Publications par Célian Hirsch

L’opposition du secret professionnel de l’avocat à une demande de reddition de compte dans le cadre d’un litige successoral

TF, 22.01.2025, 5A_112/2022

Le secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA) peut faire obstacle à une demande de reddition de compte par des héritiers (art. 400 al. 1 CO). En cas de mandats mixtes ou globaux impliquant des services relevant de l’activité tant typique qu’atypique de l’avocat, il convient d’examiner les circonstances du cas d’espèce pour déterminer quels faits ou documents sont soumis au secret.

Faits

Deux ans avant son décès, un patient est hospitalisé et les médecins considèrent qu’au vu de son état, il est recommandé de mettre en place une protection juridique le plus rapidement possible. Peu de temps après, le patient signe deux procurations successives en faveur d’une avocate. Ces procurations lui confèrent le pouvoir de gérer et administrer tous les biens, intérêts et affaires, présents et futurs. De plus, l’avocate peut le représenter dans tous ses rapports juridiques, quels qu’ils soient avec tous tiers, notamment le corps médical sans restriction liée au secret médical, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les procurations indiquent que les pouvoirs octroyés perdureront après son décès. Trois médecins et psychiatres attestent successivement que la capacité de discernement du patient est entière et qu’il a parfaitement saisi et souhaité les enjeux liés à ces procurations.… Lire la suite

La liberté de la presse face à la législation sur les armes : l’acquisition, la possession et le transport d’une arme sans permis par une journaliste de la RTS

TF, 12.12.2024, 6B_650/2022, 6B_664/2022*

Une journaliste peut invoquer, pour justifier son comportement en vertu de l’art. 14 CP, le devoir afférent à sa profession tel qu’il est reconnu par l’art. 10 CEDH. 

Faits 

Une journaliste de la RTS commande en ligne 19 pièces imprimées en 3D nécessaires à la fabrication d’une arme sans être titulaire d’un permis d’acquisition d’armes. La journaliste entend sensibiliser le public aux dangers des armes imprimables en 3D et vérifier la vigilance des entreprises suisses romandes offrant ces services. Une fois les pièces reçues dans les locaux de la RTS à Genève, elle y assemble l’arme avec un collègue, prenant soin de ne pas insérer le percuteur et d’y ajouter une pièce métallique afin de rendre l’arme inopérante et détectable. 

La journaliste transporte l’arme en train, depuis les locaux de la RTS à Genève jusqu’à ceux de l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, sans être titulaire d’un permis de port d’armes. Pendant le transport, l’arme se trouve dans le sac de sa caméra, sans percuteur ni munitions. Le reste du temps l’arme est stockée dans un tiroir fermé à clé au sein du bâtiment sécurisé de la RTS. 

Le Tribunal de police reconnait la journaliste coupable du transport et de la possession de l’arme, mais l’exempte de toute peine (art.Lire la suite

Comment sortir des biens de la masse successorale ? À l’aide d’une Treuunternehmen (ou d’un trust) bien ficelée

TF, 16.12.2024, 5A_89/2024*

Le patrimoine d’une Treuunternehmen irrévocable ne fait pas partie de la masse successorale du de cujus (art. 560 CC). La désignation de bénéficiaires dans les clauses d’une Treuunternehmen est une libéralité entre vifs et non pour cause de mort. Dans le cas d’un Treuunternehmen discrétionnaire, une telle libéralité n’est pas soumise au rapport (art. 626 CC). Ces considérations devraient aussi s’appliquer aux trusts irrévocables et discrétionnaires.

Faits

Une personne domiciliée en Suisse constitue une Treuunternehmen (entreprise fiduciaire) de droit liechtensteinois au sens de l’art. 932a de la Gesetzes zum Personen- und Gesellschaftsrecht. Ses statuts prévoient qu’il est le seul bénéficiaire des biens jusqu’à son décès, après quoi deux de ses fils en deviennent bénéficiaires à parts égales. De plus, il renonce à tout droit sur la Treuunternehmen et son patrimoine.

À son décès, trois petits-enfants, héritiers légaux en raison du prédécès d’une fille du de cujus, découvrent l’existence de la Treuunternehmen. Ils demandent le partage des avoirs de celle-ci, ce que les enfants refusent. Les petits-enfants introduisent une action en partage devant le tribunal de Soleure-Lebern, qui rejette leur demande. L’Obergericht admet l’appel. Il considère que les actifs de la Treuunternehmen font partie de la masse successorale, car le de cujus ne s’était pas définitivement dessaisi de ces biens.… Lire la suite

Le contrôle de la capacité de discernement d’un.e mineur.e déclarant changer de sexe

TF, 06.11.2024, 5A_623/2024*

La capacité de discernement d’une personne déclarant changer de sexe à l’état civil (cf. art. 30b CC) est examinée par l’officier de l’état civil. Ce n’est que lorsque ce dernier a des doutes qu’il y a lieu d’exiger des investigations complémentaires (notamment la production d’un certificat médical) et ce même lorsque la personne faisant la déclaration est mineure.

Faits

Les père et mère divorcés d’un enfant de 16 ans exercent sur lui l’autorité parentale conjointe et en assument une garde alternée. Le Service de protection des mineurs du canton de Genève signale au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant la nécessité d’adopter des mesures de protection en faveur de l’enfant. Le Tribunal prononce la mise en place d’une curatelle d’assistance éducative. Il retire ensuite provisoirement aux parents la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, ordonne son placement en foyer, ainsi qu’un suivi thérapeutique et médical. Ces mesures visent en particulier à répondre aux besoins de l’enfant et de permettre son orientation vers des spécialistes à même de l’aider à répondre à ses questionnements quant à son identité de genre.

Par la suite, le Tribunal impartit un délai aux parents en vue de remettre les documents d’identité de leur enfant à la curatrice, afin de permettre la modification de l’inscription du sexe et des prénoms à l’état civil.… Lire la suite

La publication d’un blâme à l’encontre d’un avocat, une sanction illicite ?

CDAP (VD), 16.01.2020, GE.2017.0188

La publication d’une décision prononçant un blâme à l’encontre d’un avocat est contraire à la LLCA si le nom de l’avocat, même caviardé, est reconnaissable à la lecture de la décision.

Faits

Dans la cadre d’une procédure disciplinaire, la Chambre des avocats du canton de Vaud prononce un blâme à l’encontre d’un avocat (art. 17 al. 1 let. b LLCA). Selon le dispositif de la décision, celle-ci sera publiée, comme toutes les décisions de la Chambre, sur le site Internet officiel de l’État de Vaud, avec toutefois le nom de l’avocat caviardé.

L’avocat dépose un recours devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal afin que cette décision ne soit pas publiée. La Cour doit alors préciser si la publication d’une sanction caviardée respecte la LLCA.

Droit

La Cour rappelle en premier lieu que l’art. 17 LLCA règle de manière exhaustive les mesures disciplinaires pour les avocats. Or le Tribunal fédéral a reconnu récemment que la publication d’une mesure disciplinaire doit être considérée comme une sanction en soi (ATF 143 I 352, résumé in LawInside.ch/480/). Dès lors que la LLCA ne prévoit pas la publication des décisions prises en application de cette loi, une publication constituerait une sanction supplémentaire contraire à la LLCA dans la mesure où l’avocat sanctionné est reconnaissable.… Lire la suite