L’imputation de la détention provisoire sur une mesure ambulatoire

ATF 145 IV 359TF, 12.8.2019, 6B_375/2018*

L’imputation de la détention avant jugement sur une mesure au sens des art. 56 ss CP ne réduit pas nécessairement la durée de la mesure en question. La durée de la détention avant jugement peut par ailleurs également être imputée sur une mesure ambulatoire au sens de l’art. 63 CP. Dans ce cadre, le juge dispose d’un important pouvoir d’appréciation pour déterminer la manière dont cette imputation doit avoir lieu. Le droit à une éventuelle indemnisation s’apprécie ex post.  

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale, un prévenu effectue 292 jours de détention avant jugement. Au terme de la procédure, le Tribunal d’arrondissement de Winterthur renonce à toute peine en raison de l’irresponsabilité du prévenu au moment des faits (art. 19 al. 1 CP) et ordonne un traitement ambulatoire (art. 63 al. 1 CP). Il alloue également au prévenu un montant de CHF 14’600 à titre d’indemnisation pour la détention avant jugement effectuée.

Ce jugement ayant été confirmé par le Tribunal cantonal du canton de Zurich, le Ministère public central zurichois recourt auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la détention avant jugement peut être imputée sur une mesure ambulatoire au sens de l’art. 63 CP.

Droit

Contrairement aux instances cantonales, qui ont fondé à tort l’indemnisation allouée au prévenu sur l’art. 429 CPP, le Tribunal fédéral base son raisonnement sur l’art. 431 al. 2 CPP. Cette norme prévoit un droit à l’indemnisation lorsque la durée de la détention avant jugement a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d’autres infractions. Tel est le cas lorsque la durée de la détention avant jugement excède la durée de la sanction prononcée.

Dans l’ATF 141 IV 236 (résumé in LawInside.ch/44), relatif à une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel la détention avant jugement peut être imputée sur une mesure privative de liberté au sens des art. 56 ss CP. Dans ce cadre, l’imputation ne doit toutefois pas nécessairement être comprise comme un raccourcissement de la mesure, mais bien plus comme une imputation pro forma, sans effet sur la durée de la mesure prononcée.

Le Tribunal fédéral détermine ensuite pour la première fois l’applicabilité de l’art. 431 al. 2 CPP aux traitements ambulatoires au sens de l’art. 63 CP. Il constate ainsi que l’art. 431 al. 2 CPP se réfère aux sanctions dans leur ensemble, lesquelles comprennent notamment les mesures ambulatoires. Il souligne également que, dans la mesure où les mesures ambulatoires et la détention avant jugement visent toutes deux à prévenir la commission de nouvelles infractions, rien n’empêche qu’une imputation soit effectuée, pour autant que la mesure ambulatoire ait un effet privatif de liberté dans le cas concret.

Reste à examiner la mesure dans laquelle la détention avant jugement doit être imputée sur la mesure ambulatoire. Le Tribunal fédéral effectue ici un parallèle avec les principes relatifs à l’imputation d’un traitement ambulatoire sur la peine (art. 63b al. 4 CP). Dans ce cadre, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation important et l’imputation doit se faire en fonction de la restriction à la liberté individuelle entraînée par la mesure ambulatoire dans le cas concret.

En définitive, une indemnisation n’est donc envisageable que s’il apparaît ex post que la durée de la privation de liberté entraînée par la mesure ambulatoire est inférieure à la durée de la détention avant jugement. En l’espèce, l’arrêt attaqué ne permet pas d’estimer la restriction à la liberté impliquée par la mesure ambulatoire, ni de connaître la durée de celle-ci. Dès lors, la question d’une éventuelle indemnisation du prévenu devra le cas échéant être tranchée dans le cadre d’une procédure ultérieure indépendante (art. 363 CP).

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours du Ministère public.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, L’imputation de la détention provisoire sur une mesure ambulatoire, in: https://lawinside.ch/835/