Le droit aux relations personnelles avec l’enfant en faveur de tiers (art. 274a CC)

TF, 14.10.2024, 5A_359/2024*

L’art. 274a CC n’exclut pas, si des circonstances particulières le justifient, de prévoir des modalités d’exercice du droit de visite en faveur d’un tiers correspondant à celles du droit de visite usuel accordé en pratique par les tribunaux aux parents d’un enfant.

Faits

Des parents se séparent avant la naissance de leur fils. La mère retourne alors vivre avec son père et ses frères et sœurs. Dans le cadre d’une action alimentaire, les parents conviennent que l’autorité parentale sur l’enfant serait conjointe et que la garde en serait exclusivement confiée à la mère, le père bénéficiant d’un droit de visite.

Quelques années plus tard, la mère apprend qu’elle souffre d’un cancer. Avec sa sœur et son père, elle saisit l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) d’une requête urgente tendant à ce que le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant soit retiré aux deux parents et que l’enfant soit placé à son domicile dans l’attente du résultat d’une enquête sociale. Sa démarche vise à ce qu’après son décès, l’enfant réside auprès de sa famille maternelle, à savoir dans l’environnement qu’il connaissait depuis sa naissance. Par décision de mesures superprovisionnelles, l’APEA retire le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant à ses parents et le fixe au domicile de sa mère.… Lire la suite

Le risque de récidive qualifié de l’art. 221 al. 1bis CPP


TF, 25.06.2024, 7B_583/2024 et 7B_653/2024*

Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP permet de prononcer la détention provisoire en présence d’un risque de récidive qualifié. La jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral reste applicable: la détention provisoire est admissible sans antécédents avérés sur la base d’un fort soupçon de commission d’un crime ou d’un délit grave et en présence d’un risque « inacceptablement élevé » de récidive dans un avenir proche (p. ex. dans les mois à venir).

Faits

Suite à l’interpellation d’un prévenu, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud place celui-ci en détention provisoire en raison d’un risque de récidive. Le prévenu est soumis à une expertise psychiatrique qui décèle plusieurs pathologies chroniques et persistantes en lien avec les faits reprochés.

Les infractions reprochées sont les suivantes : lésions corporelles simples qualifiées (art. 123 ch. 2 al. 2 et 3 CP), remise à des enfants de substances pouvant mettre en danger leur santé (art. 136 CP), contrainte (art. 181 CP), actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 al. 1 à 3 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP), ainsi que violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art.Lire la suite

L’extinction anticipée du droit à l’allocation de maternité suite à la reprise d’une activité lucrative

TF, 3.10.24, 9C_290/2024*

Pendant la période de 14 semaines de droit à l’allocation de maternité, la mère perd son droit à l’allocation en cas de reprise d’une activité lucrative, même à temps partiel, sauf s’il s’agit d’une activité accessoire marginale. Le salaire de minime importance de l’art. 34d al. 1 RAVS, soit CHF 2’300 par année civile, peut servir de limite au-delà de laquelle une activité accessoire marginale est à considérer comme une activité lucrative menant à l’extinction anticipée du droit à l’allocation de maternité. Cependant, ce montant ne peut pas être considéré comme une franchise et le salaire déterminant de la mère ne peut donc pas être proratisé : c’est le fait de reprendre une activité qui génère un revenu supérieur à CHF 2’300 par année qui est pertinent, et non le montant effectivement généré pendant les 14 semaines suivant l’accouchement. 

Faits

Une conseillère nationale travaillant également comme indépendante donne naissance à un enfant et perçoit une allocation de maternité. En raison de la participation de la conseillère nationale à des séances parlementaires, la caisse de compensation compétente nie le droit à l’allocation de maternité pour la période du 4 au 30 mars 2019. Le Tribunal administratif du canton de Berne rejette le recours de la mère contre cette décision, ce que confirme le Tribunal fédéral (ATF 148 V 253).… Lire la suite

Le droit d’habitation en matière d’impôt sur la fortune

TF, 10.10.2024, 9C_305/2023*

En matière d’impôt sur la fortune, l’immeuble grevé d’un droit d’habitation est attribué à son propriétaire et non pas au titulaire du droit d’habitation. La règle d’attribution fiscale prévue pour l’usufruit (cf. art. 13 al. 2 LHID) ne s’applique pas au droit d’habitation.

Faits

Une contribuable est au bénéfice d’un droit réel d’habitation sur un immeuble. Les enfants de la contribuable sont propriétaires de l’immeuble.

Dans sa taxation, l’Administration fiscale cantonale genevoise attribue l’immeuble à la fortune de la contribuable bénéficiaire du droit d’habitation. La contribuable conteste cette décision.

Sans succès devant les autorités cantonales, la contribuable forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si, en matière d’impôt sur la fortune, l’immeuble est imposable auprès du bénéficiaire du droit d’habitation.

Droit

En matière d’impôt sur la fortune (art. 13 LHID), l’attribution fiscale des biens se fonde en principe sur les rapports de propriété de droit civil. L’art. 13 al. 2 LHID prévoit une règle spécifique d’attribution fiscale, en disposant que la fortune grevée d’usufruit est imposable auprès de l’usufruitier (cf. ég. art. 48 LIPP/GE).

Le Tribunal fédéral se demande si l’art.Lire la suite

L’exception de « marché in state » (art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019)

TF, 24.07.2024, 2C_701/2023*

Un organisme de droit public, lui-même pouvoir adjudicateur, qui n’entre pas en concurrence avec des entreprises tierces car il n’offre pas de prestations sur le marché libre, peut bénéficier de l’exception de « marché in state » (art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019). Sous ces conditions, le droit des marchés publics ne régit pas l’attribution du marché et n’offre aucune voie de droit.

Faits

Les Établissements hospitaliers du Nord vaudois (eHnv), le Réseau Santé du Balcon du Jura.vd (RSBJ) sont des associations de droit privé reconnues d’intérêt public ; l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) constitue quant à lui un établissement autonome de droit public intercantonal. Les trois entités précitées (« les établissements de soins ») offrent diverses prestations de soins ; en 2013, elles créent le « Centre de secours et d’urgences du Nord vaudois et de la Broye » (« CSU-nvb »), organisme qui regroupe les ambulances communes des trois institutions et a pour mission d’organiser l’acheminement des patients dans divers lieux de soin.

Le CSU-nvb effectue la prise en charge préhospitalière dans le Nord Vaudois et dans la Broye. En revanche, le CSU-nvb ne s’occupe que minoritairement de transferts entre hôpitaux ; en général, des entreprises privées s’occupent de ces mandats.… Lire la suite