La suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale
La suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale est justifiée lorsqu’une autre procédure, présentant une question juridique de principe identique, est pendante au Tribunal fédéral et dont l’arrêt déterminera à titre préjudiciel la transmission des informations dans la procédure en cours.
Faits
L’Administration fédérale des contributions (AFC) accorde l’assistance administrative en matière fiscale au fisc néerlandais au sujet de deux contribuables (cf. art. 26 CDI CH-NL).
Les contribuables forment un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Ils sollicitent la suspension de la procédure, au motif qu’une procédure est pendante au Tribunal fédéral dans laquelle celui-ci est amené à trancher la même question de droit que celle qui se pose dans la présente procédure. Il s’agit de savoir si l’état requérant, avant de formuler une demande de renseignements, doit utiliser tous les moyens de procédure disponibles en droit interne avant de formuler la demande, ou s’il doit seulement épuiser les moyens usuels (principe de subsidiarité ; cf. ch. XVI Ad art. 26 let. a du Protocole additionnel).
Par une décision incidente, le TAF prononce la suspension de la procédure. Contre cette décision, l’AFC forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci est amené à se prononcer sur l’admissibilité de la suspension de la procédure d’assistance administrative.
Droit
Le recours est formé contre la décision du TAF de suspendre la procédure. Il s’agit d’une décision incidente qui ne peut faire l’objet d’un recours que si elle cause un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Il doit s’agir d’un préjudice juridique, qui ne peut être réparé ultérieurement par une décision favorable au recourant. La prolongation de la durée de la procédure n’est en principe pas considérée comme un préjudice juridique irréparable. Cela étant, si la durée de la procédure porte atteinte au principe de célérité, alors une entrée en matière est justifiée (art. 29 al. 1 Cst. ; art. 6 § 1 CEDH). Tel est en particulier le cas en matière d’assistance administrative, étant donné les enjeux internationaux et le fait que le principe de célérité soit spécifiquement consacré dans la version allemande de l’art. 4 al. 2 LAAF. L’AFC, en tant qu’autorité chargée d’exécuter l’assistance administrative (art. 2 al. 1 LAAF), est tenue de garantir le respect du principe de célérité. Dans ce sens, la décision de suspension du TAF porte une atteinte juridique à l’obligation de l’AFC de mener une procédure conforme au principe de célérité. Elle est donc susceptible de recours selon l’art. 93 al. 1 let. a LTF.
Pour être recevable, le recours doit encore présenter une question juridique de principe (art. 84a LTF). En l’occurrence, le Tribunal fédéral n’a jamais tranché la question de savoir si la suspension de la procédure d’assistance administrative dans l’attente du jugement d’une autre procédure violait le principe de célérité selon l’art. 4 al. 2 LAAF. Cette question revêt d’une importance pratique particulière et constitue donc une question juridique de principe au sens de l’art. 84a LTF.
Sur le fond, le Tribunal fédéral estime que la suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale devrait par principe être évitée compte tenu des enjeux internationaux d’une telle procédure et de l’exigence particulière de célérité en la matière (cf. art. 29 al. 1 Cst. et art. 4 al. 2 LAAF). À titre exceptionnel, une suspension peut toutefois être prononcée si elle repose sur des motifs sérieux et qu’elle ne prolonge pas substantiellement la durée de la procédure. Il est justifié de suspendre une procédure lorsqu’une autre procédure, présentant une question juridique de principe identique, est pendante au Tribunal fédéral et dont l’arrêt à venir déterminera à titre préjudiciel la transmission des informations dans la procédure en cours.
En l’espèce, une autre procédure est pendante au Tribunal fédéral dans laquelle la question en lien avec le principe de subsidiarité sera tranchée. Il s’agit d’une question juridique de principe, identique à celle qui se pose dans la présente procédure, raison pour laquelle le TAF a suspendu la procédure. La suspension repose donc sur des motifs sérieux, étant donné que la décision du TAF dans la présente procédure sera déterminée par l’arrêt du Tribunal fédéral à venir.
La suspension de la procédure est dès lors compatible avec l’art. 4 al. 2 LAAF.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Note
L’arrêt résumé ci-dessus a été confirmé par le Tribunal fédéral dans deux arrêts du 18 mai 2020 2C_814/2019 et 2C_815/2019. Le Tribunal fédéral se prononcera sur l’étendue du principe de subsidiarité dans les causes 2C_493/2019 et 2C_514/2019.
Proposition de citation : Tobias Sievert, La suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale, in: https://lawinside.ch/921/