Les réponses d’un examen et les annotations de l’examinateur sont des données à caractère personnel
Les réponses écrites fournies par un candidat lors d’un examen professionnel et les éventuelles annotations de l’examinateur relatives à ces réponses constituent des données à caractère personnel au sens de la Directive de l’UE sur la protection des données personnelles.
Faits
M. Nowak, ressortissant irlandais, échoue à l’examen professionnel de comptabilité. Il demande à l’ordre des experts-comptables l’accès à sa copie d’examen, ce qui lui est refusé. Après un échec devant le commissaire à la protection des données, M. Nowak voit sa requête rejetée par toutes les instances irlandaises jusqu’à la Supreme Court.
La Supreme Court décide de saisir la Cour de justice de l’UE afin que soit tranchée la question suivante : les réponses écrites fournies par un candidat lors d’un examen professionnel et les éventuelles annotations de l’examinateur relatives à ces réponses constituent-elles des données à caractère personnel au sens de la Directive de l’UE sur la protection des données personnelles ?
Droit
L’art. 2 (a) de la Directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles prévoit que les données à caractère personnel correspondent à toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
L’art. 12 (a) de la Directive précise que les États membres garantissent à toute personne concernée le droit d’obtenir du responsable du traitement (…) la communication, sous une forme intelligible, des données faisant l’objet des traitements.
Selon la jurisprudence européenne, une donnée peut être qualifiée de « donnée à caractère personnel » sans qu’il ne soit requis que toutes les informations permettant d’identifier la personne concernée se trouvent entre les mains d’une seule personne.
En l’espèce, même si seul un numéro d’identification est apposé sur la copie d’examen, l’entité qui organise l’examen dispose des informations nécessaires lui permettant d’identifier sans difficultés ou doutes le candidat correspondant à ce numéro d’identification. Ainsi, puisque le candidat à l’examen est identifiable, il convient de vérifier, dans un second temps, si les réponses inscrite ainsi que les éventuelles annotations de l’examinateur constituent des informations au sens de l’art. 2 de la Directive.
La Cour rappelle en premier lieu que le champ d’application de la directive est très large. Il suffit que l’information concerne la personne en cause, c’est-à-dire lorsque, en raison de son contenu, sa finalité ou son effet, l’information est liée à une personne déterminée. La Cour souligne que les réponses d’un candidat reflètent son processus de réflexion, son esprit critique ainsi que son aptitude à exercer le métier en cause. C’est en effet le propre même d’un examen professionnel que de déterminer et d’établir les performances d’un candidat. Dès lors, les réponses d’examen sont des données à caractère personnel.
Concernant les annotations de l’examinateur, ces dernières reflètent l’avis ou l’appréciation de l’examinateur sur les performances, les connaissances et les compétences du candidat puisqu’elles ont pour but de l’évaluer. Par conséquent, les annotations de l’examinateur constituent également des données à caractère personnel.
De plus, d’un point de vue téléologique, la Cour constate que le fait de donner au candidat un droit d’accès à ses réponses et aux annotations de l’examinateur sert l’objectif de la Directive consistant à garantir la protection du droit à la vie privée du candidat, lequel est un droit fondamental, à l’égard du traitement des données le concernant.
La Cour en conclut que les réponses écrites fournies par un candidat lors d’un examen professionnel et les éventuelles annotations de l’examinateur relatives à ces réponses constituent des données à caractère personnel.
Note
La Cour souligne que la Directive prévoit certaines limitations des droits d’accès, notamment lorsqu’une « telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder les droits et libertés d’autrui » ou qu’il existe « d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un Etat membre ». Il faudra dès lors suivre la jurisprudence des divers Etats membres de l’UE pour découvrir si de telles limitations seront admises et, le cas échéant, pour quels motifs.
Le droit suisse connaît la même définition toute aussi générale de données personnelles : « toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable » (art. 3 let. a LPD). Toutefois, l’art. 9 al. 1 LPD prévoit que le maître du fichier peut refuser ou restreindre la communication des renseignements demandés, voire en différer l’octroi, dans la mesure où (a) une loi au sens formel le prévoit ou (b) les intérêts prépondérants d’un tiers l’exigent.
Enfin, le droit genevois connaît également la même définition générale de données personnelles : « toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable » (art. 4 let. a LIPAD/GE). Une restriction des droits d’accès aux documents est également prévue lorsqu’un intérêt public ou privé prépondérant s’y oppose (art. 26 let. a et art. 46 LIPAD/GE).
Il sera dès lors intéressant de voir si la notion large de données à caractère personnel sera reprise en droit suisse, notamment en lien avec le droit d’accès aux annotations des examinateurs.
Proposition de citation : Célian Hirsch, Les réponses d’un examen et les annotations de l’examinateur sont des données à caractère personnel, in: https://lawinside.ch/598/