La prise en charge des soins vétérinaires pour un animal sans propriétaire identifié

TF, 26.11.2024, 2C_541/2023*

Lorsqu’une commune procède à une exécution par substitution (art. 24 LPA), aucune disposition de droit public ne lui impose de prendre en charge les frais de vétérinaire pour le traitement d’un chat blessé, trouvé sur son territoire, dont le propriétaire n’est pas identifiable. La relation juridique entre la clinique vétérinaire mandatée et la commune relève du droit privé.

Faits 

La police découvre un chat blessé sur le territoire d’une commune et l’amène dans une clinique vétérinaire. L’état du chat nécessite une prise en charge urgente et plusieurs opérations. La clinique dispense les soins nécessaires.

Malgré diverses démarches, le propriétaire du chat ne peut être identifié. La clinique demande à la commune de prendre en charge les frais de traitement, ce que la commune refuse.

Déboutée devant le Tribunal administratif du canton de Soleure, la clinique vétérinaire interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si la commune est tenue de prendre en charge les frais vétérinaires liés au traitement de l’animal.

Droit 

La recourante soutient que la commune doit prendre en charge les frais vétérinaires car l’animal a été trouvé sur son territoire. À l’appui de sa demande, elle invoque la Loi sur la protection des animaux (LPA) et la réglementation des choses trouvées (art. 720a ss CC).

Le Tribunal fédéral commence par examiner l’existence d’une base légale permettant d’établir la responsabilité financière de la commune pour les frais des soins vétérinaires en lien avec un animal trouvé sur son territoire et sans propriétaire identifié. En effet, selon le principe de la légalité, toute action de l’État doit reposer sur une base légale claire (art. 5 al. 1 Cst.).

La LPA contient notamment des prescriptions matérielles relatives au traitement des animaux, des mesures administratives et des sanctions pénales. L’art. 5 al. 2 de l’Ordonnance sur la protection des animaux (OPAn) prévoit que dès que des animaux sont malades ou blessés, le détenteur doit les loger, les soigner et les traiter d’une manière adaptée à leur état ou, à défaut, les mettre à mort. La section 2 de l’OPAn définit les compétences cantonales, telles que le prononcé d’interdictions de détention d’animaux et les conditions de refus et de retrait des autorisations.

S’agissant de la compétence des autorités, l’art. 67 let. f et g de l’Ordonnance sur les épizooties et la protection des animaux du canton de Soleure (Tierseuchen- und Tierschutz-Verordnung ; TSSV) précise que les autorités communales et les services de police sont considérés comme des organes chargés d’assurer la protection des animaux. L’art. 70 al. 1 TSSV désigne le service vétérinaire cantonal comme responsable principal de l’exécution des dispositions de la LPA.

L’analyse de ces bases légales révèle qu’aucune disposition ne prévoit un mécanisme de substitution pour couvrir les frais vétérinaires en lien avec un animal dont le propriétaire est inconnu. En d’autres termes, aucune règle n’impose aux communes d’assumer ces coûts, et il n’existe pas de responsabilité subsidiaire de leur part.

Dans un second temps, le Tribunal fédéral analyse le cas de l’exécution par substitution (art. 24 LPA) qui autorise l’autorité compétente à prendre des mesures aux frais du détenteur de l’animal. En principe, un avertissement préalable est requis, sous réserve de danger imminent, situation où l’intervention peut être immédiate. L’autorité peut procéder à l’exécution par substitution elle-même ou confier la tâche à un tiers. Lorsqu’elle mandate un tiers, cela crée, d’une part, une relation juridique entre l’État et le détenteur de l’animal, qui relève du droit public et impose à ce dernier de rembourser à l’État les frais engagés, et d’autre part, une relation entre l’État et le tiers, qui relève du droit privé. Lorsque l’État mandate un tiers dans le cadre de l’exécution d’une tâche publique, la relation entre l’État et le tiers mandaté peut faire l’objet d’un contrat relevant du droit public.

En l’espèce, le propriétaire de l’animal n’a pas pu être identifié. Toutefois, l’état de l’animal nécessitait des soins d’urgence, ce qui justifiait une intervention immédiate. L’autorité, en l’occurrence la police, a donc procédé à une exécution par substitution sans avertissement préalable, confiant le soin du chat à une clinique vétérinaire. La relation juridique qui s’est formée entre la clinique et l’État constitue une relation contractuelle relevant du droit privé, et non du droit public. En effet, il ne s’agit pas de l’exécution d’une tâche publique puisque les soins incombent au détenteur de l’animal.

Dès lors, la recourante ne peut invoquer aucune créance de droit public à l’encontre de la commune, que ce soit sur la base de l’art. 24 LPA ou d’une autre disposition. Une éventuelle prétention de droit privé devrait être portée devant les juridictions civiles.

Au vu de ces considérations, le Tribunal fédéral rejette le recours de la clinique vétérinaire.

Proposition de citation : Margaux Collaud, La prise en charge des soins vétérinaires pour un animal sans propriétaire identifié, in: https://lawinside.ch/1560/