L’exploitabilité des preuves issues d’une recherche préventive secrète
La condition posée par l’art. 298b al. 1 let. a CPP n’interdit pas les recherches secrètes ordonnées par la police avant l’acquisition d’un soupçon de la commission d’un crime ou d’un délit, pour autant que celles-ci se fondent sur une base légale cantonale suffisante et respectent le principe de proportionnalité.
Faits
Une personne publie une annonce sur un site internet intitulée « Daddy cherche Jeune Homme ». Il est contacté par un mineur indiquant être âgé de 14 ans. Après une série d’échanges, ils conviennent d’un rendez-vous dans un hôtel. Le jour du rendez-vous, cette personne est arrêtée par la police. Le mineur était en fait un agent œuvrant dans le cadre d’une recherche préventive secrète ordonnée par la Police cantonale.
Le Juge de police de la Glâne, par jugement du 13 septembre 2023, reconnaît le prévenu coupable, entre autres, de tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants. Le jugement est confirmé par le Tribunal cantonal. Le prévenu forme alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral doit déterminer si l’art. 298b al. 1 CPP autorise des recherches secrètes en amont de l’acquisition d’un soupçon laissant présumer la commission d’un crime ou d’un délit.
Droit
Pendant la phase d’investigation policière, la police peut ordonner des recherches secrètes aux conditions de l’art. 298b CPP. L’art. 298b al. 1 let. a CPP exige l’existence d’un soupçon laissant présumer qu’un crime ou un délit a été commis. Cette condition ne doit pas être interprétée restrictivement, la loi n’exigeant rien de plus qu’un soupçon. Lorsque des recherches policières secrètes sont effectuées en amont de l’acquisition de ce soupçon, celles-ci demeurent licites si elles respectent les conditions de l’art. 36 Cst., particulièrement l’exigence d’une base légale suffisante (art. 36 al. 1 Cst.) et le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). En effet, la condition posée par l’art. 298b al. 1 let. a CPP ne vise pas à interdire toute recherche préventive de la police, mais avant tout à délimiter le champ d’application du CPP des dispositions cantonales.
Dans le cas d’espèce, la police s’est fondée sur l’art. 33b al. 1 LPol/FR pour ordonner les recherches préventives secrètes. Le recourant n’alléguant pas que cette disposition ne constituerait pas une base légale suffisante au sens de l’art. 36 al. 1 Cst., le Tribunal fédéral se limite à contrôler le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; art. 106 al. 2 LTF).
S’agissant de la première composante du principe de proportionnalité, le Tribunal fédéral a établi, de jurisprudence constante, que les recherches préventives secrètes constituent des mesures aptes au maintien de l’ordre et à la prévention des abus sexuels sur les mineurs.
L’analyse de la deuxième composante du principe de proportionnalité, à savoir la nécessité de la mesure, ne doit pas s’effectuer au regard du caractère préventif des mesures mais uniquement au regard des moyens déployés. Or, les recherches préventives apparaissent, sous cet angle, porter une atteinte moins importante aux droits individuels que les investigations secrètes.
S’agissant de la dernière composante du principe de proportionnalité, la proportionnalité au sens strict, le Tribunal fédéral retient que les recherches préventives secrètes constituent des mesures visant non seulement à satisfaire aux obligations internationales de la Suisse (en part. l’art. 30 al. 5 de Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels [Convention de Lanzarote ; RS 0.311.40]) mais également la prévention générale des infractions ainsi que la protection des mineurs. Au regard de leur importance, ces intérêts publics doivent être considérés comme manifestement prépondérants.
Pour le surplus, le Tribunal fédéral écarte l’argument selon lequel le recourant aurait été incité par l’agent infiltré à commettre une infraction en violation de l’art. 293 al. 1 CPP en lien avec l’art. 298c al. 2 CPP. En effet, c’est l’annonce du recourant qui a suscité les interrogations fondées de la police, entraînant ainsi la prise de contact. Aucune provocation ne peut être par ailleurs être décelée dans les échanges, le recourant n’ayant, en particulier, jamais cherché à mettre fin aux échanges même lorsque son interlocuteur lui a indiqué son âge.
Les preuves recueillies lors de la recherche préventive secrète étant exploitables, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Simon Pfefferlé, L’exploitabilité des preuves issues d’une recherche préventive secrète, in: https://lawinside.ch/1562/