Le mariage célébré à l’étranger (art. 45 al. 1 LDIP)

TF, 03.09.2025, 5A_863/2024*

Un mariage ne peut être reconnu sur la base de l’art. 45 al. 1 LDIP que si les deux partenaires font à l’étranger les déclarations nécessaires à la conclusion du mariage.

Faits

En 2017, un citoyen suisse épouse une ressortissante du Bangladesh. Celle-ci prononce ses vœux de mariage en présence de témoins devant une autorité compétente en matière de mariage au Bangladesh, tandis que le premier se trouve en Suisse et formule son consentement au mariage par téléphone.

L’autorité compétente lucernoise rejette la demande de reconnaissance et d’inscription du mariage dans le registre de l’état civil. Le Kantonsgericht rejette le recours contre cette décision. L’intéressé saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le mariage a été valablement célébré à l’étranger au sens de l’art. 45 LDIP.

Droit

Selon l’art. 45 al. 1 1ère phrase LDIP, un mariage valablement célébré à l’étranger est reconnu en Suisse. L’art. 45 al. 2 LDIP prévoit en outre que si l’un des fiancés est citoyen suisse ou si les deux ont leur domicile en Suisse, le mariage célébré à l’étranger est reconnu, à moins qu’ils ne l’aient célébré à l’étranger dans l’intention manifeste d’éluder les dispositions sur l’annulation du mariage prévues par le droit suisse.

En l’espèce, le litige porte sur la question de savoir si le mariage de deux personnes, dont l’une se trouve en Suisse au moment de l’acte officiel et l’autre à l’étranger, doit être considéré comme un mariage célébré à l’étranger et donc être reconnu sur la base de l’art. 45 al. 1 LDIP.

Selon le libellé de la norme, les points de rattachement sont un acte (la conclusion du mariage) et un lieu (à l’étranger). Cela implique que les deux partenaires soient présents en personne devant l’autorité étrangère et fassent leurs déclarations sur place. Par rapport à la version allemande, les textes français («célébré») et italien («celebrato») renvoient à une cérémonie solennelle qui requiert la présence des intéressés. L’interprétation littérale conduit donc à conclure que l’art. 45 al. 1 LDIP ne couvre que les cas où les deux partenaires se trouvent à l’étranger au moment de la conclusion du mariage.

D’un point de vue systématique, il convient d’examiner le lien avec l’art. 44 LDIP. Selon cette disposition, la célébration du mariage en Suisse est régie par le droit suisse. L’art. 44 LDIP constitue en quelque sorte le pendant de l’art. 45 LDIP, dans la mesure où il prescrit impérativement l’application du droit suisse pour les mariages célébrés en Suisse. Comme l’art. 45 LDIP, il lie un acte (le mariage) à un lieu (la Suisse). Il est donc en principe exclu de considérer un mariage conclu en Suisse comme un mariage étranger. Le mariage doit pouvoir être clairement rattaché soit à l’art. 44 LDIP, soit à l’art. 45 LDIP. L’art. 44 LDIP reposant sur l’idée que les actes accomplis en Suisse doivent être soumis au droit suisse, qu’une autorité étrangère soit impliquée ou non, plaide en faveur d’une interprétation restrictive de l’art. 45 LDIP.

Le sens et le but de la réglementation, tels qu’exprimés dans la loi, ne permettent pas de tirer des conclusions claires. L’art. 45 LDIP a pour but de réglementer la reconnaissance des mariages étrangers en Suisse. Le fait qu’il s’agisse d’une solution allant dans le sens du principe favor matrimonii ne signifie toutefois pas nécessairement que le champ d’application de la disposition doive également être déterminé en fonction de cet objectif, en particulier à la lumière de l’art. 44 LDIP.

S’agissant enfin de l’interprétation historique, elle ne permet pas non plus de tirer des conclusions claires. Tout au plus est-il possible d’affirmer que le législateur poursuivait l’objectif de reconnaître dans la mesure du possible les mariages étrangers afin d’éviter les mariages dits « boiteux », soit les mariages dont la validité juridique est évaluée différemment par différents Etats.

En résumé, si l’interprétation littérale et systématique tendent à privilégier l’application de l’art. 45 LDIP uniquement aux cas où les deux époux sont à l’étranger au moment de la conclusion du mariage, l’interprétation téléologique et historique ne permettent pas d’aboutir à des conclusions claires.

Une limitation claire de l’art. 45 al. 1 LDIP aux événements qui se sont déroulés exclusivement à l’étranger facilite l’application du droit et crée une sécurité juridique. Par ailleurs, le principe favor matrimonii ne peut pas sans autre bénéficier de la primauté par rapport à d’autres préoccupations juridiques, comme la lutte contre les mariages simulés ou forcés, qui sont facilités par les techniques de communication actuelles. Il convient donc de privilégier une interprétation restrictive de l’art. 45 al. 1 LDIP et de considérer que le mariage ne peut être reconnu sur cette base que si les deux partenaires font à l’étranger les déclarations nécessaires au mariage.

Il découle de ce qui précède que le mariage n’a pas été conclu à l’étranger au sens de l’art. 45 al. 1 LDIP, puisque le recourant se trouvait alors en Suisse et sa partenaire au Bangladesh. Il ne peut donc pas être reconnu sur la base de cette disposition et inscrit dans le registre de l’état civil conformément à l’art. 32 al. 1 LDIP cum art. 23 al. 1 OEC.

Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Camille de Salis, Le mariage célébré à l’étranger (art. 45 al. 1 LDIP), in: https://lawinside.ch/1649/