Publications par Tobias Sievert

La légitimation active de la masse dans une action en responsabilité

ATF 142 III 23 | TF, 10.12.2015, 4A_425/2015*

Faits

En manque de liquidités, Swissair demande un sursis concordataire qui débouche sur l’adoption d’un concordat par abandon d’actifs. Avant l’introduction de la procédure concordataire, le conseil d’administration de Swissair effectue le paiement de plusieurs créances en faveur de tiers.

En lien avec ces paiements, les liquidateurs forment une action en responsabilité contre le conseil d’administration auprès du tribunal de commerce de Zurich qui refuse de leur reconnaître la qualité pour agir en réparation d’un dommage subi par les créanciers. Les liquidateurs saisissent le Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur la qualité pour agir de la masse concordataire lorsque le dommage est supporté par les créanciers, et non par la société.

Droit

Dans la liquidation concordataire, la masse peut, par l’intermédiaire de ses liquidateurs, former une action en responsabilité pour le dommage qui se manifeste auprès de la société lorsque le conseil d’administration agit de manière contraire à ses devoirs (art. 757 al. 1 CO et art. 325 LP).

En l’occurrence, le paiement des créances litigieuses par le conseil d’administration diminue dans une même mesure les actifs et les passifs de Swissair. L’opération n’affecte donc pas le patrimoine de la société qui reste inchangé.… Lire la suite

L’ordre de démonter une pompe à chaleur et la protection contre le bruit

ATF 141 II 476 | TF, 18.11.2015, 1C_82/2015*

Faits

Un propriétaire obtient une autorisation de construire un immeuble qui prévoit un emplacement intérieur pour une pompe à chaleur. Une fois la parcelle bâtie, il s’est avéré que la pompe à chaleur est installée à l’extérieur du bâtiment et que celle-ci est bruyante.

La commune ordonne la démolition de l’installation. Cette décision est confirmée par les instances cantonales qui considèrent que, bien que les valeurs de planification soient respectées, la mise en place de l’installation n’est pas conforme au principe de prévention et contraire au permis de construire octroyé.

Le propriétaire forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si, d’une part, l’installation est conforme au droit de l’environnement et, d’autre part, si l’ordre de démolir est proportionné.

Droit

Au plan cantonal, lorsqu’un projet est exécuté contrairement à l’autorisation de construire, l’autorité doit examiner si le projet peut éventuellement être autorisé (art. 51 al. 4. let. b de la loi cantonale valaisanne sur les constructions). Dans cet examen, il s’agit d’analyser si le projet est conforme aux exigences du droit de l’environnement.

La pompe à chaleur est une installation fixe nouvelle dont l’exploitation produit du bruit (art.Lire la suite

La notification fictive d’une décision dans le cas d’une garde de courrier par la Poste

ATF 141 II 429 | TF, 26.11.2015, 1C_115/2015*

Faits

Les CFF soumettent des plans à l’approbation de l’Office fédéral des transports (OFT). Lors de la procédure d’approbation et de la mise à l’enquête publique, un administré forme une opposition, qui est rejetée par l’OFT le 20 décembre 2013.

Par acte du 5 février 2014, l’administré recourt au Tribunal administratif fédéral (TAF). Il ressort de l’instruction que la décision de l’OFT est arrivée à la Poste du domicile de l’administré le 24 décembre 2013. La Poste n’a toutefois pas livré le courrier au recourant ni même tenté de le faire, car celui-ci avait demandé à la Poste de garder son courrier en raison de vacances.

En raison de cette demande de garde, le document a été conservé par la Poste jusqu’au 6 janvier 2014, date à laquelle il a effectivement été retiré par le recourant. Le TAF considère que la tentative infructueuse de distribution est intervenue au plus tard le 24 décembre 2013, et non le 6 janvier 2014. Par conséquent, le délai pour recourir est arrivé à échéance le 3 février 2014 et le recours, déposé le 6 février 2014, est tardif.

L’administré forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir quand une tentative infructueuse de distribution au sens de l’art.Lire la suite

La restriction de la liberté des médias dans une procédure pénale

ATF 141 I 211 | TF, 06.11.2015, 1B_169/2015*

Faits

Lors d’une procédure pénale, un juge unique prononce une décision qui impose aux chroniqueurs judiciaires de préserver l’anonymat du prévenu, en interdisant notamment de publier son nom, des photos le concernant, son âge et son domicile. La violation de la décision est sanctionnée par une amende d’ordre de 1000 francs.

Contre cette décision, un chroniqueur judiciaire recourt à l’Obergericht du canton de Zurich qui admet partiellement le recours.

Le chroniqueur judiciaire interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si la décision du juge unique repose sur une base légale.

Droit

La liberté des médias est garantie (art. 17 Cst.). La décision du juge unique interdisant au chroniqueur judiciaire de publier des informations sur le prévenu est une ingérence dans la liberté des médias, dont la restriction nécessite une base légale (art. 36 Cst.). Une restriction grave doit reposer sur une base légale claire et précise résultant d’une loi au sens formel.

L’art. 69 CPP concrétise l’art. 30 al. 3 Cst. et consacre le principe de la publicité des débats. Du fait que les citoyens ne peuvent assister de manière permanente aux débats, c’est aux médias de les retranscrire dans leurs chroniques judiciaires afin de rendre la justice transparente au public.… Lire la suite

Les frais de procédure d’un prévenu d’assassinat

ATF 141 IV 465

Faits

Un prévenu alcoolisé frappe à maintes reprises sa compagne avec un couteau jusqu’à sa mort. Leur enfant commun est touché plusieurs fois par le couteau lors de l’incident.

Le Berzirksgericht Kreuzlingen condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 15 ans pour meurtre et tentative de meurtre. Les frais de procédure, qui s’élèvent à 150’000 francs, sont mis à charge du prévenu. Sur appel joint du ministère public, l’Obergericht du canton de Thurgovie condamne le prévenu pour assassinat et tentative de meurtre à une peine privative de liberté de 18 ans.

Le prévenu interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit notamment se prononcer sur la répartition des frais de procédure.

Droit

Parmi les frais de procédure mis à charge du prévenu, 135’000 francs font partie de frais engendrés par l’instruction. Le Tribunal fédéral considère que l’instance précédente a réparti ces frais sans motivation suffisante, car de nombreux débours individuels qui se trouvent sur la liste des frais du ministère public ne peuvent être qualifiés sans autre analyse de frais de procédure au sens de l’art. 422 CPP.

Quant aux frais engendrés par la détention provisoire et celle pour motifs de sûreté, le Tribunal fédéral considère, en interprétant la genèse des art.Lire la suite