Publications par Camille de Salis

Le principe de la légalité et les prestations en espèces en tant que mesures disciplinaires visant des étudiant·es

ATF 150 I 39 | TF, 08.09.2023, 2C_694/2021*

Une mesure disciplinaire qui prévoit des prestations en espèces allant jusqu’à CHF 4’000.- ne saurait être qualifiée de légère lorsqu’elle vise des étudiant·es, a fortiori lorsqu’une exclusion allant jusqu’à six semestres peut être prononcée en cas de non-paiement. Elle doit donc figurer dans une loi au sens formel et être édictée par l’organe compétent (art. 5 al. 1 Cst. cum art. 38 Cst./ZH).

Faits

Le 25 mai 2020, l’Université de Zurich rend une décision prévoyant l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2020, d’une nouvelle ordonnance disciplinaire. Le §11 de l’ordonnance prévoit, parmi les mesures disciplinaires, des prestations en espèces au profit de l’Université de Zurich allant jusqu’à CHF 4’000.-, en tenant compte de la situation financière de la personne concernée (al. 1 lit. c et al. 3). Si, malgré un rappel, les prestations en espèces ne sont pas fournies, l’organe disciplinaire a le pouvoir d’ordonner une exclusion temporaire de l’Université de Zurich pour une durée allant jusqu’à six semestres (al. 4).

Représentés par deux titulaires de masters en droit, tant l’Association des étudiant·es de l’Université de Zurich que son coprésident saisissent le Verwaltungsgericht du canton de Zurich. Ce dernier admet le recours s’agissant des dispositions susmentionnées et les annule.… Lire la suite

Le moment déclencheur du délai de l’art. 49 al. 1 CPC concernant la récusation: quelques précisions liées à la jurisprudence récente

TF, 01.09.2023, 4A_299/2023*

S’agissant d’une demande de récusation contre un·e greffier·ère statuant comme juge suppléant·e, le moment déclencheur du délai de l’art. 49 al. 1 CPC ne doit en principe pas être celui de l’appréciation juridique de la situation à laquelle procède un tribunal, mais celui où la partie prend connaissance des circonstances de fait qui, selon elle, constituent le motif de récusation.

Faits

En mai 2021, une partie ouvre action contre une autre pour un montant de CHF 360’000. Toutes les décisions rendues dans cette procédure l’ont été par Stefan Jaissle, premier greffier au Bezirksgericht Winterthur, en tant que juge suppléant et référent (à titre accessoire). M. Jaissle a également dirigé l’audience d’instruction du 3 novembre 2021.

Le 12 décembre 2022, la partie demanderesse dépose une demande de récusation contre M. Jaissle. Elle s’appuie en particulier sur l’ATF 149 I 14 du 9 septembre 2022 (résumé in LawInside.ch/1240) et sur l’arrêt du Tribunal fédéral 1B_519/2022 du 1er novembre 2022. Selon ces arrêts, la pratique autorisant les greffier·ères d’un tribunal à siéger comme juges suppléant·es au sein du même tribunal viole le droit à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al.Lire la suite

Fixation d’une contribution d’entretien et répartition de l’excédent lorsque les parents ne sont pas mariés

TF, 19.07.2023, 5A_668/2021*

Lors de la fixation d’une contribution d’entretien pour un enfant issu de parents non mariés, placé sous la garde exclusive de l’un d’eux, l’excédent éventuel doit être réparti à raison d’une « grande tête » pour le débiteur et d’une « petite tête » pour l’enfant. Le cas échéant, la part de l’excédent dévolue à l’enfant doit être limitée afin d’éviter qu’il ne serve indirectement à l’entretien du parent qui s’occupe de l’enfant.

Faits

Un couple non marié a un fils, sous autorité parentale conjointe et sous la garde exclusive de sa mère. Après leur séparation, le fils ouvre action en justice contre son père pour obtenir la fixation d’une contribution d’entretien. Le Kreisgericht Toggenburg fixe des contributions d’entretien variables sur dix phases temporelles différentes. Sur appel du père, le Kantonsgericht saint-gallois modifie légèrement le montant des contributions d’entretien.

Le père, concluant à une réduction partielle des contributions d’entretien, exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer comment se calcule la part d’excédent de l’enfant de parents non mariés.

Droit

La question juridique qui se pose est celle de savoir comment compter les « grandes » et « petites têtes » dans le contexte de la répartition de l’excédent lorsque les parents ne sont pas mariés.… Lire la suite

L’infraction de non-restitution de permis ou de plaques de contrôle par l’administrateur d’une société

ATF 149 IV 299 | TF, 14.08.2023, 6B_1020/2022*

L’administrateur unique d’une société inscrite sur le permis de circulation d’un véhicule peut se rendre coupable d’une infraction à l’art. 97 al. 1 lit. b LCR (non-restitution de permis ou de plaques de contrôle), bien qu’il ne soit pas le détenteur du véhicule au sens jurisprudentiel du terme. Le cercle des auteurs de l’infraction n’est pas limité au seul détenteur ou au possesseur.

Faits

L’Office de la circulation et de la navigation de l’État de Fribourg (ci-après : « OCN ») rend une décision dans laquelle il impartit un délai de dix jours à une société anonyme pour payer l’impôt des véhicules ou déposer les plaques d’une voiture. L’administrateur unique avec signature individuelle ne restitue pas les plaques du véhicule et ne s’acquitte de la dette correspondante que cinq mois plus tard.

Le Juge de police de la Broye condamne l’administrateur à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende additionnelle pour non-restitution de permis ou de plaques de contrôle. Le Tribunal cantonal fribourgeois rejette l’appel de l’administrateur. Ce dernier exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’administrateur d’une société, non-détenteur du véhicule, peut se rendre coupable de l’infraction de non-restitution de permis ou de plaques de contrôle.… Lire la suite

L’indemnité pour expropriation matérielle en cas de classement en zone à bâtir réservée aux constructions publiques

ATF 149 II 368 | TF, 13.07.2023, 1C_332/2022*

Le refus de classement (ou non-classement) d’un terrain existe également lorsque, dans le cadre de la première planification conforme à la LAT, ce terrain est classé en zone à bâtir réservée aux constructions publiques, de sorte que le propriétaire se voit empêché d’y construire à titre privé. Toutefois, le droit à une indemnité au titre d’une expropriation matérielle dépendra des conditions du cas d’espèce, examinées de manière approfondie.

Faits

Une société anonyme est propriétaire d’une parcelle sur le territoire de la commune de Lugano. En 1993, le Conseil d’État approuve la modification du plan d’affectation antérieur, datant de 1977. Une partie de la parcelle de la société est située en zone à bâtir, l’autre en zone à bâtir d’intérêt communal (zona edificabile di interesse communale ; ci-après « ZEIC ») destinée à favoriser l’implantation de résidences principales.

La société propriétaire ouvre action devant le Tribunale d’espropriazione contre la commune de Lugano, réclamant une indemnité de plus de CHF 7 millions, à titre d’expropriation matérielle due à l’affectation d’une partie de sa parcelle en ZEIC, sans succès. Sur appel, le Tribunale cantonale amministrativo admet un cas d’expropriation matérielle et renvoie la cause à l’autorité inférieure pour fixation de l’indemnité.… Lire la suite