faits

Un prévenu est soupçonné d’avoir commis un meurtre le 4 octobre 2000. En décembre 2023, la police allemande extrade le prévenu en Suisse et le Tribunal de mesure des contraintes de Bâle-Campagne le place en détention provisoire. Le prévenu demande sa mise en liberté, ce que le tribunal refuse. Le Kantonsgericht de Bâle-Campagne rejette également le recours du prévenu et confirme la détention provisoire. Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les actes interruptifs de prescription sous l’ancien droit pénal.

Droit

Selon l’art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire est possible lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’un crime et que l’on peut sérieusement craindre qu’il prenne la fuite par la suite.… Lire la suite