Manifestations non autorisées et liberté d’expression

TF, 31.08.22, 6B_655/2022

Même lorsqu’une manifestation n’a pas été autorisée, les forces de l’ordre doivent faire preuve d’une certaine tolérance à l’égard des rassemblements pacifiques, ce qui implique une pesée des intérêts en présence. En l’espèce, l’état de fait établi par le Tribunal cantonal vaudois est lacunaire et justifie le renvoi de l’affaire afin qu’il le complète.

Faits

Entre septembre 2019 et juin 2020, un homme participe à plusieurs manifestations pacifiques non autorisées (mais annoncées par leurs organisateurs·ices aux autorités compétentes), au cours desquelles il contribue au blocage de certains axes de circulation routière. Évacué par les forces de l’ordre, il leur oppose une résistance physique en s’agrippant aux autres manifestant·es ou à des objets mobiliers.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne déclare le manifestant coupable notamment d’entrave aux services d’intérêt général (art. 239 ch. 1 CP), d’empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR). Il le condamne à une peine pécuniaire et à une amende. Sur appel, le Tribunal cantonal vaudois réduit les peines et, pour le surplus, confirme le jugement attaqué. Le condamné exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, en invoquant notamment les art.Lire la suite

La formule officielle et le contrat de bail sont-ils des titres au sens de l’art. 251 CP ?

ATF 148 IV 288 | TF, 02.06.2022, 6B_1270/2021*

La formule officielle destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer (cf. art. 269d al. 1 CO cum art. 19 OBLF) est un titre au sens de l’art. 251 CP. En revanche, tel n’est pas le cas d’un contrat de bail, à tout le moins lorsque seule l’identité des précédents locataires y est indiquée de manière fausse.

Faits

En 2020, un avocat est condamné par le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève pour faux dans les titres (cf. art. 251 CP) dans le cadre la gestion d’un immeuble sis à Lausanne, dont la propriété appartenait à une société qu’il contrôlait personnellement.

En substance, il lui est reproché d’avoir indiqué des montants fictifs à titre d’anciens loyers et charges ainsi que des noms fictifs d’anciens locataires lors de l’établissement de nouveaux contrats de bail. Ces informations étaient inscrites sur la formule officielle destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer (cf. art. 269d CO cum art. 19 OBLF), ainsi que dans le nouveau contrat de bail. Cette démarche avait pour but d’éviter une contestation initiale du loyer par le nouveau locataire entrant et d’en permettre une augmentation massive et injustifiée.… Lire la suite

Assistance au suicide : la LPTh était-elle applicable ?

TF, 09.12.2021, 6B_646/2020

Lorsqu’un médecin prescrit une substance comme le pentobarbital, soumis à contrôle selon la législation en matière de stupéfiants, en vue du suicide assisté d’une personne ne souffrant d’aucune pathologie, son comportement ne relève pas de la LPTh, mais éventuellement de la LStup. En pareilles circonstances, cette loi prime la LPTh, en tant que lex specialis, en tout cas dans l’optique d’une application des dispositions pénales contenues dans ces lois (art. 1b LStup).

Faits

En 2017, une dame âgée se trouvant en bonne santé et ne souffrant d’aucune maladie met fin à ses jours en même temps que son mari, auquel elle ne souhaitait pas survivre, avec l’aide d’une association. Pour ce faire, elle ingère du pentobarbital de sodium (ci-après : pentobarbital) prescrit par un médecin retraité exerçant au sein de l’association.

Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève condamne ce médecin pour infraction à l’art. 86 al. 1 let. a LPTh-2014 (dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017). La Cour de justice genevoise confirme ce jugement.

Le prévenu interjette alors un recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la remise de pentobarbital à une personne qui ne souffre d‘aucune pathologie physique ou psychique en vue de son suicide (suicide-bilan ou Bilanzsuizid) relève d’un comportement pénalement réprimé par la LPTh.… Lire la suite

Inapplicabilité du principe “oui c’est oui” en l’état actuel du droit pénal suisse

ATF 148 IV 234 | TF, 28.03.2022, 6B_894/2021*

En l’état actuel du droit, l’absence de consentement ne permet pas de retenir un viol ou une contrainte sexuelle. La victime doit donner des signes évidents et déchiffrables de son opposition, qui doivent être reconnaissables pour l’auteur.

Faits

Lors d’une soirée, un homme et une femme se rencontrent dans un bar à Genève. Après avoir discuté et bu quelques bières, il se rendent ensemble au domicile du premier. Face à l’aspect peu invitant de l’appartement, la femme a eu envie de repartir, mais ne l’a pas fait. Tous deux se sont retrouvés sur le lit. Une fellation et un rapport sexuel pénétratif ont lieu.

Le lendemain, la femme dépose plainte pénale contre l’homme, notamment pour contrainte sexuelle et viol. Elle affirme s’être laissée faire par peur que son partenaire ne devienne violent, à la suite de morsures douloureuses qu’il lui aurait infligées avant les actes d’ordre sexuel et malgré ses protestations. Aux dires du prévenu, il ne s’agissait que de suçons qui étaient intervenus au cours des actes d’ordre sexuel. La plaignante avait fait état de douleurs liées à ces morsures ou suçons (“ça fait mal, arrête”, “aïe”), mais était restée pour le surplus passive, sans manifester verbalement un défaut de consentement avec des rapports intimes.… Lire la suite

La transmission de la qualité de partie plaignante par succession

ATF 148 IV 256 | TF, 25.04.2022, 6B_1266/2020*

La qualité de partie plaignante par succession (art. 121 al. 1 CPP) n’appartient qu’aux proches au sens de l’art. 110 al. 1 CP. Ceci vaut même lorsque la partie plaignante décède après avoir formé appel contre le rejet de ses conclusions civiles découlant de l’acquittement de l’accusé.

Faits

Une procédure pénale est ouverte à l’encontre d’une gouvernante, qui est accusée de s’être indûment approprié une partie de la fortune de sa maîtresse. Dans le cadre de cette procédure, la maîtresse se constitue demanderesse au pénal et au civil (cf. art. 119 al. 2 CPP).

Par décision du 20 novembre 2019, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne acquitte la gouvernante et rejette les conclusions civiles de la maîtresse.

La maîtresse forme appel. Elle conclut à ce que la gouvernante soit reconnue coupable d’usure par métier. Par ailleurs, la maîtresse conclut à l’admission de ses conclusions civiles.

En 2020, la maîtresse décède. Les héritiers de la maîtresse déclarent toutefois poursuivre la procédure d’appel entamée par la défunte.

Par jugement du 8 juillet 2020, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal déclare recevable l’appel formé par la maîtresse, dans la mesure où ses prétentions civiles sont passées à ses héritiers.… Lire la suite