La restitution du délai pour recourir au Tribunal fédéral

ATF 149 IV 97 | TF, 22.11.2021, 6B_1079/2021*

Même une condamnation lourde prononcée en appel ne suffit pas à justifier la restitution du délai de recours au sens de l’art. 50 al. 1 LTF. Le Tribunal fédéral fait une interprétation stricte de cette norme, indépendante du domaine du droit et des points attaqués.

Faits

Le Tribunal cantonal vaudois rejette l’appel formé par un prévenu contre le jugement le condamnant notamment à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis durant cinq ans et prononçant son expulsion de Suisse pour cinq ans.

Le défenseur du prévenu introduit un recours en matière pénale contre le jugement du Tribunal cantonal avec un jour de retard. Le Tribunal fédéral est dès lors amené à se prononcer sur la recevabilité du recours.

Droit

L’art. 50 al. 1 LTF dispose que si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’une partie doit se laisser imputer la faute de son avocat·e (ATF 143 I 284, résumé in LawInside.ch/449/).… Lire la suite

Le tribunal de première instance n’est pas compétent pour trancher une demande de récusation visant le ministère public

ATF 148 IV 17 | TF, 05.11.2021, 1B_333/2021*

Lorsqu’une demande de récusation est introduite contre un·e procureur·e après que le ministère public a engagé l’accusation, c’est l’autorité de recours et non le tribunal de première instance qui est compétent pour examiner cette question, conformément au texte clair de l’art. 59 al. 1 let b CPP

Faits

Le Ministère public zurichois engage l’accusation contre un prévenu devant le tribunal d’arrondissement de Horgen. Deux jours plus tard, le prévenu demande la récusation du procureur en charge, laquelle est refusée par le tribunal d’arrondissement de Horgen.

Le prévenu introduit un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’instance précédente, en sa qualité de tribunal de première instance, était compétente pour examiner la demande de récusation.

Droit

Le Tribunal fédéral procède à l’interprétation de l’art. 59 al. 1 let. b CPP, qui prévoit notamment que lorsqu’un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. a CPP concernant le ministère public est invoqué, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par l’autorité de recours.

Le texte de la loi est clair. Il n’est donc possible de s’en écarter que s’il existe une raison sérieuse de penser que le texte ne vise pas le sens véritable de la réglementation.… Lire la suite

Le séquestre et la réalisation anticipée de cryptoactifs

ATF 148 IV 74 | TF, 18.10.2021, 1B_59/2021*

Lorsqu’il est prévisible que les modalités d’une réalisation anticipée auront une influence sur son résultat, l’autorité pénale est tenue de prendre des mesures pour obtenir un produit aussi élevé que possible et ainsi préserver les intérêts de l’État et du prévenu. Si elle ne dispose pas des connaissances nécessaires à cet effet, elle doit faire appel à un expert. 

Faits

Dans le cadre d’une instruction pénale pour blanchiment d’argent, le Ministère public du canton de Zurich séquestre les cryptoactifs que détient le prévenu sur un compte auprès d’une société.

Un an plus tard, le Ministère public ordonne à cette même société de transférer les cryptoactifs séquestrés du prévenu sur le compte du Ministère public auprès d’une autre société. Celle-ci est chargée de convertir les avoirs en francs suisses et de transférer le produit de la vente sur le compte du Ministère public, en vue d’une confiscation du produit de la réalisation.

Le prévenu recourt contre cette ordonnance auprès de l’Obergericht de Zurich, qui le rejette. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si le procédé de réalisation anticipée des cryptoactifs séquestrés tel qu’envisagé par le Ministère public respecte l’art.Lire la suite

L’enregistrement vidéo prouvant le dépôt du recours en temps utile

ATF 147 IV 526 | TF, 07.10.2021, 6B_1247/2020*

La production d’un enregistrement vidéo peut, exceptionnellement et en l’absence d’indices permettant de soupçonner que l’enregistrement a été trafiqué, constituer un moyen de preuve apte à démontrer le dépôt du recours en temps utile.

Faits

Une procédure pénale est classée par ordonnance rendue le 11 août 2020. La partie plaignante, qui avait déposé plainte pénale, souhaite recourir contre cette ordonnance.

Le dernier jour du délai de recours, soit le 24 août 2020, le mandataire de la partie plaignante envoie un courriel au Tribunal cantonal valaisan à 22h15, auquel il joint le recours en annexe, pour indiquer que le recours a été déposé dans une boîte aux lettres à 22h05. Il précise que le courriel n’est envoyé “qu’à fin de corroborer par surabondance le dépôt en temps utile qui a été fait sous pli postal comme cela sera démontré par preuve vidéographique envoyée spontanément“.

Le recours parvient au Tribunal cantonal avec un sceau postal du 25 août 2020, soit un jour après le dernier jour du délai. Dans le courrier d’accompagnement, le mandataire de la partie plaignante explique qu’il n’est pas exclu que l’enveloppe contenant le recours porte le tampon postal du lendemain et que, cas échéant, la preuve vidéo de l’envoi serait adressée au tribunal séparément.… Lire la suite

Le préjudice irréparable issu de recherches secrètes illicites

ATF 148 IV 82 | TF, 19.10.2021, 1B_404/2021*

Un préjudice irréparable, condition pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision incidente (art. 93 al. 1 let. a LTF), est notamment reconnu lorsque la loi prévoit expressément la restitution ou la destruction immédiate des moyens de preuves illicites. Tel n’est pas le cas en matière de recherches secrètes illicites. 

Faits

De source confidentielle, la Police de sûreté du canton de Vaud apprend qu’un individu utilisant un certain numéro de téléphone vend probablement de la cocaïne. Elle entreprend des investigations et des surveillances qui lui permettent d’identifier l’individu.

Un policier téléphone à l’utilisateur du numéro de téléphone et simule une transaction en lui donnant rendez-vous. L’individu qui se présente et qui lui vend un « parachute » de cocaïne s’avère être la personne soupçonnée.

Informé par la police, le Ministère public cantonal ordonne la perquisition du domicile de l’individu ainsi que son audition. Lors de celle-ci, l’individu admet qu’il consomme et vend de la cocaïne.

Le Ministère public ouvre alors une instruction pénale contre l’individu pour délit contre la LStup et séjour illégal. Il requiert également sa mise en détention provisoire auprès du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc). Celui-ci l’accorde pour une durée maximale de trois mois.… Lire la suite