Suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale avec la Russie

TF, 31.05.2022, 2C_219/2022

En raison du contexte actuel de la guerre en Ukraine, il se justifie de suspendre une procédure d’assistance administrative internationale en matière fiscale initiée par une demande russe. Après quatre mois, la situation devra néanmoins être réexaminée.

Faits

En 2018, la Russie adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à l’Administration fédérale des contributions (AFC) sur la base de l’art. 25a de la Convention de double imposition entre la Suisse et la Russie (CDI CH-RU).

La Russie souhaite obtenir des renseignements sur les comptes bancaires suisses de plusieurs sociétés chypriotes afin d’identifier les véritables bénéficiaires économiques de ces sociétés et le cas échéant de réévaluer l’impôt à la source prélevé par les autorités fiscales russes, suite au versement de dividendes par une société russe à ces sociétés.

En 2019, l’AFC accorde l’assistance administrative à l’autorité compétente russe. Les sociétés chypriotes forment un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui le rejette et confirme l’octroi de l’assistance administrative.

Les sociétés chypriotes recourent contre l’arrêt du TAF auprès du Tribunal fédéral et exigent la suspension de la procédure. Le Tribunal fédéral doit déterminer si une suspension de la procédure d’assistance administrative en matière fiscale avec la Russie s’avère nécessaire compte tenu de la guerre actuelle en Ukraine.Lire la suite

Le secret commercial ou industriel en matière d’assistance administrative internationale  

ATF 148 II 336TF, 19.05.2022, 2C_481/2021*

La notion de secret commercial ou industriel (art. 26 par. 3 let. c MC OCDE) doit être comprise de manière restrictive. Il s’agit de faits ou circonstances d’une importance économique considérable, dont la révélation peut conduire à un grave préjudice. Le fait qu’un renseignement vraisemblablement pertinent soit couvert par le secret permet à l’Etat requis de refuser d’échanger ce renseignement, mais ne lui interdit pas de le faire.

Faits

L’autorité fiscale péruvienne adresse à l’Administration fédérale des contributions (AFC) une demande d’assistance administrative en matière fiscale visant une société péruvienne. Le Pérou sollicite des renseignements au sujet d’un contrat entre la société péruvienne et une société suisse du même groupe qui porte sur la vente de cuivre brut. Il s’agit donc de vérifier le prix de transfert et de s’assurer que le bénéfice imposable au Pérou n’a pas été transféré à l’étranger.

L’AFC accorde l’assistance administrative pour les renseignements demandés (contrat de fabrication, acte de règlement, factures, contrats d’achats, etc.). Le Tribunal administratif fédéral (TAF) rejette le recours des sociétés impliquées.

Les sociétés impliquées forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit en particulier se prononcer sur la question de savoir si le secret commercial s’oppose à l’octroi de l’assistance administrative.… Lire la suite

La fixation du loyer initial par le juge

ATF 148 III 209 | TF, 02.05.2022, 4A_554/2021*

Lorsque le juge doit fixer le loyer initial sans pouvoir s’appuyer sur les critères figurant à l’art. 11 OBLF, il doit s’en tenir au loyer payé par le précédent locataire s’il n’existe aucun autre élément de preuve. En présence d’autres éléments tels que des statistiques cantonales ou communales, même insuffisamment différenciées au sens de l’art. 11 al. 4 OBLF, il y a lieu d’en tenir compte et de pondérer les chiffres qui en résultent en fonction des circonstances concrètes.

Faits

Une bailleresse est propriétaire d’une parcelle sur laquelle elle a fait bâtir un nouvel immeuble dans les années 1960. En 2017, des locataires prennent à bail un appartement de quatre pièces situé dans cet immeuble, pour un loyer mensuel de CHF 2’280 plus un acompte de CHF 230 pour les charges. Le précédent locataire payait un loyer mensuel de CHF 1’562 et un acompte de CHF 230 pour les charges depuis 2014. La bailleresse justifie cette augmentation par l’adaptation aux loyers usuels du quartier.

Les locataires contestent le loyer initial devant une commission de conciliation, puis déposent une demande devant le Tribunal des baux du canton de Vaud.… Lire la suite

Étendue de l’autorité de la chose jugée matérielle d’un jugement

TF, 28.04.2022, 4A_525/2021*

L’autorité de la chose jugée matérielle d’un jugement ne s’étend pas aux questions tranchées à titre préjudiciel. Dès lors, la res iudicata ne peut être opposée à une partie qui a omis d’invoquer la violation du contrat à titre de moyen de défense dans le premier procès, à tout le moins lorsque la partie adverse n’a pas pris de conclusion en constatation négative de l’absence de violation du contrat.

Faits

Une banque détient des options sur devises pour le compte d’une société.

En 2018, en raison de fortes turbulences sur le marché des devises, les options détenues par la banque pour le compte de la société présentent un découvert. La banque adresse un appel de marge («margin call»; appel à verser des fonds supplémentaires afin de compléter une couverture) à l’attention de la société. La société ne donne pas suite à cet appel.

Aussi, la banque résilie le contrat et liquide les options détenues pour le compte de la société. La liquidation entraîne un déficit de plusieurs millions d’euros que la banque porte au débit du compte courant de la société. Après cette opération, le compte courant de la société présente un solde négatif d’environ EUR 17’000’000.… Lire la suite

Gestation pour autrui à l’étranger et filiation (1/2): le droit applicable en l’absence d’une décision susceptible de reconnaissance

ATF 148 III 245TF, 07.02.22, 5A_545/2020*

Lorsque, suite à une gestation pour autrui à l’étranger, la filiation de l’enfant avec les parents d’intention a été établie ex lege, retranscrite dans un acte de naissance, et non par décision judiciaire, l’acte de naissance étranger ne constitue pas une décision susceptible de reconnaissance selon l’art. 70 LDIP. En l’absence d’une telle décision, la filiation doit être analysée sous l’angle du droit applicable selon l’art. 68 LDIP.

Faits 

Un couple marié composé d’une ressortissante suisse et turque et d’un ressortissant turc concluent un contrat de gestation pour autrui (GPA) avec une femme géorgienne. En 2019, la mère porteuse donne naissance à des jumeaux issus d’un don de sperme de l’époux ainsi que d’un don d’ovule de l’épouse. Dix jours après la naissance, le couple se rend en Turquie avec les nouveau-nés, lesquels sont enregistrés en tant que ressortissants turcs et enfants des époux. Plus de trois mois après, les époux rentrent en Suisse avec les jumeaux.

Entre temps, l’Ambassade de Suisse en Géorgie a transmis les actes de naissance des jumeaux établis à Tbilissi à l’office de l’état civil du canton de Zurich. Les documents indiquent le couple en tant que parents et la Turquie en tant que nationalité des jumeaux.… Lire la suite