Entrées par Célian Hirsch

Les conditions de détention à Champ-Dollon et les fouilles des détenus

ATF 141 I 141 | TF, 07.04.2015, 6B_14/2014*

Faits

Soupçonné d’avoir commis plus d’une dizaine de cambriolages, un prévenu est placé en détention provisoire dans la prison de Champ-Dollon à Genève. Sept mois plus tard, il dépose une demande de mise en liberté en se plaignant des conditions de détention et fait une demande en indemnisation. Ses demandes sont refusées par la Cour de justice.

Il interjette alors un recours en matière pénale contre ce jugement. Outre son acquittement, il demande une indemnisation pour son tort moral subi à cause des conditions de détention et pour les fouilles à nu dont il a systématiquement fait l’objet.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question de savoir si les conditions de détention ainsi que les fouilles à nu qu’a subi le requérant contreviennent aux art. 3 CEDH7 Cst. et 3 CPP.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler sa  nouvelle jurisprudence (ATF 140 I 125) concernant les conditions de détention minimales devant être respectées afin d’éviter une atteinte à la dignité humaine du détenu au sens de l’art. 3 CEDH (interdiction de la torture). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait considéré qu’un détenu disposant d’une cellule avec un espace individuel de 4 m2 ne subissait pas un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’art.Lire la suite

Un statut Facebook peut-il être une menace alarmant la population (CP 258) ?

ATF 141 IV 215 | TF, 08.04.2015, 6B_256/2014*

Faits

Alors qu’il vient de rater son examen de maturité et qu’il est déçu de n’avoir reçu que peu de messages Facebook pour son anniversaire, un jeune publie un statut Facebook dans lequel il indique “Je vous anéantis tous (…) PAN ! ! ! PAN ! ! ! PAN ! ! !” (traduction libre du suisse-allemand). Ce statut est visible pour ses 290 amis ainsi que les amis de ceux qui likent ce statut.

Le Ministère public zurichois le condamne pour “Menaces alarmant la population” au sens de l’art. 258 CP. Suite à un recours, le juge unique, puis l’Obergericht le condamnent uniquement pour tentative de menaces alarmant la population. L’Obergericht retient que le cercle de personnes qu’il atteint avec son statut Facebook ne peut être considéré comme un cercle privé, mais, au contraire, que la menace est faite publiquement (jugement de l’Obergericht zurichois du 25.11.2013, SB130371). Le jeune recourt alors au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral doit trancher la question de savoir si une menace générale publiée sur Facebook peut tomber sous le coup de l’art. 258 CP.

Droit

L’art. 258 CP prévoit que “Celui qui aura jeté l’alarme dans la population par la menace ou l’annonce fallacieuse d’un danger pour la vie, la santé ou la propriété sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire”.… Lire la suite

La violation de l’obligation d’informer l’assureur (CP 146 et LPC 31)

ATF 140 IV 206

Faits

Un accidenté est au bénéfice de diverses rentes. Sa femme reçoit une somme d’argent en héritage, ce dont il n’informe pas le Service des prestations complémentaire du canton de Genève (SPC). En 2012, lorsque ce service l’apprend, il lui demande la restitution de montants reçus entre 2005 et 2012. L’accidenté recourt auprès de la Cour de justice en invoquant la péremption du droit au remboursement des prestations reçues avant 2007, argument accepté par cette Cour.

Le SPC interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Selon lui, puisque les conditions de l’infraction de l’art. 146 al. 1 CP (escroquerie) ou, subsidiairement, de l’art. 31 al. 1 let. d LPC (manquement à l’obligation de communiquer) seraient remplies, le délai de péremption pénal s’appliquerait.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question de l’application de l’art. 146 al. 1 CP ou, subsidiairement, de l’art. 31 al. 1 let. d LPC lorsqu’un assuré ne communique pas un changement de circonstances.

Droit

L’art. 24 al. 2 LPGA dispose que le droit de demander la restitution de prestations indûment touchées s’éteint au plus tard cinq ans après le versement de la prestation, sauf si un délai plus long est prévu par le droit pénal.… Lire la suite

La preuve dans le contrôle spécial (CO 697b I)

ATF 140 III 610

Faits

Deux actionnaires, détenant chacun 20 % de participations d’une SA, exercent une action auprès du Handelsgericht zurichois afin de désigner un contrôleur spécial au sens de l’art. 697b CO. Selon eux, lors de la dernière assemblée générale (AG), ils n’auraient pas reçu les informations demandées concernant une vente de participations exercée par la direction de la SA en violation de l’art. 717 al. 1 CO.

Le Handelsgericht admet l’action et nomme un contrôleur spécial. La SA exerce alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral : le Handelsgericht aurait dû exiger que le degré de preuve soit celui de la certitude, et non celui de la simple vraisemblance afin de pouvoir admettre que les conditions de l’action étaient remplies.

Le Tribunal fédéral doit alors se prononcer sur les conditions du droit au contrôle spécial au sens de l’art. 697b CO et sur le degré de preuve à apporter par le demandeur sur les conditions d’un tel contrôle.

Droit

Afin de pouvoir demander l’instauration d’un contrôleur spécial, l’art. 697a al. 1 CO prévoit comme condition que l’actionnaire ait “déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces” conformément à l’art.Lire la suite

Le Dirt-Bike, une entreprise téméraire ?

ATF 141 V 37 | TF, 19.01.2015, 8C_762/2014*

Faits

Une personne assurée à la SUVA se fracture le poignet à cause d’un accident de Dirt-Bike. La SUVA réduit son indemnité journalière de 50 % en considérant que l’accident était dû à une entreprise téméraire selon l’art. 50 OLAA.

L’assuré recourt au Tribunal cantonal de Lucerne et obtient gain de cause. La SUVA exerce alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.

Celui-ci doit trancher la question de savoir si le Dirt-Bike peut être qualifié d’entreprise téméraire.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que l’entreprise téméraire peut être soit absolue soit relative. Doit être qualifié d’entreprise téméraire absolue, un acte dangereux qui ne mérite pas de protection ou un acte qui provoque un danger tellement important pour le corps ou la vie qu’il ne peut être réduit dans une mesure raisonnable, même dans des circonstances favorables. Doit être qualifié d’entreprise téméraire relative un acte dont les risques objectifs n’ont pas été réduits dans une mesure raisonnable par l’assuré, alors même qu’on pouvait l’exiger de lui.

Pour définir le Dirt-Bike, le Tribunal fédéral se réfère à Wikipédia : le but de ce sport consiste à faire des acrobaties les plus spectaculaires lors d’un saut avec son vélo.… Lire la suite