La notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée

ATAF 2022 I/5

La notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée dont l’accès nécessite un mot de passe constitue une forme hybride de notification qui n’est pas reconnue par la loi. Elle n’est par conséquent pas valable. En application des règles de la bonne foi, la décision est valablement notifiée le jour où l’autorité garantit matériellement l’accès à la décision par la communication du mot de passe.

Faits

Dans une procédure d’assistance administrative internationale en matière fiscale avec l’Espagne, l’Administration fédérale des contributions (AFC) notifie sa décision finale aux personnes concernées par courrier A Plus. La décision, datée du 25 février 2022, est notifiée selon l’extrait du suivi des envois « Track & Trace » le lendemain, à savoir le samedi 26 février 2022. Dans l’enveloppe se trouve une clé USB cryptée sur laquelle est enregistrée la décision. L’accès à la clé USB nécessite un mot de passe qui doit être communiqué par l’AFC.

Le 30 mars 2022, les personnes concernées forment un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Elles font valoir que la décision attaquée aurait été notifiée le lundi 28 février 2022, à savoir le premier jour ouvrable qui suit l’envoi de la décision et durant lequel leur avocat a récupéré le courrier A Plus et obtenu par courrier électronique de l’AFC le mot de passe pour accéder à la décision figurant sur la clé USB cryptée.

Le TAF doit trancher la recevabilité du recours. A cet effet, il doit se prononcer sur la validité de la notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée, respectivement sur le dies a quo du délai de recours dans ce cas.

Droit

Les dispositions applicables dans le domaine de l’assistance administrative internationale en matière fiscale (cf. LAAF, OAAF et la CDI CH-ES) ne règlent pas la manière selon laquelle les décisions de l’AFC doivent être notifiées. C’est donc la PA qui s’applique (cf. art. 5 al. 1 LAAF).

Selon l’art. 34 al. 1 PA, l’autorité notifie ses décisions aux parties par écrit. La forme écrite suppose généralement que la décision figure sur papier et qu’elle soit signée avec l’indication du lieu et de la date. La forme écrite est une condition de validité de la notification. La notification peut également intervenir par voie électronique. Ce mode de communication doit répondre aux conditions et aux modalités prévues à l’art. 34 al. 1bis PA et aux art. 8 à 10a OCEI-PA.

Le Tribunal fédéral reconnaît qu’une décision peut être valablement notifiée par courrier A Plus (ATF 142 III 599, résumé in : LawInside.ch/293). Dans un tel cas, le délai de recours de 30 jours selon l’art 50 al. 1 PA commence à courir le jour qui suit le dépôt de la décision dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Il s’ensuit que si la décision est déposée un samedi, le délai commence à courir le dimanche. Le fait que la personne concernée ait prélevé son courrier le lundi suivant n’est pas pertinent dans le calcul du délai.

Selon l’art. 38 PA, une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties. Une décision entachée d’un vice de notification – hormis le cas de la nullité – reste une décision ayant des effets matériels et qui peut faire l’objet d’un recours. La notification irrégulière ne fait que reporter le dies a quo du délai de recours au moment où le destinataire a pu de bonne foi prendre connaissance du dispositif et des motifs de la décision. La bonne foi impose au destinataire d’agir dans un délai raisonnable dès qu’il a eu connaissance de la communication.

En l’espèce, la décision de l’AFC, notifiée par courrier A Plus, consiste en l’envoi d’une clé USB cryptée et d’une lettre d’accompagnement invitant les personnes concernées à contacter l’AFC afin d’obtenir le mot de passe nécessaire au décryptage de la clé. Bien qu’il est possible de notifier une décision par courrier A Plus, le TAF constate que cette notification ne respecte pas la forme écrite au sens de l’art. 34 al. 1 PA. Cette notification ne respecte pas non plus les conditions de la voie électronique au sens de l’art. 34 al. 1bis PA et des art. 8 à 10a OCEI-PA, quand bien même la notification intervient sous une forme électronique. Le TAF retient ainsi qu’il s’agit en l’espèce d’une notification « hybride » non prévue par la loi. Une telle notification n’est pas valable. Le principe de célérité invoqué par l’AFC pour justifier ce mode de communication n’est pas pertinent.

Par conséquent, la jurisprudence rendue en matière de notification par courrier A Plus ne peut pas être appliquée telle quelle dans le cas d’espèce. En cas de notification infructueuse, le délai de recours ne commence à courir qu’au moment où le destinataire a pu de bonne foi prendre connaissance de la décision. Bien que la décision a été déposée selon le « Track & Trace » le samedi 26 février 2022 dans la boîte aux lettres de l’avocat des recourantes, ce dernier a retiré l’envoi que le lundi 28 février 2022. Ce jour-là, l’avocat a agi promptement en suivant les instructions de l’AFC pour obtenir le mot de passe nécessaire à l’ouverture de la clé USB. On parvient au même constat si l’avocat avait retiré son courrier le samedi 26 février 2022, dans la mesure où il n’aurait obtenu le mot de passe qu’au plus tôt le lundi 28 février 2022, les bureaux de l’AFC étant fermés le week-end. On ne saurait donc considérer que la notification est intervenue le samedi 26 février 2022. Dans ces conditions, les recourantes pouvaient considérer de bonne foi que la décision de l’AFC était valablement notifiée le jour où l’AFC leur a matériellement garanti l’accès à la décision par la communication du mot de passe, à savoir le lundi 28 février 2022. Le dépôt du recours le 30 mars 2022 intervient ainsi avant l’échéance du délai de recours.

Partant, le TAF déclare le recours recevable.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée, in: https://lawinside.ch/1320/