L’invalidation d’une initiative populaire cantonale sur la taxation progressive des dépenses publicitaires

TF, 07.11.2025, 1C_413/2024

Une atteinte à la liberté économique ne respecte pas le principe de la proportionnalité lorsque la progressivité d’une taxe ne permet pas d’établir un lien suffisant entre l’atteinte portée à cette garantie et l’objectif poursuivi par la taxe. Dans ce cas, la taxe est impropre à atteindre le but visé.

Faits 

Une initiative populaire cantonale intitulée « Pour une taxe progressive sur les dépenses publicitaires indécentes » vise à introduire dans la Constitution du canton de Vaud une disposition prévoyant une taxe sur les dépenses publicitaires, dans le but de protéger la population et l’environnement. La taxe est perçue proportionnellement aux dépenses publicitaires engagées, selon un barème progressif (0 % pour la tranche comprise entre CHF 1 et 10 000 ; 25 % entre CHF 10 000 et 100 000 ; 50 % entre CHF 100 000 et 1 000 000 ; et, 100 % pour le surplus).

Le Conseil d’État du canton de Vaud constate la validité de l’initiative. Plusieurs électeurs vaudois saisissent la Cour constitutionnelle du canton de Vaud, laquelle admet le recours et constate la nullité de l’initiative. Elle a considéré que l’initiative portait une atteinte disproportionnée à la liberté économique.

Le comité d’initiative, ainsi que d’autres citoyens, interjettent alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’initiative est conforme au droit supérieur, singulièrement à l’art. 27 Cst.

Droit 

L’art. 113 al. 1 de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques (LEDP) prévoit qu’avant d’autoriser la récolte de signatures, le Conseil d’État statue sur la validité de l’initiative et en constate la nullité si elle est contraire au droit supérieur ou si elle viole l’unité de rang, de forme ou de matière. L’examen se fonde principalement sur l’interprétation du texte proposé. Conformément au principe in dubio pro populo, l’interprétation conforme doit permettre d’éviter autant que possible les déclarations d’invalidité.

La liberté économique (art. 27 Cst.) protège notamment le droit de faire de la publicité. Elle garantit également l’égalité de traitement entre les personnes appartenant à une même branche économique interdisant ainsi les mesures étatiques qui entraînent une distorsion de la concurrence entre concurrents directs. Les impôts spéciaux frappant une activité économique donnée qui seraient prohibitifs ne sont pas compatibles avec la liberté économique. Ils ne sont pas prohibitifs tant que leur montant n’empêche pas la réalisation d’un bénéfice convenable dans le commerce ou la branche en question, en rendant impossible ou excessivement difficile l’exercice de la profession.

En l’espèce, l’impôt institué par l’initiative vise de manière générale la publicité commerciale. Cet impôt impacterait toutefois plus spécifiquement le secteur publicitaire. En taxant à 50 % les dépenses publicitaires supérieures à CHF 100 000 et à 100 % celles dépassant CHF 1 000 000, elle implique une augmentation massive du budget publicitaire pour les annonceurs. Dès lors, le Tribunal fédéral examine si cette atteinte respecte le principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Sous l’angle de l’aptitude, selon les recourants, l’initiative poursuit le but d’améliorer la santé et le bien-être de la population en préservant celle-ci de l’exposition à de la publicité et en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à freiner le changement climatique. Une réduction de la publicité est, dans une certaine mesure, propre à atteindre ces objectifs. Il s’agit toutefois d’une généralité. En effet, les émissions de gaz à effet de serre sont liées plus particulièrement à l’achat de biens de consommation produits à l’étranger, lesquels sont induits par des habitudes de consommation.

Dans ce contexte, la taxation d’entreprises n’ayant pas leur siège dans le canton de Vaud, alors même qu’elles sont à l’origine d’une part appréciable de la consommation locale entretenue par de la publicité, pose des problèmes évidents de détermination de l’assiette de l’impôt ainsi que de perception. De plus, l’imposition prévue par l’initiative ne distingue pas entre les modes de consommation les plus problématiques ni entre les produits ayant l’impact climatique le plus élevé. Il n’est à cet égard nullement démontré que les campagnes publicitaires aux budgets les plus élevés soient celles qui présentent une efficacité publicitaire supérieure, ni qu’elles portent sur des modes de consommation systématiquement liés à des produits ou services ayant un impact climatique particulier.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral estime que le caractère fortement progressif de la taxe ne permet pas, à lui seul, de garantir la proportionnalité de la mesure. Dès lors, la taxe prévue par l’initiative apparaît impropre à atteindre le but visé. Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Margaux Collaud, L’invalidation d’une initiative populaire cantonale sur la taxation progressive des dépenses publicitaires, in: https://lawinside.ch/1664/