Publications par Camille de Salis

Les novas improprement dits basés sur des faits notoires

TF, 07.01.2022, 4A_376/2021

Une partie assistée d’un·e avocat·e ne peut pas se prévaloir en appel de nova improprement dits sans respecter les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC, même s’ils reposent sur des faits notoires. Elle est alors forclose. 

Faits

En 2008, une société prend à bail un local commercial à Genève, dans lequel elle exploite une discothèque. Dès le 16 mars 2020, toutes les discothèques sont fermées sur ordre du Conseil d’Etat du canton de Genève en raison de la pandémie de COVID-19.

Le 11 septembre 2020, la bailleresse met la société locataire en demeure de lui verser, dans un délai de 90 jours, la somme de CHF 5’571 correspondant aux loyers et charges impayés entre avril et septembre 2020. Dans le même courrier, la bailleresse signifie aussi à la locataire que, faute de paiement dans le délai imparti, elle résilierait le bail conformément à l’art. 257d CO. Sans réponse de la locataire, le 17 décembre 2020, la bailleresse résilie le bail pour le 31 janvier 2021. Le 19 janvier 2021, la locataire verse à la bailleresse la somme de CHF 8’820.

La bailleresse dépose une requête en protection dans les cas clairs (art.Lire la suite

Le complément d’une expertise en cas de doutes sérieux et l’exploitation de la dépendance (art. 192 CP)

ATF 148 IV 57 | TF, 06.12.2021, 6B_567/2020*

Lorsqu’un tribunal éprouve des doutes sérieux quant à la crédibilité d’une expertise rigoureuse et détaillée, il viole l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst) en s’en écartant sans demander un complément ou une clarification au sens de l’art. 189 CPP. Par ailleurs, pour qu’un rapport de dépendance soit retenu au sens de l’art. 192 al. 1 CP, il faut l’évaluer selon un critère objectif et individuel. Le consentement, même explicite, ne suffit pas à lever l’illicéité s’il a été influencé par la relation de dépendance.

Faits

En raison d’un polyhandicap physique et mental avec un degré moyen de déficience intellectuelle, une femme vit en institution. Pendant plusieurs années, elle voue un attachement particulier à l’un des animateurs. Par acte d’accusation du 1er février 2018, il est reproché à l’animateur d’avoir, à plusieurs reprises entre 2014 et 2016, emmené cette femme dans la chambre de garde alors que les autres résident·es dormaient. En l’incitant à garder le secret, il aurait pratiqué sur elle des attouchements d’ordre sexuel, en en réclamant également de sa part.

Le Tribunal d’arrondissement de Saint-Gall condamne l’animateur à une peine de 13 mois de prison avec sursis pour actes d’ordre sexuel avec une personne dépendante.… Lire la suite

La légitimation passive dans le cadre d’une action en modification d’une contribution d’entretien (art. 289 al. 2 CC)

ATF 148 III 296 | TF, 12.01.2022, 5A_69/2020*

Contrairement à la jurisprudence qui prévalait jusqu’alors, la collectivité publique qui assume l’entretien de l’enfant (art. 289 al. 2 CC) ne doit plus être mise en cause dans une action en modification d’une contribution d’entretien. L’action peut être intentée contre l’enfant seul·e.

Faits

Un couple non marié a deux enfants, nés en 2006 et 2008. À la suite de la séparation des parents, le père s’engage, par des conventions datant de 2007 et 2008, à verser des contributions mensuelles à ses enfants. En 2015, il ouvre action contre ses enfants pour demander une réduction des montants prévus par ces conventions. Par suite d’une demande de la mère, le service social du Haut-Emmental avance les contributions d’entretien à partir du 1er mai 2016.

Le Regionalgericht limite la procédure à la question de la légitimation passive. Il l’admet pour la période allant de novembre 2015 à avril 2016, mais constate qu’elle fait défaut à partir du 1er mai 2016. Selon le Regionalgericht, à partir de mai 2016, ce sont les services sociaux qui devaient être recherchés. Le père fait appel auprès de l’Obergericht. Ce dernier nie la légitimation passive pour la période allant du 1er mai 2016 jusqu’à la date de son propre jugement, soit le 18 décembre 2019, et renvoie l’affaire à l’instance inférieure pour statuer sur la période suivante.… Lire la suite

La nécessité d’un·e expert·e externe en cas d’appel au juge (art. 439 CC) contre un PAFA ordonné par un·e médecin

ATF 148 III I

Dans le contexte d’un appel au juge (art. 439 CC) contre une décision de placement à des fins d’assistance (PAFA) ordonné par un·e médecin pour cause de troubles psychiques (art. 429 CC), une expertise est nécessaire (art. 450e al. 3 CC). Elle ne doit pas être menée par un·e membre de l’autorité appelée à statuer, mais par un·e expert·e externe.

Faits

Le 11 juillet 2021, un homme est placé à des fins d’assistance sur ordre d’un médecin désigné par le canton (art. 429 CC) pour cause de troubles psychiques. La durée du placement est fixée à six semaines. Le concerné en appelle au juge selon la procédure prévue à l’art. 439 CC. Sa demande d’expertise est rejetée par le Tribunal cantonal. Le 11 août 2021, le concerné exerce un recours auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la nécessité d’une expertise en cas d’appel au juge contre un placement ordonné par un·e médecin.

Droit

Bien que le recourant ait été libéré par les autorités cantonales 9 jours après le dépôt de son recours, le Tribunal fédéral décide d’entrer en matière, rappelant qu’il est possible de se prévaloir d’un intérêt virtuel et non actuel au sens de l’art.Lire la suite

Le principe de l’accusation et l’appréciation des preuves en cas de viols

ATF 147 IV 505 | TF, 29.11.2021, 6B_1498/2020*

Le principe de l’accusation est respecté lorsque le prévenu peut déduire de l’acte d’accusation que l’unique mode opératoire décrit vaut pour tous les viols qui lui sont reprochés. Face à des déclarations contradictoires entre l’auteur et sa victime, il n’est pas arbitraire pour l’autorité de retenir une version des faits au détriment d’une autre, lorsque les autres éléments et indices invoqués lui permettent de forger sa conviction.

Faits

Un homme est reconnu coupable de viol (art. 190 al. 1 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de menaces (art. 180 al. 2 let. a CP). Ces infractions ont été commises contre son épouse d’alors en l’espace de quelques mois. Il est condamné par le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland à une peine privative de liberté, à une peine pécuniaire avec sursis et au paiement d’indemnités à sa victime.

À la suite de l’appel du condamné et de l’appel joint du Ministère public, l’instance cantonale supérieure prolonge la durée de la peine privative de liberté. Le condamné exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer en particulier sur le respect du principe de l’accusation (art.Lire la suite