Publications par Camille de Salis

La LLCA et les sanctions disciplinaires pour des faits ne relevant pas de l’activité professionnelle de l’avocat·e: quelques rappels

TF, 19.02.2025, 2C_420/2024

Le fait qu’un·e avocat·e agisse à titre privé n’empêche pas, en fonction des circonstances, des sanctions disciplinaires au sens de la LLCA.

Faits

En avril 2021, un avocat bénéficie du classement d’une procédure conduite à son encontre par l’Autorité de surveillance des avocates et avocats de la République et canton de Neuchâtel. Dans le courrier de classement, l’Autorité de surveillance souligne toutefois que l’avocat s’est adressé à des policiers d’une manière inutilement blessante et l’invite à modérer ses propos.

En octobre 2021, l’Autorité de surveillance reçoit copie d’un courrier adressé par un Conseiller communal en charge de la sécurité à l’avocat précité afin de dénoncer son attitude. En substance, l’avocat est en conflit depuis un mois avec un policier.

Le conflit commence lors d’une intervention du policier sur la voie publique, à laquelle l’avocat se mêle. Peu de temps après, le même policier amende l’avocat, dont le véhicule était stationné de manière irrégulière. En réaction à ces faits, l’avocat envoie huit courriels à diverses autorités ou employés communaux, tous depuis son adresse professionnelle, afin d’obtenir l’identité du policier et de se plaindre de son comportement. Le policier y est, parmi un florilège d’autres désignations, qualifié de « fou furieux » et de « fieffé menteur ».… Lire la suite

Le recours contre les décisions et ordonnances visées par l’art. 319 lit. b ch. 1 CPC

TF, 19.02.2025, 4A_623/2024*

Lorsque le recours est prévu par la loi au sens de l’art. 319 lit. b ch. 1 CPC, la décision notifiée de manière indépendante contre laquelle une partie ne recourt pas ne peut plus être contestée par les voies de droit ouvertes contre la décision finale.

Faits

Une société anonyme accorde un prêt à un particulier. Ce dernier ne paie plus les mensualités convenues, si bien que la société prêteuse ouvre action contre lui pour recouvrer la somme restante.

Le Bezirksgericht zurichois accorde la mainlevée provisoire à hauteur de CHF 25’031, intérêts en sus. Le poursuivi intente une action en libération de dette. Par décision du 12 août 2022, le Bezirksgericht rejette sa demande d’assistance judiciaire, motif pris que la cause est dépourvue de chances de succès. Le demandeur ne recourt pas contre cette décision. Par jugement du 8 avril 2024, le Bezirksgericht rejette l’action au fond.

Le demandeur saisit l’Obergericht, demandant notamment l’annulation de la décision du 12 août 2022 et l’octroi de l’assistance judiciaire pour la procédure de première instance. L’Obergericht n’entre pas en matière sur son recours contre la décision du 12 août 2022, le considérant comme tardif.… Lire la suite

La demande de révision suite à la condamnation de la Suisse par la CourEDH dans l’affaire Jann-Zwicker et Jann

TF, 19.02.2025, 4F_22/2024

Le Tribunal fédéral admet la demande de révision (art. 122 LTF) des requérants ayant obtenu gain de cause devant la CourEDH dans l’affaire Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (dies a quo du délai de prescription absolu et dommages différés en lien avec l’amiante). Il renvoie la cause à l’instance inférieure pour nouvel examen.

Faits

Entre 1961 et 1972, un enfant est régulièrement exposé à l’amiante. En effet, son domicile se trouve à proximité immédiate de l’usine de la société Eternit AG, qui transforme des minéraux d’amiante fibreux en panneaux d’amiante-ciment. Diagnostiqué d’un mésothéliome pleural malin (maladie typique de l’amiante) en 2004, il décède en 2006.

L’épouse et le fils du défunt saisissent successivement les juridictions nationales, et se voient à chaque fois opposer l’exception de prescription. En effet, selon la jurisprudence fédérale, la prescription commence à courir avec l’acte ou l’omission qui a causé le dommage, indépendamment du fait que les conséquences dommageables ne se soient produites que plus tard.

Les requérants saisissent enfin la CourEDH. À la suite de la condamnation de la Suisse pour violation de l’art. 6 § 1 CEDH (affaire Jann-Zwicker et Jann c.Lire la suite

La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale

TF, 21.11.2024, 6B_696/2023*

L’art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF empêche le Ministère public de recourir par-devant le Tribunal fédéral sans un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt n’est pas donné lorsque le recours du Ministère public porte sur la validité de la plainte pénale.

Faits

En janvier 2020, plusieurs manifestant·e·s pour la cause climatique occupent une succursale d’UBS AG et déversent du charbon dans le hall central. Le charbon s’infiltre dans les stries du marbre blanc, conduisant à d’importants travaux de nettoyage. Par l’intermédiaire de son directeur régional, UBS AG dépose une plainte pénale contre les manifestant·e·s.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne considère que la plainte pénale n’est pas valable et libère sept personnes prévenues des chefs d’accusation de dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le Tribunal de police condamne cependant les manifestant·e·s pour d’autres infractions.

Le Ministère public saisit la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, contestant l’acquittement des manifestant·e·s pour les chefs d’accusation de dommages à la propriété et de violation de domicile, au motif que la plainte déposée par UBS AG était valable.… Lire la suite

L’amiante et le droit suisse de la prescription: nouveau camouflet par la CourEDH

CourEDH, 13.02.2024, Affaire Jann-Zwicker et Jann c. Suisse, requête 4976/20

Dans les circonstances exceptionnelles propres aux victimes de l’exposition à l’amiante, l’application des délais de prescription absolus par les autorités suisses (en particulier la manière de déterminer le dies a quo) a eu pour effet de restreindre le droit d’accès à un tribunal des requérants au point de porter atteinte à l’essence même de ce droit. Il y a donc eu violation de l’art. 6 § 1 CEDH.

Faits

Entre 1961 et 1972, Marcel Jann vit avec ses parents à Niederurnen (GL), dans une maison appartenant à la société Eternit AG, à proximité immédiate de l’usine de la société. Des minéraux d’amiante fibreux y sont transformés en panneaux d’amiante-ciment. Au cours de cette période, Marcel Jann est régulièrement exposé à l’amiante. D’une part, les émissions de poussière de l’usine entrent par les fenêtres de sa chambre à coucher. De l’autre, il joue souvent sur et autour des panneaux et des tuyaux utilisés par l’usine Eternit. En outre, il assiste régulièrement au déchargement des sacs d’amiante à la gare.

Marcel Jann quitte Niederurnen à l’âge de 19 ans et n’est plus exposé à l’amiante par la suite, laquelle est interdite en Suisse en 1989.… Lire la suite