La langue de la procédure en matière pénale

ATF 143 IV 117 | TF, 13.02.2017, 6B_367/2016*

Faits

Le Ministère public notifie une ordonnance pénale à une prévenue de langue maternelle anglaise. Assistée de son avocat, elle s’y oppose. À la demande de la prévenue elle-même –  qui n’est alors plus assistée de son avocat – le Ministère public ajourne à deux reprises l’audience de comparution organisée pour statuer sur l’opposition.

Dûment convoquée à une nouvelle audience, la prévenue ne se présente pas. Par ordonnance sur opposition, le Ministère public constate le défaut de la prévenue. Il relève ainsi que son opposition à l’ordonnance pénale est réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP).

Par courrier rédigé en anglais, la prévenue conteste cette décision auprès l’autorité de recours. Par courrier rédigé en français, celle-ci lui impartit un délai pour procéder en français. La prévenue ne donnant pas suite à ce dernier courrier dans le délai imparti, l’autorité de recours n’entre pas en matière sur le recours.

La prévenue recourt au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’autorité de recours aurait dû inviter la prévenue à redéposer ses écritures par un courrier en anglais et non en français.

Droit

Le Tribunal fédéral se réfère à l’art. 68 CPP aux termes duquel le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants doit être porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu’il comprend, même si celui-ci est assisté d’un défenseur (al.… Lire la suite

L’investigation secrète et le droit de se taire

ATF 143 I 104 | TF, 21.03.2017, 1B_117/2016*

Faits

Un couple est suspecté d’avoir tué son premier bébé et fait subir de graves lésions corporelles au second. Les suspects se refusent toutefois à toute déclaration. En cours d’instruction, le Ministère public ordonne une investigation secrète impliquant plusieurs agents infiltrés. Cette mesure est validée par le Tribunal des mesures de contrainte. Une fois informé de l’investigation secrète, l’un des prévenus en conteste la licéité. Le Tribunal cantonal compétent lui donne raison et ordonne la destruction immédiate des preuves résultant de l’investigation secrète.

Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’investigation secrète viole le droit de se taire des prévenus.

Droit

A teneur de l’art. 285a CPP, il y a notamment investigation secrète lorsque des membres d’un corps de police nouent de manière trompeuse, sous le couvert d’une identité d’emprunt, des contacts avec des individus dans l’intention d’instaurer avec eux une relation de confiance afin d’élucider des infractions particulièrement graves. L’instance précédente a considéré que les conditions légales de l’investigation secrète (art. 286 CPP) étaient remplies. Selon l’arrêt contesté, l’investigation secrète était néanmoins illicite car elle violait le droit de se taire (art.Lire la suite

Le droit pour un couple de prévenus de se rendre visite

ATF 143 I 241 | TF, 18.04.2017, 1B_34/2017*

Faits

Deux prévenus se trouvent en détention provisoire respectivement sous le régime de l’exécution anticipée de la peine pour plusieurs cambriolages qu’ils auraient commis ensemble. Ayant été concubins pendant plus de 15 ans, ils font chacun valoir le droit de se rendre visite au moins une fois par mois, étant précisé qu’ils se trouvent dans deux établissements pénitentiaires différents. Ces demandes sont rejetées par les deux instances cantonales.

Sur recours des deux prévenus, le Tribunal fédéral doit déterminer si ces derniers sont en droit de se rendre visite régulièrement malgré leur détention à deux endroits différents.

Droit

Les recourants se prévalent d’une violation de leur droit à la liberté personnelle (art. 10 Cst.) et à leur vie privée et familiale (art. 13 Cst.), ainsi que d’une violation de l’art. 235 al. 1 CPP.

Une restriction des droits fondamentaux des prévenus étant en jeu, l’art. 36 Cst. constitue le point de départ de l’analyse du Tribunal fédéral. L’art. 235 al. 1 CPP concrétise la portée de cette disposition et prévoit que la liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement.… Lire la suite

La mise sous écoute et le respect des droits fondamentaux

ATF 143 I 292TF, 21.03.2017, 1B_115/2016*

Faits

Un couple est suspecté d’avoir tué son premier bébé et fait subir de graves lésions corporelles au second. Les suspects se refusent toutefois à toute déclaration. En cours d’instruction, le Ministère public ordonne la mise sous écoute du logement du couple pour un mois. Cette mesure est validée, puis prolongée pour un mois supplémentaire par le Tribunal des mesures de contrainte. Une fois informé de la mesure de surveillance, l’un des prévenus en conteste la licéité. Le Tribunal cantonal compétent lui donne raison et ordonne la destruction immédiate des preuves résultant de la mise sous écoute.

Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral est appelé à préciser à quelles conditions les mesures techniques de surveillance sont admissibles au regard du droit fondamental à la liberté personnelle et du droit à la vie privée.

Droit

Les mesures techniques de surveillance, telles que la mise sur écoute, sont prévues aux art. 280 ss CPP. De telles mesures ne peuvent en principe viser que les prévenus (art. 281 CPP). En outre, par le renvoi de l’art. 281 al. 4 CPP, les conditions d’une surveillance de la correspondance par poste et télécommunication sont applicables par analogie.… Lire la suite

Les autres motifs qui justifient une défense obligatoire (art. 130 lit. c CPP)

ATF 143 I 164 | TF, 03.04.17, 1B_338/2016*

Faits

Un automobiliste suit un autre véhicule à une distance de 4m à 6m sur l’autoroute. Le premier véhicule sort de l’autoroute pour confronter l’automobiliste qui le collait. Ce dernier sort alors un couteau. Le conducteur du premier véhicule repart et appelle la police. Pour ces faits, le ministère public met en accusation le prévenu pour violation grave des règles de la circulation routière et pour menaces. Il propose une peine de 50 jours-amende. Le prévenu estime qu’il existait un cas de défense obligatoire et qu’il convient de réadministrer les preuves (cf. art. 131 al. 3 CPP). Le Tribunal fédéral doit ainsi se pencher sur les conditions de la défense obligatoire.

Droit

Selon l’art. 130 lit. b CPP, il existe un cas de défense obligatoire si le prévenu encourt une peine privative de liberté de plus d’un an. L’art. 130 lit. c CPP impose également un avocat quand le prévenu, à cause de son état physique ou psychique ou pour une autre raison, ne peut pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure pénale.

Contrairement à l’avis du recourant, le Tribunal fédéral estime que la peine déterminante pour retenir une défense obligatoire n’est pas la peine abstraite de l’infraction, mais la peine concrète que risque de purger le prévenu.… Lire la suite