Les conditions de la détention avant jugement fondée sur un risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP)
Suite à l’entrée en vigueur de la révision du CPP, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative à l’art. 221 al. 1 let. c CPP. Un prévenu ne peut être placé en détention avant jugement en raison d’un risque simple de récidive que s’il a été auparavant condamné pour au moins deux infractions du même genre dans des décisions passées en force.
Faits
Le ministère public du canton de Zurich condamne un prévenu par ordonnance pénale à une peine pécuniaire pour lésions corporelles simples et rixe.
Quelques mois plus tard, le ministère public ouvre une autre procédure pénale contre le même prévenu pour des faits d’agression. Le tribunal des mesures de contrainte du canton de Zurich place le prévenu en détention provisoire en raison d’un risque de collusion. Par la suite, le prévenu fait des aveux et forme une demande de mise en liberté. Le tribunal des mesures de contrainte rejette cette demande au motif qu’un risque de récidive simple existe (art. 221 al. 1 let. c CPP).
L’Obergericht du canton de Zurich ayant confirmé cette décision, le prévenu interjette recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à revenir sur sa jurisprudence relative à l’exigence d’infractions préalables de l’art. 221 al. 1 let. c CPP.
Droit
Selon la jurisprudence constante rendue sous l’empire de l’art. 221 al. 1 let. c aCPP, l’existence d’un risque simple de récidive peut être admise non seulement lorsque les infractions préalables résultent de décisions antérieures entrées en force, mais également lorsque ces infractions font l’objet d’une procédure pénale encore en cours. Il doit alors exister une probabilité proche de la certitude que le prévenu a commis les infractions en question.
Par la suite, le Tribunal fédéral a laissé entendre que cette jurisprudence serait en principe transposable au nouveau droit (cf. not. ATF 150 IV 149, c. 3.2). Cela étant, au vu de la controverse doctrinale relative à cette question, le Tribunal fédéral considère que le cas d’espèce offre l’occasion d’une réflexion approfondie sur l’interprétation de l’art. 221 al. 1 let. c nCPP.
Après avoir procédé à un rappel des débats ayant déjà entouré cette question sous l’ancien droit, le Tribunal fédéral procède à une distinction entre risques de récidive simple et qualifié. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l’ancien droit, une détention avant jugement était ainsi exceptionnellement possible même en l’absence d’infractions préalables (ATF 137 IV 13). Ce motif de détention fondé sur un risque qualifié de récidive a été expressément repris et codifié par le législateur au nouvel art. 221 al. 1bis CPP.
Dans son Message du 28 août 2019 concernant la modification du CPP (FF 2019 6351 ss), le Conseil fédéral a proposé une réglementation différenciée entre risque de récidive simple (art. 221 al. 1 let. c nCPP) et qualifié (art. 221 al. 1bis nCPP). Le régime relatif au risque simple a été exposé comme suit :
« […] il est prévu de maintenir le risque de récidive comme motif de détention comme dans le droit en vigueur. En d’autres termes, au moins deux infractions du même genre commises antérieurement sont requises comme « infractions préalables ». Le terme « commis » présuppose que ces infractions ont fait l’objet d’un jugement passé en force. En effet, elles sont le seul indice fiable permettant d’établir un pronostic légal » (FF 2019 6394).
Le Tribunal fédéral relève que même si l’art. 221 al. 1 let. c nCPP n’a pas été formellement modifié par rapport à l’ancien droit, cette formulation est claire et sans équivoque. Par ailleurs, la position du Conseil fédéral a été suivie par le Parlement lors des débats relatifs à l’introduction de ce régime de règlementation différenciée. Or, les matériaux législatifs revêtent une importance particulière dans l’interprétation de normes récentes. En tout état de cause, les autres méthodes d’interprétation de la loi ne permettent pas de retenir une intention réglementaire en contradiction avec le texte du message susmentionné.
Dès lors, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence en ce sens que la détention avant jugement fondée sur un risque simple de récidive au sens de l’art. 221 al. 1 let. c nCPP exige qu’au moins deux infractions précédentes aient fait l’objet d’une décision entrée en force. Le prévenu n’ayant en l’espèce commis qu’une infraction préalable dans une décision entrée en force, son recours est partiellement admis. Le Tribunal fédéral annule l’ordonnance attaquée et renvoie l’affaire à l’instance précédente pour qu’elle statue sur les autres motifs de détention avant jugement, qui n’avaient pas été examinés au stade de la procédure cantonale.
Proposition de citation : Yoann Stettler, Les conditions de la détention avant jugement fondée sur un risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP), in: https://lawinside.ch/1521/