L’exclusion d’une condamnation pénale du détenteur d’un véhicule sur la base de l’art. 7 al. 5 LAO

TF, 16.12.2024, 7B_545/2023*

Lorsque l’auteur d’une infraction à la LCR ne peut être identifié, le détenteur du véhicule ne peut être condamné pénalement sur la base de l’art. 7 al. 5 LAO. Cette disposition, de nature administrative, institue une responsabilité subsidiaire pour le paiement d’une amende d’ordre en cas d’impossibilité d’identifier l’auteur effectif de l’infraction aux règles de la circulation routière.

Faits 

Le détenteur d’un véhicule se voit notifier une amende d’ordre pour un excès de vitesse de 16 km/h. Il ne donne pas suite à l’amende d’ordre.

Le Service des contraventions de Genève rend une ordonnance pénale à son encontre, contre laquelle l’intéressé forme opposition en contestant être l’auteur de l’infraction.

Le Tribunal de police de la République et canton de Genève le reconnaît coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et le condamne à une amende d’ordre de CHF 240. Sur recours, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève confirme la décision de l’autorité de première instance. Toutefois, il est établi en procédure cantonale que le recourant n’est pas l’auteur de l’excès de vitesse litigieux.

Le détenteur du véhicule interjette alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le recourant peut être condamné pour violation simple des règles de la circulation routière sur la base de l’art. 90 al. 1 LCR cum art. 27 al. 1 LCR, et plus particulièrement de l’art. 7 al. 5 LAO.

Droit 

La Cour cantonale a expressément reconnu que le recourant n’était pas l’auteur de l’infraction au sens de l’art. 90 al. 1 LCR, tout en le reconnaissant coupable en raison de sa qualité de détenteur du véhicule sur la base de l’art. 7 al. 5 LAO. En effet, le recourant n’a pas communiqué l’identité du conducteur fautif, bien que cela eût pu être fait sans efforts disproportionnés. Selon le recourant, la possibilité de lui imputer l’amende d’ordre repose sur sa responsabilité causale, prévue par l’art. 7 al. 5 LAO, et non sur le fait qu’il serait coupable d’une infraction à l’art. 90 al. 1 LCR.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que les amendes d’ordre sont en principe infligées pour des contraventions (art. 103 CP) et que, par conséquent, les principes généraux du CP s’appliquent, sous réserve des règles spéciales prévues dans la LAO. Ainsi, selon l’art. 1 al. 1 lit. a ch. 7 LAO, est puni d’une amende d’ordre selon une procédure simplifiée quiconque commet une contravention mentionnée dans la LCR, dans la mesure où l’infraction en question figure sur les listes visées à l’art. 15 LAO.

En particulier, l’art. 7 al. 5 LAO dispose que si l’identité de la personne qui a commis l’infraction ne peut être établie sans efforts disproportionnés, le détenteur du véhicule obtient un délai de 30 jours pour payer l’amende, sauf s’il peut faire valoir de manière convaincante dans la procédure pénale ordinaire que son véhicule a été utilisé indépendamment de sa volonté et qu’il avait pris toutes les mesures de diligence nécessaires pour l’empêcher. Cette réglementation est adaptée aux infractions de mobilité douce, notamment aux excès de vitesse inférieurs à 20 km/h hors des localités. Au vu du caractère mineur de ce type d’infractions, il serait en effet disproportionné déployer des efforts considérables pour identifier l’auteur de l’infraction.

Le Tribunal fédéral poursuit en exposant que le point litigieux est de savoir s’il est conforme au principe de la culpabilité d’imposer au détenteur du véhicule non seulement l’obligation de payer l’amende à la place du conducteur responsable, mais également une condamnation pour une infraction à l’art. 90 al. 1 LCR qu’il n’a pas matériellement commise.

Le principe de culpabilité présuppose une responsabilité individuelle clairement imputable pour infliger une sanction pénale. La jurisprudence, rendue en dehors du contexte de l’art. 7 al. 5 LAO, retient que la responsabilité pénale ne peut en principe pas être transférée. S’agissant plus particulièrement de la procédure des amendes d’ordre, la jurisprudence a confirmé la validité du principe de culpabilité.

Dès lors, attribuer un caractère pénal à l’art. 7 al. 5 LAO n’est pas compatible avec la jurisprudence. Par ailleurs, les travaux préparatoires ne démontrent pas que le législateur ait voulu s’écarter de la jurisprudence établie. Contrairement à ce qu’a retenu la Cour cantonale, le législateur n’a pas voulu, dans le cas où le conducteur fautif ne peut pas être identifié, imputer la responsabilité pénale du conducteur au détenteur formel du véhicule.

Partant, il convient d’attribuer le caractère d’une responsabilité subsidiaire de nature administrative à l’art. 7 al. 5 LAO. En effet, bien que figurant dans un acte législatif au caractère pénal, la disposition relève d’une logique administrative. Le Tribunal fédéral effectue à cet égard un parallèle avec les dispositions de droit administratif prévoyant une responsabilité subsidiaire, par exemple dans le domaine du droit de l’impôt immobilier, où plusieurs dispositions cantonales prévoient une responsabilité subsidiaire de l’acquéreur d’un immeuble lorsque l’aliénateur contribuable ne paie pas l’impôt dû. L’art. 7 al. 5 LAO est plutôt l’expression de l’obligation du devoir de renseigner sur l’identité du conducteur, obligation découlant de l’acceptation de la législation sur la circulation routière. Le non-respect de cette obligation entraîne donc une créance relevant du droit administratif à l’encontre du détenteur.

Le Tribunal fédéral conclut que la Cour cantonale a violé le droit fédéral. L’art. 7 al. 5 LAO permet uniquement de condamner le détenteur du véhicule au paiement de l’amende, mais ne permet pas de le condamner pénalement pour une infraction qu’il n’a matériellement pas commise. Cette disposition permet uniquement, après avoir constaté qu’une violation simple des règles de la circulation a été commise et qu’elle n’a pas pu être attribuée personnellement à aucun conducteur, de condamner le détenteur au paiement de l’amende due pour l’excès de vitesse en question.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours du détenteur du véhicule.

Proposition de citation : Margaux Collaud, L’exclusion d’une condamnation pénale du détenteur d’un véhicule sur la base de l’art. 7 al. 5 LAO, in: https://lawinside.ch/1572/