L’action partielle en cas de plusieurs prétentions divisibles et le cumul d’actions

ATF 142 III 683TF, 18.08.16, 4A_99/2016*

Faits

Une banque licencie un de ses directeurs. Celui-ci réclame alors le paiement des bonus des trois années précédentes qu’il n’a pas reçus, soit la somme de 480’000 francs. Après l’échec de la conciliation, il dépose une action partielle devant le tribunal des prud’hommes pour la somme de 30’000 francs en se réservant le droit de rechercher la banque pour le reste. Il ne précise pas pour quelle année et à quel montant des bonus se rapportent les 30’000 francs. Le Tribunal de première instance, puis le Tribunal cantonal font droit à sa requête. La banque saisit alors le Tribunal fédéral qui doit se pencher sur l’individualisation des prétentions découlant d’une action partielle.

Droit

Selon l’art. 86 CPC, « une prétention divisible est susceptible d’une action partielle ». Sous réserve de l’abus de droit, la loi impose uniquement la divisibilité de la prétention réclamée, ce qui est toujours rempli lors d’une action tendant au versement d’une somme d’argent. L’objet d’une telle action n’est en soi pas individualisable et le demandeur doit donc indiquer l’état de fait sur lequel il se base pour déduire sa prétention. Le juge peut alors déterminer s’il existe un ou plusieurs objets du litige, indépendamment du fait que les prétentions soient réunies dans une seule conclusion.… Lire la suite

Le jugement de première instance dans l’affaire Sika

Kantonsgericht Zug, 27.10.2016, A3 2015 27

Faits

Sika AG (ou la « société ») fait l’objet d’un conflit entre certains membres de son conseil d’administration et la famille Burckard qui souhaite vendre sa participation dans la société au groupe français Saint-Gobain.

Le capital-actions de Sika AG se compose d’actions nominatives liées non cotées (valeur nominale 0.10 francs) ainsi que d’actions au porteur cotées (valeur nominale 0.60 francs). Par l’intermédiaire de la société Schenker-Winkler Holding AG (la « Holding »), la famille Burckard détient 99.87% des actions nominatives de Sika, soit 16.97% de l’ensemble du capital-actions. Grace au système d’actions à droit de vote privilégié prévu par les statuts de Sika (une action = un vote), la Holding contrôle la société avec le 52.92% des voix.

En 2014, la famille Burckard conclut un contrat de vente d’actions (« SPA ») avec Saint-Gobain portant sur l’ensemble des actions de la Holding au prix de 2.75 milliards de francs. Six des neuf membres du conseil d’administration de Sika ainsi que la direction s’opposent d’emblée à la transaction. La Holding demande au conseil d’administration de convoquer une assemblée générale extraordinaire ayant pour objet le remplacement d’une partie des membres du conseil d’administration de Sika.… Lire la suite

La contreprestation exigée dans l’usure (art. 157 CP)

ATF 142 IV 341 | TF, 29.09.16, 6B_895/2015*

Faits

Une propriétaire souhaite léguer sa maison à sa locataire afin qu’elle puisse y rester après sa mort. La locataire lui déconseille cette solution en raison du fait que la propriétaire a des héritiers réservataires. La locataire propose alors que son fils rachète la maison pour le prix de 200’000 francs (évaluée pourtant à 650’000 francs) et que celui-ci accorde ensuite un bail à loyer à la propriétaire et à elle-même. Le produit de la vente est quasiment entièrement utilisé pour procéder à des travaux dans la maison. En échange, le fils ne perçoit aucun loyer de l’ancienne propriétaire.

Par la suite, les relations entre les parties se détériorent et l’ancienne propriétaire dépose plainte pénale. Une expertise psychiatrique met en évidence un trouble mixte de la personnalité de l’ancienne propriétaire à traits anxieux et dépendants. Le tribunal de première instance, puis la Cour d’appel estiment que la mère et le fils se sont rendus coupables d’usure à l’encontre de l’ancienne propriétaire. Les accusés font alors recours au Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’usure.

Droit

Aux termes de l’art. 157 CP, commet une usure celui qui exploite la dépendance d’une personne en se faisant accorder par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec cette prestation sur le plan économique.… Lire la suite

La responsabilité pénale de l’entreprise (art. 102 CP) et le blanchiment d’argent (art. 305bis CP)

ATF 142 IV 333 | TF, 11.10.2016, 6B_124/2016*

Faits

Une société reçoit sur son compte postal de l’argent qui provient d’un crime. En février 2005, l’administrateur unique de cette société appelle un office postal et demande de retirer en espèces 4’600’000 francs sur ce compte. L’employé de la poste contacte le département compliance qui vérifie uniquement s’il y a assez d’argent sur le compte postal de la société. L’employé compliance ne procède cependant a aucune autre vérification. L’administrateur retire alors cette somme et est condamné en 2013 pour blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Une procédure pénale est ouverte à l’encontre de l’employé qui a exécuté le paiement en espèces à l’administrateur, mais cette procédure est ensuite suspendue en 2008. Aucune procédure n’est ouverte en revanche vis-à-vis de l’employé compliance de la poste.

En parallèle, le Ministère public de Soleure ouvre une procédure à l’encontre de la poste suisse pour blanchiment d’argent (art. 305bis CP). L’Amtsgericht la reconnait coupable, mais, sur appel, l’Obergericht la libère de toute charge. Le Ministère public de Soleure exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de la responsabilité pénale de l’entreprise (art.Lire la suite

La garantie bancaire à la place d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

ATF 142 III 738 | TF, 05.10.2016, 5A_838/2015*

Faits

Une société (ci-après l’entrepreneur total) mandatée pour la construction d’un bâtiment délègue certains travaux à un tiers (ci-après le sous-entrepreneur). Suite à des impayés, le sous-entrepreneur obtient à titre superprovisionnel l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur le bien-fonds concerné. Lors de la procédure subséquente en inscription définitive de cette hypothèque légale, l’entrepreneur total fournit une garantie bancaire pour les créances du sous-entrepreneur. Par conséquent, le tribunal de commerce rejette la demande d’inscription définitive de l’hypothèque légale au motif que le sous-entrepreneur bénéficie désormais de sûretés suffisantes.

Le sous-entrepreneur forme recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit préciser la notion de « sûretés suffisantes » de l’art. 839 al. 3 CC, sûretés faisant obstacle à l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. En particulier, le Tribunal fédéral doit déterminer sous quelles conditions une garantie bancaire peut constituer une sûreté suffisante.

Droit

A teneur de l’art. 839 al. 3 CC, l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être requise si le propriétaire fournit des sûretés suffisantes au créancier. Pour qu’une sûreté apparaisse comme suffisante au sens de la loi, elle doit équivaloir à l’hypothèque légale en termes qualitatifs et quantitatifs.… Lire la suite