La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale
L’art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF empêche le Ministère public de recourir par-devant le Tribunal fédéral sans un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt n’est pas donné lorsque le recours du Ministère public porte sur la validité de la plainte pénale.
Faits
En janvier 2020, plusieurs manifestant·e·s pour la cause climatique occupent une succursale d’UBS AG et déversent du charbon dans le hall central. Le charbon s’infiltre dans les stries du marbre blanc, conduisant à d’importants travaux de nettoyage. Par l’intermédiaire de son directeur régional, UBS AG dépose une plainte pénale contre les manifestant·e·s.
Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne considère que la plainte pénale n’est pas valable et libère sept personnes prévenues des chefs d’accusation de dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le Tribunal de police condamne cependant les manifestant·e·s pour d’autres infractions.
Le Ministère public saisit la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, contestant l’acquittement des manifestant·e·s pour les chefs d’accusation de dommages à la propriété et de violation de domicile, au motif que la plainte déposée par UBS AG était valable.
À la suite du rejet de son appel, le Ministère public exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si le Ministère public dispose de la qualité pour recourir s’agissant de la question de la validité de la plainte pénale déposée par UBS AG.
Droit
Aux termes de l’art. 381 al. 1 CPP, le Ministère public peut interjeter recours tant en faveur qu’en défaveur du prévenu ou du condamné. À l’inverse du régime qui prévaut à l’art. 382 al. 1 CPP, la qualité pour recourir du Ministère public ne dépend pas d’un intérêt juridiquement protégé. Il peut recourir dès lors qu’il estime que la décision en cause viole le droit matériel ou procédural.
Le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que le Ministère public avait bien la qualité pour recourir au sens du CPP sur la question de la validité de la plainte.
Toutefois, l’art. 81 al. 1 lit. b LTF soumet la qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral à l’existence d’un intérêt juridique à l’annulation ou la modification de la décision attaquée, y compris pour le Ministère public (art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF). Bien que l’intérêt juridique soit souvent donné pour le Ministère public en raison de l’exercice de son mandat de répression pénale, il dépend du cas concret et ne doit pas être admis de manière générale.
S’agissant des infractions poursuivies sur plainte (art. 30 CP), la jurisprudence et la doctrine majoritaire s’accordent sur le fait que la plainte est une condition de l’ouverture de l’action pénale, respectivement de l’exercice de l’action pénale, et non de la punissabilité de l’acte. La volonté de la personne lésée est donc centrale à cet égard. Ce n’est que lorsque le lésé a déposé une plainte valable que le ministère public doit poursuivre l’infraction
Quant à la question de la validité de la plainte, le Tribunal fédéral considère qu’elle n’est pas comprise dans les domaines de compétence du Ministère public. Par surabondance, le Tribunal fédéral relève que l’art. 81 al. 1 lit. b ch. 6 LTF ne confère la qualité pour recourir qu’au plaignant si la contestation porte sur le droit de porter plainte. Le Ministère public ne peut donc pas saisir le Tribunal fédéral à ce sujet, puisque cela reviendrait à se substituer à la personne lésée et à agir pour son compte.
En l’espèce, la lésée n’a pas fait appel contre le jugement de première instance, acquittant les personnes prévenues des chefs de dommages à la propriété (art. 144 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP), qui sont des infractions poursuivies sur plainte. Le Ministère public ne dispose, quant à lui, pas d’un intérêt juridiquement protégé lui permettant de saisir le Tribunal fédéral.
Partant, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.
Proposition de citation : Camille de Salis, La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale, in: https://lawinside.ch/1533/