Le rejet de l’acte d’accusation en procédure simplifiée (art. 360 al. 2 CPP)
L’opposition de la partie plaignante à l’acte d’accusation en procédure simplifiée est limitée aux éléments affectant ses droits, tels que les prétentions civiles ou les infractions retenues. Les autres aspects, notamment relatifs à la peine, ne peuvent faire l’objet d’une opposition.
Faits
À la suite d’une agression devant une discothèque, plusieurs individus se portent parties plaignantes en raison de lésions corporelles simples subies. Le Ministère public du canton du Valais ouvre une instruction contre plusieurs prévenus et contre inconnu.
Un des prévenus sollicite la mise en œuvre d’une procédure simplifiée (art. 358 ss CPP). La cause à l’égard de ce prévenu est disjointe des autres en prévision de la procédure simplifiée. Le Ministère public valaisan envoie l’acte d’accusation aux parties. Deux parties plaignantes s’y opposent, invoquant notamment la nécessité d’un procès unique en procédure ordinaire. Elles estiment également que le projet d’acte d’accusation ne reflète pas la gravité des faits. Le prévenu, quant à lui, accepte l’acte d’accusation.
Le Ministère public du Valais considère les oppositions des parties plaignantes comme inopérantes et transmet l’acte d’accusation au Tribunal du district de Sierre. Ce dernier condamne le prévenu à la peine requise dans l’acte d’accusation. Les parties plaignantes font appel de cette décision sans succès : le Tribunal cantonal valaisan confirme le jugement de l’instance inférieure. Elles introduisent alors un recours au Tribunal fédéral, qui est chargé de statuer sur l’étendue du droit de la partie plaignante de s’opposer à l’acte d’accusation dans le cadre d’une procédure simplifiée.
Droit
L’art. 360 al. 2 CPP prévoit qu’en procédure simplifiée, les parties doivent déclarer dans les 10 jours à compter de la réception de l’acte d’accusation si elles l’acceptent ou le rejettent. À ce jour, le Tribunal fédéral ne s’est jamais prononcé sur la question de l’étendue de ce droit et la doctrine est divisée sur ce sujet.
La doctrine majoritaire, ainsi que le Tribunal pénal fédéral, estiment que l’opposition de la partie plaignante ne peut concerner que les aspects de l’acte d’accusation qui affectent ses droits et pour lesquels elle aurait, en procédure ordinaire, un intérêt juridique à former un recours. Cela inclut notamment les prétentions civiles, mais également les infractions retenues. En revanche, cette opposition ne peut porter ni sur la peine ni sur les infractions commises au préjudice d’autres parties plaignantes. Dans ces derniers cas, l’opposition est jugée inopérante et irrecevable.
Le Tribunal fédéral rappelle le pluralisme pragmatique dont il fait preuve pour rechercher le sens véritable de la norme. D’un point de vue téléologique, accorder un droit de veto absolu à la partie plaignante irait à l’encontre des principes d’économie de procédure et de célérité. D’un point de vue systématique, dans la mesure où la partie plaignante n’a pas le droit de se prononcer sur la peine en procédure ordinaire, il serait incohérent de lui accorder ce droit en procédure simplifiée. Ce raisonnement doit être étendu à tous les aspects de l’acte d’accusation qui ne concernent pas les droits de la partie plaignante, tels que la peine ou la mesure prononcée ou les infractions aux dépens d’autres parties.
Le Tribunal fédéral se rallie ainsi à l’opinion de la doctrine majoritaire et du Tribunal pénal fédéral. En l’espèce, il relève que les parties plaignantes n’ont ni annoncé leurs prétentions civiles ni motivé leurs oppositions avec des aspects de l’acte d’accusation susceptibles d’avoir une incidence sur leurs droits. L’intérêt juridique dont elles auraient prétendument disposé n’a pas non plus été exposé. En substance, elles se sont opposées à la conduite d’une procédure simplifiée et à la disjonction des procédures contre les deux prévenus, en faisant valoir uniquement des éléments pouvant influer sur la peine, tels que la gravité des faits. De plus, les parties plaignantes ne sont pas privées de leur possibilité de faire valoir des conclusions civiles ; elles sont simplement renvoyées devant le juge civil pour ce faire.
Enfin, les parties plaignantes font valoir que l’art. 360 al. 3 CPP n’exige pas de motiver l’opposition à l’acte d’accusation, et que leur choix de motiver leur opposition ne devrait pas nuire à leur situation procédurale. Le Tribunal fédéral considère ce grief comme infondé. En effet, la direction de la procédure peut clarifier ultérieurement la portée des éléments contestés par la partie plaignante afin d’analyser la recevabilité de l’opposition, si celle-ci n’était pas ou insuffisamment motivée.
Fort de ces constats, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme que les oppositions des parties plaignantes sont inopérantes.
Proposition de citation : Sébastien Picard, Le rejet de l’acte d’accusation en procédure simplifiée (art. 360 al. 2 CPP), in: https://lawinside.ch/1536/