Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

L’invalidation du contrat portant sur un retrait d’opposition

TF, 01.06.2021, 4A_73/2021

Un contrat de retrait d’opposition ou de recours n’est pas immoral au sens de l’art. 20 CO si le montant qu’il prévoit est destiné à indemniser des intérêts dignes de protection (confirmation de la jurisprudence). L’application de l’art. 63 CO pour cause de paiement involontaire ne se justifie en cas d’urgence que lorsque le paiement apparaît comme la seule solution possible et raisonnable afin d’éviter des inconvénients déraisonnables (confirmation de la jurisprudence). Les tribunaux ne doivent pas se montrer trop sévères quant au degré de preuve à apporter pour démontrer le caractère involontaire du versement au sens de l’art. 63 CO (précision de la jurisprudence).

Faits

Un constructeur développe un projet immobilier pour une acheteuse. Le contrat prévoit une clause de résiliation en faveur de l’acheteuse si le bâtiment n’est pas livré au 1er mars 2017. Après l’obtention du permis de construire, il apparaît que des modifications doivent être entreprises, un mur de soutènement devant être construit à la limite de la propriété voisine. Celle-ci est exploitée par une société, laquelle fait opposition lors de la mise à l’enquête du mur de soutènement, soulevant une atteinte à l’hygiène de ses locaux de production. Afin que la société retire son opposition, le constructeur accepte de verser lui CHF 240’000 « à fonds perdus » en mars 2016, cette somme correspondant à un dédommagement.… Lire la suite

La méthode de calcul du dommage pour perte de soutien

ATF 147 III 402TF, 18.05.2021, 4A_389/2020 et 4A_415/2020*  

En cas de décès, la méthode abstraite est la seule pertinente concernant le calcul d’un dommage pour perte de soutien. Si les revenus du patrimoine ne constituaient pas une prestation du soutien envers le soutenu, il y a lieu de les imputer comme avantage. Les rendements et revenus provenant d’une assurance-vie doivent être imputés sur le dommage.

Faits

Une cycliste décède dans accident de la route laissant derrière elle un veuf et deux enfants. 14 ans après l’accident, l’AVS et la fondation LPP à laquelle la défunte était affiliée ouvrent action auprès du Tribunal de commerce de Zurich contre l’assurance responsabilité civile du conducteur du camion fautif. Les demanderesses cherchent à obtenir un montant d’environ CHF 1 million correspondant à l’indemnisation des prestations fournies au veuf et aux enfants de la défunte, sur la base des droits qui leur sont subrogés.

Le Tribunal de commerce fait partiellement droit à la demande, en condamnant l’assurance RC à payer aux assurances subrogées un montant de respectivement CHF 183’801 et CHF 265’725. Tant les assurances subrogées (l’AVS et la fondation LPP) que l’assurance RC du conducteur du camion recourent contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel est amené à examiner les conditions de l’indemnisation des prestations d’assurances et l’étendue de celles-ci.… Lire la suite

La condamnation des activistes du climat par le Tribunal fédéral

ATF 147 IV 297 | TF, 26.05.2021, 6B_1295/2020*

Les catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique ne représentent pas un danger imminent au sens de l’art. 17 CP.

Faits

Le 22 novembre 2018, 12 activistes du climat se prêtent à une manifestation non-autorisée dans une succursale de la banque Credit Suisse à Lausanne. Dans les locaux, les manifestant-e-s miment une partie de tennis en référence à Roger Federer, l’un des représentants publicitaires du groupe bancaire. L’objectif de l’action est d’alerter l’opinion publique sur les investissements de Credit Suisse en matière d’énergies fossiles. Malgré les injonctions du responsable de la succursale, puis de la police, les manifestant-e-s refusent de sortir. Pour les manifestant-e-s, l’inaction politique et l’inefficacité des méthodes licites justifient la mise en place d’actions de désobéissance civile.

Après avoir été acquitté-e-s en première instance cantonale, les 12 manifestant-e-s sont condamné-e-s par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois pour violation de domicile, empêchement d’accomplir un acte officiel et contravention au règlement général de police. Les manifestant-e-s recourent contre cet arrêt au Tribunal fédéral, lequel est amené, dans une décision de 37 pages, à déterminer si les actions de désobéissance civile des activistes du climat peuvent trouver une justification dans l’existence d’un état de nécessité licite.… Lire la suite

L’autorité de chose jugée de l’action partielle (le quatrième quart-temps)

ATF 147 III 345 | TF, 23.03.2021, 4A_449/2020*

Lorsque le caractère partiel d’une action signifie simplement que la partie demanderesse a limité son action en terme de montant, l’autorité de chose jugée de la décision rendue à la suite de l’action partielle s’étend à l’entier de la prétention.

Faits

Une société gestionnaire de fortune ouvre une action partielle contre une banque, réclamant une petite partie d’un montant litigieux global de CHF 5’000’000. Faute d’avoir démontré que les conditions d’un dommage étaient remplies et d’avoir agi dans le délai de prescription, la société est déboutée.

La société cède ensuite la créance litigieuse globale de CHF 5’000’000 à une fondation, laquelle ouvre une nouvelle action partielle contre la banque pour un montant de CHF 100’000. La fondation justifie son action par les mêmes motifs que ceux développés précédemment par la société dans son action partielle.

Le Tribunal de commerce n’entre pas en matière sur l’action de la fondation car il estime que le litige a déjà fait l’objet d’une décision entrée en force (art. 59 al. 2 let. e CPC). La fondation recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à examiner si une décision sur une action partielle a autorité de chose jugée sur l’entier de la prétention ou non.… Lire la suite

L’appel en cause contre des consorts simples

ATF 147 III 166 | TF, 08.03.2021, 4A_169/2020*

Lorsque l’appelante en cause entend faire valoir des prétentions contre plusieurs appelées en cause, comme consorts simples, elle doit satisfaire à l’exigence de délimitation de l’objet du litige pour chacune de ses prétentions.

Faits

Des copropriétaires d’étage ouvrent une action en paiement contre une entreprise pour un montant de CHF 1’171’597 à titre de garantie en raison des défauts. L’entreprise appelle en cause cinq sociétés réclamant à chacune d’elle ce même montant global de CHF 1’171’597.

Le juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise déclare les appels en cause irrecevables motifs pris que l’entreprise ne pouvait pas prendre des conclusions globales contre toutes les appelées en cause sans en expliquer la cause pour chacune d’elles. Sur recours de l’entreprise, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois confirme cette décision d’irrecevabilité.

L’entreprise recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à préciser les conditions de recevabilité d’un appel en cause.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la requête d’admission de l’appel en cause doit énoncer les conclusions chiffrées que l’appelante en cause entend prendre contre l’appelée en cause et les motiver succinctement (art. 82 al. 1 CPC).

Comme le relève le Tribunal fédéral, le but de cette exigence est de permettre au tribunal de vérifier qu’est bien remplie la condition de la connexité matérielle entre la créance qui est l’objet de l’appel en cause et la demande principale.… Lire la suite