Publications par Ismaël Boubrahimi

L’immatriculation d’un véhicule comme critère d’assurance obligatoire (art. 75 al. 3 LPGA) 

TF, 13.03.2025, 4A_416/2024*

Le détenteur qui a assuré et immatriculé son véhicule automobile est « obligatoirement assuré » au sens de l’art. 75 al. 3 LPGA, quand bien même ce véhicule n’a jamais circulé sur la voie publique. 

La responsabilité du détenteur de véhicule (cf. art. 58 ss LCR) s’applique également aux accidents qui se produisent hors de la voie publique. 

Faits 

En 2014, un employé travaillant sur un chantier se fait écraser par une pelleteuse mécanique. L’accident se produit sur une route fermée à la circulation. L’employé, alors marié et père d’un enfant, décède des suites de ses blessures. 

Son employeuse, une société de construction, est détentrice de la pelleteuse à l’origine de l’accident et également l’employeuse du conducteur de celle-ci. Le véhicule est couvert par l’assurance responsabilité civile automobile conclue par l’employeuse avec une entreprise d’assurance et est muni de plaques d’immatriculation. 

La SUVA et l’AVS versent des prestations à hauteur de plus de CHF 800’000.- aux ayants droit de la victime et exercent ensuite un droit de recours à l’encontre de l’assureur RC. Cette dernière conteste le bien-fondé des prétentions récursoires, au motif qu’elle est couverte par le privilège de l’employeur (art.Lire la suite

L’exigence du ménage commun en cas d’adoption d’une personne majeure

TF, 13.11.2024, 5A_885/2023*

L’adoption d’une personne majeure fondée sur l’éducation et les soins fournis durant sa minorité (art. 266 al. 1 ch. 2 CC) ne requiert pas une cohabitation ininterrompue. En particulier, lorsqu’un enfant de parents divorcés partage son temps entre deux foyers, il peut former « ménage commun » avec son beau-parent.  

Faits 

Les père et mère d’un enfant, né en 1975, divorcent en 1977. La garde de ce dernier est attribuée à sa mère.  

Dès 1984, le père vit en ménage commun avec sa nouvelle partenaire, avec laquelle il se mariera en 1993. L’enfant passe régulièrement du temps à leur foyer. En particulier, il séjourne chez eux un week-end sur deux, ainsi qu’une partie des vacances.  

En 1991, l’enfant, alors âgé de 16 ans, part à l’étranger pour se former à la maçonnerie durant trois ans. À son retour, il s’installe dans la résidence secondaire de son père. Sa mère biologique décède en 2014.  

En 2022, la belle-mère dépose une requête auprès de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève en vue d’adopter son beau-fils, lequel consent à la démarche. La Chambre civile rejette la requête, décision confirmée en appel par la Chambre de surveillance.Lire la suite

Le contrôle de la capacité de discernement d’un.e mineur.e déclarant changer de sexe

TF, 06.11.2024, 5A_623/2024*

La capacité de discernement d’une personne déclarant changer de sexe à l’état civil (cf. art. 30b CC) est examinée par l’officier de l’état civil. Ce n’est que lorsque ce dernier a des doutes qu’il y a lieu d’exiger des investigations complémentaires (notamment la production d’un certificat médical) et ce même lorsque la personne faisant la déclaration est mineure.

Faits

Les père et mère divorcés d’un enfant de 16 ans exercent sur lui l’autorité parentale conjointe et en assument une garde alternée. Le Service de protection des mineurs du canton de Genève signale au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant la nécessité d’adopter des mesures de protection en faveur de l’enfant. Le Tribunal prononce la mise en place d’une curatelle d’assistance éducative. Il retire ensuite provisoirement aux parents la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, ordonne son placement en foyer, ainsi qu’un suivi thérapeutique et médical. Ces mesures visent en particulier à répondre aux besoins de l’enfant et de permettre son orientation vers des spécialistes à même de l’aider à répondre à ses questionnements quant à son identité de genre.

Par la suite, le Tribunal impartit un délai aux parents en vue de remettre les documents d’identité de leur enfant à la curatrice, afin de permettre la modification de l’inscription du sexe et des prénoms à l’état civil.… Lire la suite

L’établissement des faits comme activité typique de l’avocat·e

ATF 150 IV 470 | TF, 06.09.2024, 7B_158/2023*

L’établissement de faits en lien avec des litiges pendants ou imminents relève de l’activité typique de l’avocat·e. Par conséquent, cette activité est couverte par le secret professionnel. En outre, la remise, même volontaire, d’informations à une autorité tierce – in casu la FINMA – en vertu d’une obligation de collaborer, ne saurait faire perdre le caractère secret de celles-ci.

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale pour concurrence déloyale, le Ministère public zurichois soupçonne un employé d’avoir donné aux investisseurs des indications trompeuses, voire inexactes, quant au profil de risque et aux perspectives d’un fonds d’investissement.

Il requiert de la banque la remise d’un rapport d’enquête interne effectuée par une étude d’avocat. Ce rapport porte notamment sur l’employé et a d’ailleurs déjà été communiqué à la FINMA dans le cadre d’une procédure d’enforcement.

La société fournit ces documents au Ministère public et exige leur mise sous scellés. Le Bezirksgericht de Zurich rejette la demande de levée des scellés du Ministère public. Ce dernier recourt contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel doit trancher la question de savoir si le rapport d’enquête est couvert par le secret professionnel de l’avocat.… Lire la suite

La computation des délais exprimés en mois

ATF 150 III 367 | TF, 13.08.2024, 5A_691/2023*

Les délais exprimés en mois commencent à courir le jour même de leur évènement déclencheur. En particulier, l’art. 142 al. 2 CPC doit être interprété en ce sens que le « jour où [le délai] a commencé à courir » n’est pas déterminé par l’art. 142 al. 1 CPC, mais se réfère au jour de l’élément déclencheur. 

Faits

Dans le cadre d’un litige successoral, l’autorité de conciliation notifie l’autorisation de procéder à l’héritier demandeur le 26 janvier 2022. Ce dernier dépose sa demande à l’égard de ses frères et sœurs le 12 mai 2022. Par décision du 9 février 2023, le tribunal déclare la demande irrecevable, faute d’autorisation de procéder valable rationae temporis.

À la suite de l’appel déposé par l’héritier, l’Obergericht du Canton de Schwytz confirme la décision de première instance. L’héritier interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la computation des délais fixés en mois, en particulier le délai de trois mois pour déposer une demande à la suite de l’échec de la conciliation (art. 209 al. 3 CPC).

Droit

Se fondant sur la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972 (CECD), le Tribunal cantonal a considéré que le délai devait avoir expiré en principe le 26 avril, dès lors que l’autorisation de procéder avait été notifiée le 26 janvier (art.Lire la suite