La mise à disposition d’un véhicule à un employé non titulaire du permis de conduire requis
L’employeur à qui un permis de conduire comportant une date de caducité est présenté à l’embauche doit prendre les mesures adéquates pour contrôler que son employé a obtenu le renouvellement du permis de conduire à l’échéance. Dans le cas contraire, il ne doit plus lui mettre un véhicule à disposition. Si ces mesures ne sont pas effectuées et que l’employé utilise le véhicule, l’employeur se rend coupable d’une infraction (art. 95 let. e LCR).
Faits
Un associé au sein d’une entreprise familiale engage un concierge. Cette entreprise dispose d’une douzaine de fourgonnettes de service, confiées aux employés entre 12h et 14h et le soir pour regagner leur domicile. Lors de son engagement, le concierge fournit une copie de son permis de conduire espagnol sur lequel figure une date d’échéance.
Plus de deux ans après son engagement, la police interpelle l’employé alors qu’il conduit un véhicule de l’entreprise. Les agents de police constatent alors que le permis est échu. En première instance, le Tribunal de police du canton de Genève reconnait l’associé coupable de mise à disposition d’un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. e LCR) et l’exempte de toute peine. Sur appel du condamné et d’un appel joint du Ministère public, la Chambre pénal d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise confirme la culpabilité de l’associé et le condamne à une peine pécuniaire. Contre cette décision, l’associé interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral.
Droit
Selon l’art. 95 al. 1 let. e LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque met un véhicule automobile à disposition d’un conducteur dont il sait ou devrait savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances qu’il n’est pas titulaire du permis requis.
L’infraction réprimée par l’art. 95 al. 1 let. e LCR tend à rendre plus difficile l’accès à un véhicule à moteur à une personne ne disposant pas de l’autorisation nécessaire. Elle suppose d’une part de « mettre à disposition » un véhicule. Plus précisément, l’auteur de l’infraction doit avoir cédé l’usage du véhicule. D’autre part, la mise à disposition doit être effectuée en faveur d’une personne qui n’est pas titulaire du permis requis. En ce qui concerne cette seconde condition, il incombe à celui qui met un véhicule à disposition d’une personne de se renseigner sur la titularité et la validité du permis requis. Sur le plan subjectif, il convient de se demander ce que l’auteur savait ou devait savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances.
Plus les rapports de confiance sont étroits entre l’auteur et la personne à qui il met à disposition le véhicule, plus l’exigence de contrôle pourra être atténuée, voire même supprimée. En l’espèce, tel est le cas en raison du climat de confiance qui règne dans l’entreprise familiale et de l’utilisation régulière des véhicules par les employés. Dans une telle configuration, il ne serait en principe pas raisonnablement exigible de contrôler tous les matins que chaque employé dispose encore d’un permis de conduire valable. Plus vraisemblablement, il incomberait aux employés d’informer l’employeur tant qu’aucune circonstance n’est de nature à instiller un doute dans l’esprit de ce dernier.
Toutefois, cette manière de procéder ne peut pas être retenue en l’espèce, dès lors qu’une date de caducité figurait sur le permis espagnol de l’employé. De ce fait, l’employeur était informé, dès la consultation du permis du concierge lors de son embauche, du fait que la situation n’était pas pérenne. Il pouvait donc être attendu de lui qu’il prenne les mesures adéquates pour s’assurer que son employé avait obtenu le renouvellement de son permis de conduire à son échéance et, à défaut, qu’il s’abstienne de lui mettre un véhicule à disposition.
L’employeur a donc agi par négligence (art. 12 al. 3 et 13 al. 2 CP en lien avec l’art. 100 al. 1 LCR) dès lors que l’erreur était facilement évitable. En effet, l’indication de la date de validité du permis de conduire figurait tant sur le recto que sur le verso de celui-ci. L’employeur n’a cependant pas fait de vérification complète du permis de conduire de son employé lors de son embauche ou de manière ultérieure. Il ne s’agit pas d’un cas de négligence de si peu de gravité qu’il se justifie d’exempter le prévenu de toute peine (art. 100 al. 1 2ème phrase LCR).
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours de l’associé.
Proposition de citation : Yoann Stettler, La mise à disposition d’un véhicule à un employé non titulaire du permis de conduire requis, in: https://lawinside.ch/1662/







