La prescription d’une diffamation par publication internet

ATF 142 IV 18TF, 02.12.2015, 6B_473/2015*

Faits

Une personne se rend coupable de diffamation (art. 173 CP) pour un post qu’elle a publié sur un blog. La cour d’appel renverse ce jugement en acquittant le prévenu au motif que l’infraction serait prescrite (cf. art. 98 let. a CP).

Sur recours du ministère public, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur le délai de prescription applicable à une diffamation perpétrée par une publication sur internet.

Droit

Le délai de prescription applicable aux délits contre l’honneur est de quatre ans (cf. art. 178 al. 1 CP). La prescription court (art. 98 CP) : (let. a) dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable ; (let. b) dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises ; (let. c) dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée.

Le ministère public reproche à l’instance inférieure de ne pas avoir retenu en tant que dies a quo le moment où le post litigieux a été effacé du site internet (art. 98 let. c CP). Il soutient que la jurisprudence fédérale qualifiant les infractions contre l’honneur d’infractions instantanées ne devrait pas s’appliquer aux publications sur internet, ce d’autant que l’auteur choisit parfois délibérément de ne pas effacer l’article publié.… Lire la suite

Le meurtre passionnel et la légitime défense excessive

ATF 142 IV 14TF, 26.11.15, 6B_454/2015*

Faits

Une personne tue une autre personne lors d’une altercation. Le Tribunal de première instance condamne le prévenu à 4 ans de prison pour meurtre commis en légitime défense excessive (art. 111 CP en relation avec l’art. 16 al. 1 CP). Sur recours du prévenu, le Tribunal cantonal le condamne à 30 mois de peine privative de liberté. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral et reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné s’il s’était plutôt rendu coupable de meurtre passionnel commis en légitime défense excessive.

Droit

Dans une ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral avait estimé qu’un auteur pouvait commettre un meurtre passionnel en état de légitime défense excessive (ATF 102 IV 228). En revanche, la doctrine majoritaire considère que si l’émotion violente, condition imposée par le meurtre passionnel, provient d’une attaque d’un tiers, l’auteur doit être condamné pour meurtre commis en état de légitime défense excessive. Partant, un tel état de fait exclurait le meurtre passionnel.

Le Tribunal fédéral se rattache à cette opinion et effectue un revirement de jurisprudence. A cette fin, il rappelle le principe de l’interdiction de la double prise en considération des mêmes éléments (Doppelverwertungsverbot).… Lire la suite

L’internement à vie

ATF 141 IV 423 | TF, 05.11.15, 6B_217/2015*

Faits

Un délinquant sexuel multirécidiviste est incarcéré durant de longues années et bénéficie d’un suivi psychiatrique. Peu après sa mise en liberté, il commet deux nouvelles infractions. Son mode opératoire consiste à faire absorber un somnifère à ses victimes à leur insu, puis à abuser d’elles sexuellement.

Le délinquant est condamné en première instance pour contrainte sexuelle (art. 189 CP) à quatre ans et demi de prison et à l’internement à vie. Le jugement est confirmé sur appel.

Le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si les conditions de l’internement à vie sont remplies en l’espèce.

Droit

Aux termes de l’art. 64 al. 1bis CP, l’internement à vie est prononcé si l’auteur a commis l’un des crimes énumérés dans la disposition, et que, cumulativement, (let. a) il a porté ou voulu porter une atteinte particulièrement grave à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui ; (let. b) il est hautement probable qu’il commette à nouveau un de ces crimes ; et (let. c) l’auteur est qualifié de durablement non amendable, la thérapie semblant vouée à l’échec sur le long terme.

Le Tribunal fédéral souligne que l’internement à vie est soumis à des exigences très élevées, ceci valant non seulement pour l’incurabilité (let.Lire la suite

Tenir son téléphone en conduisant

TF, 27.10.15, 6B_1183/2014

Faits

Un automobiliste roule sur l’autoroute en tenant son téléphone portable avec la main gauche pendant 15 secondes. Le tribunal de première instance le condamne pour violation simple des règles de la circulation routière. L’automobiliste recourt et obtient gain de cause devant le Tribunal cantonal. Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral qui doit répondre à la question de savoir si un automobiliste contrevient aux règles de la circulation routière en tenant dans la main son téléphone portable durant 15 secondes en roulant.

Droit

Selon l’art. 3 al. 1 1ère phr. OCR, « le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation ». Le devoir d’attention s’examine en fonction de l’ensemble des circonstances, en particulier d’après l’intensité du trafic, la connaissance des lieux, l’heure et la prévisibilité des sources de danger. L’art. 3 al. 1 2e phr. OCR dispose que l’automobiliste « évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule ». Si l’occupation est courte et ne modifie ni la position du corps ni ne détourne le regard de la route, le Tribunal fédéral considère qu’elle n’entrave, en règle générale, pas la conduite. Si l’occupation est longue ou entrave d’une autre manière la conduite, ce comportement contrevient aux règles de l’OCR.… Lire la suite

La compétence pour ordonner le traitement institutionnel en milieu fermé

ATF 142 IV 1 | TF, 22.10.2015, 6B_708/2015*

Faits

Une mesure thérapeutique institutionnelle est prononcée à l’encontre d’un délinquant. Par la suite, l’autorité d’exécution des peines et mesures ordonne l’exécution de cette mesure dans un établissement fermé.

Le condamné conteste sans succès l’exécution en milieu fermé devant les instances cantonales.

Le Tribunal fédéral doit déterminer si le placement dans un établissement fermé relève de l’exécution de la mesure, et peut à ce titre être décidé par une autorité administrative, ou s’il constitue au contraire une mesure distincte qui doit être prononcée par le juge.

Droit

Les conditions du prononcé d’un traitement institutionnel sont prévues à l’art. 59 al. 1 CP. Aux termes de l’art. 59 al. 3 CP, ce traitement s’effectue dans un établissement fermé tant qu’il y a lieu de craindre que l’auteur s’enfuie ou commette de nouvelles infractions. Il convient d’interpréter l’art. 59 al. 3 CP pour déterminer la nature juridique du traitement institutionnel en milieu fermé.

La référence à un élément temporel dans la lettre de cette disposition (« tant qu’il y a lieu de craindre… ») indique que la décision doit être adaptée en cas de changement de circonstances, ce qui nécessite une certaine flexibilité.… Lire la suite