La présomption de connaissance de la Suisse pour la naturalisation

ATF 146 I 83TF, 13.11.19, 1C_337/2019*

Une disposition cantonale introduisant une présomption selon laquelle le critère de naturalisation relatif à la connaissance des conditions de vie en Suisse est rempli dès lors que le requérant a effectué tout son cursus scolaire obligatoire dans le pays n’est pas arbitraire et ne porte pas atteinte aux principes de primauté du droit fédéral et de l’autonomie communale.

Faits

En octobre 2017, le Grand Conseil du canton de Bâle-Ville édicte une nouvelle loi cantonale sur la nationalité (ci-après la LN/BS), afin de se conformer à la modification de la Loi fédérale sur la nationalité (LN) intervenue en 2014. La LN/BS contient notamment un § 11 intitulé « Familiarité avec les conditions de vie locales et en Suisse » (Vertrautsein mit den schweizerischen und örtlichen Lebensverhältnissen),  dont l’al. 1 précise les différentes conditions. La première est donnée au § 11 al. 1 let. a LN/BS et exige des requérants qu’ils possèdent des connaissances géographiques, historiques, politiques et sociales de base aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Le § 11 al. 2 LN/BS précise que cette condition est présumée remplie lorsque le requérant a effectué l’intégralité de sa scolarité obligatoire en Suisse, dont tout le niveau secondaire I dans le canton de Bâle-Ville.Lire la suite

Le renvoi d’un ressortissant afghan converti de l’islam au christianisme

CourEDH, 05.11.19, Affaire A. A. c. Suisse (requête no. 32218/17)

En l’absence d’un examen ex nunc approfondi des conséquences de sa conversion à la religion chrétienne, le renvoi d’un requérant d’asile afghan vers son pays d’origine constitue une violation de l’art. 3 CEDH.

Faits

Une personne de nationalité afghane dépose une demande d’asile en Suisse, alléguant qu’elle risquerait de subir des persécutions dans son pays d’origine en raison de sa conversion au christianisme. Sa demande d’asile est rejetée par le Secrétariat d’État aux migrations (“SEM”), qui lui adresse une décision de renvoi de Suisse. La personne concernée recourt contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral en invoquant une violation de l’art. 3 CEDH, qui interdit les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le Tribunal administratif fédéral retient que le requérant s’est converti au christianisme après son arrivée en Suisse et a extériorisé sa nouvelle croyance uniquement avec sa famille proche. Dans ces circonstances, même si l’abandon de l’islam peut être pénalement poursuivi en Afghanistan, il ne suffit pas à fonder la qualité de réfugié en l’espèce. Le Tribunal administratif fédéral rejette ainsi le recours.

Saisir par le requérant, la CourEDH est appelée à déterminer si, dans le cas d’espèce, la Suisse a violé l’art.Lire la suite

L’admissibilité du système d’élections majoritaire au Grand Conseil des Grisons

ATF 145 I 259TF, 29.07.2019, 1C_495/2017*

Le système d’élections majoritaire pur du Grand Conseil dans le canton des Grisons est incompatible avec l’égalité de vote (art. 34 al. 2 Cst.) à plusieurs égards. D’une part, garantir un siège au cercle électoral d’Avers, nettement trop petit en comparaison avec la moyenne de représentation par siège, est incompatible avec l’égalité de valeur des votes (Stimmgewichtsgleichheit). D’autre part, l’élection selon le principe majoritaire dans les 6 cercles électoraux les plus peuplés (Chur, Fünf Dörfer, Oberengadin, Rhäzuns, Davos et Ilanz) est une atteinte injustifiable à l’égalité d’influence des votes (Erfolgswertgleichheit).

Faits

En vue des élections au Grand Conseil de 2018, le Conseil d’Etat du canton des Grisons fixe le nombre de députées et députés à élire dans chaque cercle électoral pour la législature 2018-2022.

Il se fonde pour cela sur l’art. 27 Cst.-GR, qui a reçu la garantie de l’Assemblée fédérale en 2004. D’après cet article, le Grand Conseil compte 120 membres élus selon le principe majoritaire. Le canton est divisé en maximum 39 cercles électoraux. La loi détermine l’appartenance des communes aux cercles. La répartition des sièges entre les cercles se fait en fonction de la population suisse domiciliée dans chaque cercle.… Lire la suite

L’enseignement privé à domicile au regard du droit au respect de la vie privée et familiale

ATF 146 I 120TF, 22.08.2019, 2C_1005/2018*

Le droit constitutionnel au respect de la vie privée et familiale (art. 13 al. 1 Cst. et art. 8 CEDH) n’accorde aucun droit à l’enseignement privé à domicile en lieu et place de l’enseignement scolaire obligatoire. Les cantons sont libres de déterminer à quelles conditions l’enseignement privé à domicile est admissible (art. 62 al. 1 Cst.), dans le respect des art. 19 et 62 al. 2 Cst.

Faits

Une mère dépose auprès du Département de l’éducation publique de Bâle-Ville une demande d’enseignement privé à domicile (« Homeschooling ») pour son fils, lequel est en principe en âge de suivre une scolarité obligatoire. Le Département rejette la demande. Ce refus est confirmé par le Tribunal administratif cantonal.

La mère forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci est amené à se prononcer sur la compatibilité de l’interdiction à l’enseignement privé à domicile avec le droit constitutionnel supérieur.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par exposer la législation bâloise en matière d’enseignement. En principe, les enfants domiciliés dans le canton sont tenus de fréquenter une école selon la réglementation applicable en matière d’enseignement obligatoire (art. Lire la suite

La légalité de la prorogation du Parlement britannique par Boris Johnson

Supreme Court of the United Kingdom, Miller v The Prime Minister, [2019] UKSC 41

La décision du Premier ministre britannique de proroger, et donc de fermer, le Parlement britannique est une décision justiciable qui peut dès lors faire l’objet d’un contrôle de légalité par un tribunal. La prorogation est illégale si elle a pour effet de frustrer ou d’empêcher, sans motifs justificatifs, la possibilité pour le Parlement d’exercer ses fonctions constitutionnelles en tant que législateur et en tant qu’organe responsable de surveiller le pouvoir exécutif.

Faits

Le 31 octobre 2019, le Royaume-Uni est censé perdre son statut d’État membre de l’Union européenne (Brexit), à moins que le Conseil européen n’octroie, sur décision unanime et sur demande du Gouvernement britannique, une nouvelle extension du statut d’État membre ou que le Gouvernement britannique décide de révoquer la demande de retrait de l’Union européenne, comme il a le droit de le faire de manière unilatérale (cf. LawInside.ch/689).

C’est dans ce contexte que, le 27 août 2019, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a recommandé à la Reine d’ordonner la prorogation, et donc la fermeture, du Parlement britannique pour une date à fixer entre le 9 et 12 septembre 2019 et ce jusqu’au 14 octobre 2019.… Lire la suite