Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

Le changement de compétence des tribunaux en cours de procédure en cas de déménagement d’un enfant à l’étranger

ATF 143 III 193 | TF, 23.03.2017, 5A_619/2016*

Faits

Deux parents non mariés et séparés ont l’autorité parentale conjointe sur leur fille. La mère est au bénéfice de la garde exclusive sur l’enfant.

Sur requête de la mère, l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant de Berne l’autorise à modifier le lieu de résidence de la fille à Bonn en Allemagne. Elle retire l’effet suspensif de tout recours qui pourrait être entrepris contre cette décision. Partant, aussitôt après que cette décision a été rendue, la mère et la fille déménagent à Bonn.

Le Tribunal cantonal bernois déclare le recours du père contre cette décision irrecevable faute d’être compétent.

Le père recourt contre cet arrêt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le déménagement de la mère et la fille en Allemagne a pour effet de priver le père de for juridique en Suisse.

Droit

Pour répondre à la question qui lui est soumise, le Tribunal fédéral se fonde sur la Convention de la Haye de 1996 concernant notamment la compétence en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH96 ; RS 0.211.231.011).

Il ressort de l’art. 5 al. 2 CLaH96 qu’ «en cas de changement de la résidence habituelle de l’enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle».… Lire la suite

Une facture peut-elle constituer un titre de mainlevée définitive?

ATF 143 III 162 | TF, 27.02.2017, 5A_432/2016*

Faits

La SUVA fait notifier à un poursuivi un commandement de payer, lequel est frappé d’opposition totale. Comme cause de l’obligation, le commandement de payer mentionne une facture.

Considérant que cette facture constitue un titre de mainlevée définitive, la SUVA formule une requête dans ce sens qui est rejetée en première instance. Sur recours, le Tribunal cantonal confirme le jugement de première instance estimant que la facture produite par la SUVA ne constitue pas un titre de mainlevée définitive.

La SUVA forme recours au Tribunal fédéral qui est amené à déterminer si une facture de la SUVA peut constituer un titre de mainlevée définitive.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la loi assimile à des jugements et donc à des titres de mainlevée définitive les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP), principe rappelé, pour le droit des assurances sociales, à l’art. 54 al. 2 LPGA.

Prenant le contre-pied d’une partie de la doctrine, le Tribunal fédéral relève qu’on ne saurait dénier d’emblée la qualité de titre de mainlevée définitive à une facture d’une autorité administrative.

D’après la jurisprudence, il faut entendre par «décision administrative» au sens de l’art.Lire la suite

Le dépassement par la droite des cyclistes

ATF 143 IV 138 | TF, 14.03.2017, 6B_164/2016*

Faits

En tournant à droite, le conducteur d’un semi-remorque heurte un cycliste qui décède. Le cycliste roulait derrière le camion remorque et a souhaité le devancer par la droite alors que le camion avait enclenché son indicateur de direction droit au moins 20 mètres avant de bifurquer.

Le conducteur de semi-remorque est reconnu coupable en première et deuxième instances cantonales d’homicide par négligence. Il recourt au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si le comportement du conducteur du camion était constitutif de l’infraction d’homicide par négligence (art. 117 CP) et en particulier si le conducteur de camion a fait preuve d’une imprévoyance coupable (art. 12 al. 3 CP).

Droit

Pour répondre à cette question, le Tribunal fédéral se réfère pour l’essentiel à l’art. 35 al. 3 LCR qui dispose que « [c]elui qui dépasse doit avoir particulièrement égard aux autres usagers de la route, notamment à ceux qu’il veut dépasser » et à l’art. 42 al. 3 OCR qui dispose que « [l]es cyclistes peuvent devancer une file de véhicules automobiles par la droite lorsqu’ils disposent d’un espace libre suffisant ».

Se référant à sa jurisprudence, il relève également que le principe de la confiance (déduit de l’art.Lire la suite

Les critères pour la concession d’un monopole d’affichage (art. 2 al. 7 LMI)

ATF 143 II 120 – TF, 06.03.2017, 2C_880/2015, 2C_885/2015*

Faits

La commune de Lausanne lance un appel d’offres pour renouveler une concession portant sur le monopole d’affichage de la commune.

Notamment pour des motifs de politique sociale, la commune octroie par décision la concession à une société zurichoise. Sur recours du soumissionnaire évincé, le Tribunal cantonal annule la décision communale et lui octroie la concession.

La société zurichoise recourt au Tribunal fédéral lequel doit déterminer quels sont les critères pertinents pour la concession d’une activité de monopole.

Droit

Pour répondre à cette question le Tribunal fédéral procède à une interprétation de l’art. 2 al. 7 LMI lequel dispose que « la transmission de l’exploitation d’un monopole cantonal ou communal à des entreprises privées doit faire l’objet d’un appel d’offres et ne peut discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse ».

Il commence par confirmer sa jurisprudence selon laquelle la procédure d’appel d’offres à laquelle l’art. 2 al. 7 LMI fait référence n’a pas pour conséquence de subordonner l’octroi des concessions de monopole à l’ensemble de la réglementation applicable en matière de marchés publics et que ne sont visées par cette disposition que certaines garanties procédurales minimales.… Lire la suite

Le Martini blanc et rouge sont-ils de l’alcool?

ATF 143 II 409 – TF, 03.02.2017, 2C_364/2015, 2C_425/2015*

Faits

La société Bacardi-Martini SA commercialise en Suisse les Martinis Rosso et Bianco aromatised wine based drink. Ces deux boissons présentent un volume d’alcool de 14,3% et contiennent du vin, lequel est traité selon un procédé de congélation.

Par décision, la Régie Fédérale des Alcools (RFA) a considéré que les Martinis Rosso et Bianco étaient soumis à la loi sur les alcools (LAlc) et a assujetti ces produits à une imposition de CHF 29.- par litre d’alcool pur. Sur recours de Bacardi-Martini SA, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a réduit de moitié ce montant (CHF 14.50 par litre d’alcool pur).

La RFA forme un recours contre cette décision devant le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si les Martinis Rosso et Bianco sont soumis à la loi sur les alcools et le cas échéant, à quel taux d’imposition ils doivent être soumis.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral examine si les Martinis Rosso et Bianco sont soumis à la LAcl. Il rappelle que la Confédération est compétente pour légiférer en matière de fabrication, d’importation et de vente d’alcool obtenu par distillation et que dans cette perspective, elle tient compte en particulier des effets nocifs de la consommation d’alcool (art.Lire la suite