La discrimination et l’incitation à la haine par l’association de drapeaux LGBTQIA+ avec la croix gammée

TF, 08.05.2025, 6B_1008/2024

La distribution d’autocollants comportant des drapeaux LGBTQIA+ disposés en forme de croix gammée est constitutive de discrimination et d’incitation à la haine (art. 261bis CP).

Faits

Le 14 juin 2023, à Fribourg, une personne colle dans l’espace public trois ou quatre autocollants comportant des drapeaux LGBTQIA+ disposés de manière à former une croix gammée, et remet également plusieurs de ces autocollants à un groupe de personnes indéterminées sur une place.

Le juge de police de l’arrondissement de la Sarine condamne l’auteur des faits à une peine pécuniaire avec sursis pendant quatre ans pour discrimination et incitation à la haine (art. 261bis CP). Après le rejet de son appel par le Tribunal cantonal, l’intéressé saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si les faits retenus relèvent de l’art. 261bis CP.

Droit

Selon l’art. 261bis al. 1 CP, se rend notamment coupable de discrimination et d’incitation à la haine quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle.

Pour que cette disposition soit applicable, l’auteur doit en premier lieu agir publiquement, soit en-dehors d’un cercle privé, par des paroles, des écrits, des images, des gestes ou des voies de fait.… Lire la suite

Le concours idéal entre tentative d’assassinat (art. 112 CP) et infraction à l’art. 2 LAQEI (art. 74 al. 4 nLRens)

TF, 20.02.2025, 6B_184/2024*

Les biens juridiquement protégés par l’art. 2 LAQEI (art. 74 al. 4 nLRens) et l’art. 112 CP ne se recoupent pas entièrement. La première norme protège la sécurité publique tandis que la seconde protège la vie. Dès lors qu’aucune des deux infractions ne saisit à elle seule tous les aspects du comportement adopté par l’auteur, elles peuvent entrer en concours idéal.

Faits

En novembre 2020, une femme se rend au rayon d’articles ménagers d’un magasin et s’y empare d’un grand couteau. Elle s’en sert pour frapper une victime choisie au hasard, à qui elle inflige diverses blessures, tout en criant « Allah Akbar ». Après avoir encore tenté d’agresser d’autres personnes, elle est finalement désarmée et immobilisée en attendant l’arrivée de la police.

Suite à cela, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral déclare la prévenue coupable de tentatives d’assassinat. De plus, elle admet une infraction à l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées (« LAQEI ») en raison de messages et de photographies de soutien à l’Etat islamique envoyés via Facebook peu avant l’attaque. Suite aux appels du Ministère public de la Confédération et de la prévenue, la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral juge que le comportement de la prévenue au moment de l’attaque remplit également les éléments constitutifs de l’art.Lire la suite

Le consentement et la traite d’êtres humains (art. 182 CP)

TF, 07.04.2025, 6B_296/2024*

Le consentement de la victime n’exclut la commission de l’infraction que s’il a été donné en toute liberté et en toute connaissance de ses effets. L’examen de la validité du consentement de la victime doit porter sur le moment où la victime a été enrôlée. Partant, les éléments de fait intervenus postérieurement ne sont pas déterminants.

Faits

Une personne se rend en Suisse en août 2011 et vit dans l’appartement familial d’un couple entre 2011 et 2017, période durant laquelle elle participe aux tâches ménagères du logement et s’occupe de leurs enfants. En juin 2018, elle dépose plainte contre le couple pour traite d’êtres humains, voies de fait, menaces et injures.

Le Tribunal criminel des Montagnes et du Val-de-Ruz reconnaît le couple coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, respectivement de complicité. La Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel rejette les appels formés par la victime ainsi que par le Ministère public.

La victime forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral.

Droit

En substance, la recourante fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir retenu l’infraction de traite d’êtres humains à l’encontre du couple.… Lire la suite

La liberté de la presse face à la législation sur les armes : l’acquisition, la possession et le transport d’une arme sans permis par une journaliste de la RTS

TF, 12.12.2024, 6B_650/2022, 6B_664/2022*

Une journaliste peut invoquer, pour justifier son comportement en vertu de l’art. 14 CP, le devoir afférent à sa profession tel qu’il est reconnu par l’art. 10 CEDH. 

Faits 

Une journaliste de la RTS commande en ligne 19 pièces imprimées en 3D nécessaires à la fabrication d’une arme sans être titulaire d’un permis d’acquisition d’armes. La journaliste entend sensibiliser le public aux dangers des armes imprimables en 3D et vérifier la vigilance des entreprises suisses romandes offrant ces services. Une fois les pièces reçues dans les locaux de la RTS à Genève, elle y assemble l’arme avec un collègue, prenant soin de ne pas insérer le percuteur et d’y ajouter une pièce métallique afin de rendre l’arme inopérante et détectable. 

La journaliste transporte l’arme en train, depuis les locaux de la RTS à Genève jusqu’à ceux de l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, sans être titulaire d’un permis de port d’armes. Pendant le transport, l’arme se trouve dans le sac de sa caméra, sans percuteur ni munitions. Le reste du temps l’arme est stockée dans un tiroir fermé à clé au sein du bâtiment sécurisé de la RTS. 

Le Tribunal de police reconnait la journaliste coupable du transport et de la possession de l’arme, mais l’exempte de toute peine (art.Lire la suite

Art. 223 CP : l’explosion n’est pas une condition objective de punissabilité

TF, 18.02.2025, 6B_852/2024*

L’explosion est un élément constitutif objectif de l’infraction prévue à l’art. 223 CP, et pas une condition objective de punissabilité. Une tentative peut donc être donnée lorsque l’explosion ne se produit pas (art. 223 cum 22 al. 1 CP). Le fait de retenir une tentative d’explosion plutôt qu’un crime impossible (art. 22 al. 1 CP) n’a pas d’incidence sur la faculté du juge d’atténuer la peine.

Faits

Une restauratrice exploite un restaurant dans des locaux loués. Après la fermeture de l’établissement pour des raisons financières, elle tente de vendre son fonds de commerce. Lors d’une visite sur place avec la restauratrice et des tiers, une acquéreuse potentielle revient sur un accord préalablement conclu et déchire le texte du contrat.

Furieuse, la restauratrice s’empare d’une bonbonne de gaz derrière le bar et bloque la porte de l’établissement. Elle tente d’ouvrir la vanne de la bonbonne, un briquet allumé à la main, en s’exclamant que puisqu’elle s’apprête à tout perdre, elle va tout faire sauter. Des personnes présentes parviennent à la maîtriser.

Suite à cet évènement, le Tribunal de première instance de La Côte condamne notamment la restauratrice pour tentative d’explosion. Son appel ayant été rejeté par le Tribunal cantonal, elle introduit un premier recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui admet le recours pour défaut d’examen d’un grief soulevé en appel et renvoie la cause à l’instance précédente.… Lire la suite