L’absence de droit de vote des mineurs et des abeilles
À l’heure actuelle, il n’est pas possible de déduire du droit en vigueur un droit de vote en matière environnementale pour les mineurs et les abeilles.
Faits
Le 22 septembre 2024, l’initiative populaire « Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité) » est rejetée à environ 63% des voix.
À la suite de ce rejet, une mère et sa fille saisissent le conseil d’État zurichois d’un recours, en désignant également comme recourantes diverses espèces d’abeilles sauvages «domiciliées en Suisse». Elles demandent principalement que tant la fille mineure que les abeilles se voient accorder le droit de vote dans les affaires environnementales, que le résultat du vote sur l’initiative biodiversité soit déclaré nul et que la votation soit répétée, en incluant comme votants les mineurs et les abeilles sauvages. Elles formulent également diverses autres requêtes.
Le Conseil d’État zurichois rejette le recours en matière de droit de vote de la fille et n’entre pas en matière sur celui de sa mère. Les intéressées saisissent le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public, en désignant à nouveau comme recourantes les diverses espèces d’abeilles « domiciliées en Suisse ».
Droit
Selon l’art. 136 al. 1 Cst, tous les Suisses et toutes les Suissesses ayant 18 ans révolus qui ne sont pas interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit ont les droits politiques en matière fédérale. Tous ont les mêmes droits et devoirs politiques.
Il est manifeste que la première recourante, mineure, n’a pas la qualité pour recourir au sens de la Loi fédérale sur les droits politiques (LDP). Toutefois, comme elle estime qu’elle aurait dû avoir le droit de vote, il y a lieu, à titre exceptionnel, d’entrer en matière sur son recours.
Celui-ci doit toutefois être rejeté, la condition de la majorité lors de la votation faisant défaut. L’argument de la première recourante, selon laquelle elle serait capable de discernement en matière environnementale, n’y change rien. En outre, ni le droit fédéral, ni le droit international ne permettent de déduire un droit de vote pour une personne mineure.
S’agissant de la seconde recourante, bien qu’elle soit majeure, elle ne possède pas la nationalité suisse et n’a donc pas le droit de vote au niveau fédéral. Comme elle ne le conteste pas et qu’elle ne fait pas non plus valoir que le droit de vote lui aurait été refusé à tort, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur son recours.
Enfin, s’agissant des abeilles, le Tribunal fédéral rappelle que les animaux ne sont pas des sujets de droits et qu’ils ne peuvent pas disposer de droits subjectifs. N’étant pas titulaires des droits fondamentaux, les abeilles sont donc d’emblée exclues du champ d’application des droits politiques.
Par ailleurs, bien que les recourantes fassent valoir que les mineurs et les abeilles doivent se voir accorder le droit de vote en matière environnementale, leurs arguments ne permettent pas de démontrer qu’un tel droit peut actuellement être déduit de la législation en vigueur (cf. art. 95 LTF).
Le Tribunal fédéral rejette également les autres demandes des recourantes, en particulier la tenue d’une audience publique et de délibérations publiques. À cet égard, il rappelle que l’art. 29 al. 2 Cst (droit d’être entendu) et l’art. 6 ch. 1 CEDH (droit à un procès équitable) ne donnent pas un droit à la tenue d’une audience publique, d’autant plus que cette dernière disposition n’est pas applicable aux droits politiques (Cour EDH, Refah Partisi c. Turquie, requête n°4134098; voir également TF, 1C_315/2018 du 10 avril 2019, c. 3).
Après avoir indiqué se réserver expressément le droit de classer sans suite les requêtes similaires à l’avenir, le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
Proposition de citation : Camille de Salis, L’absence de droit de vote des mineurs et des abeilles, in: https://lawinside.ch/1577/