La compétence pour ordonner le traitement institutionnel en milieu fermé

ATF 142 IV 1 | TF, 22.10.2015, 6B_708/2015*

Faits

Une mesure thérapeutique institutionnelle est prononcée à l’encontre d’un délinquant. Par la suite, l’autorité d’exécution des peines et mesures ordonne l’exécution de cette mesure dans un établissement fermé.

Le condamné conteste sans succès l’exécution en milieu fermé devant les instances cantonales.

Le Tribunal fédéral doit déterminer si le placement dans un établissement fermé relève de l’exécution de la mesure, et peut à ce titre être décidé par une autorité administrative, ou s’il constitue au contraire une mesure distincte qui doit être prononcée par le juge.

Droit

Les conditions du prononcé d’un traitement institutionnel sont prévues à l’art. 59 al. 1 CP. Aux termes de l’art. 59 al. 3 CP, ce traitement s’effectue dans un établissement fermé tant qu’il y a lieu de craindre que l’auteur s’enfuie ou commette de nouvelles infractions. Il convient d’interpréter l’art. 59 al. 3 CP pour déterminer la nature juridique du traitement institutionnel en milieu fermé.

La référence à un élément temporel dans la lettre de cette disposition (« tant qu’il y a lieu de craindre… ») indique que la décision doit être adaptée en cas de changement de circonstances, ce qui nécessite une certaine flexibilité.… Lire la suite

La conversion en PPL d’une amende administrative

ATF 141 IV 407 | TF, 10.09.15, 6B_600/2015*

Faits

L’Administration fédérale des contributions (AFC) inflige une amende de 3’600 francs à un contribuable pour soustraction d’impôt. Le contribuable refusant de s’acquitter de l’amende, l’AFC requiert des tribunaux pénaux la conversion de l’amende en une peine privative de liberté de substitution de trois mois. Les tribunaux cantonaux prononcent une peine privative de liberté de 20 jours en cas de non-paiement fautif de l’amende. L’AFC forme recours en matière pénale au Tribunal fédéral.

Il s’agit de déterminer si la conversion en peine privative de liberté d’une amende prononcée par une autorité administrative est régie par le droit pénal administratif ou par la partie générale du Code pénal.

Droit

L’art. 10 DPA prévoit qu’un jour de privation de liberté sera compté pour trente francs d’amende, la peine de substitution maximale étant de trois mois. En vertu de la partie générale du Code pénal (CP), par opposition, le juge fixe la peine de substitution en fonction de la faute de l’auteur.

Les instances cantonales ont retenu que la partie générale du CP, révisée en 2006, primait les règles de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA) en vertu du principe de la primauté de la lex posterior.… Lire la suite

L’escroquerie dans un groupe de sociétés

ATF 141 IV 369 | TF, 17.08.2015, 6B_462/2014*

Faits

Rolf Erb ainsi que d’autres membres de sa famille sont les propriétaires et les administrateurs de quatre sociétés holding qui possèdent chacune plusieurs sociétés-filles. Il lui est notamment reproché d’avoir obtenu des prêts bancaires pour certaines sociétés de ce groupe à l’aide de comptes annuels manipulés, de façon à couvrir les pertes de sociétés déficitaires du groupe.

L’intéressé est condamné en deuxième instance pour escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP).

Il recourt au Tribunal fédéral, lequel doit en particulier déterminer si l’instance précédente est tombée dans l’arbitraire (art. 9 Cst.) en s’intéressant uniquement à la situation économique individuelle de chaque société, sans tenir compte de l’évaluation de la situation de l’ensemble du groupe.

Droit

L’infraction d’escroquerie (art. 146 CP) est réalisée, s’agissant en particulier d’un crédit obtenu par escroquerie (« Kreditbetrug »), lorsque l’emprunteur trompe astucieusement son prêteur sur sa capacité de remboursement et les garanties financières qu’il peut offrir. Il y a un dommage patrimonial dès que la prétention apparaît comme sérieusement mise en péril ou d’une valeur très inférieure à ce qui est fait croire au prêteur.… Lire la suite

La définition du fonctionnaire dans le Code pénal

ATF 141 IV 329TF, 19.08.2015, 6B_1110/2014*

Faits

Entre 2000 et 2010, il est reproché à un prévenu, qui travaillait pour la Caisse de pensions du canton de Zurich, d’avoir commis des actes de corruption et d’avoir ainsi causé un dommage de plus de 45 millions à cette Caisse. Le Tribunal de première instance condamne le prévenu pour corruption passive à plusieurs reprises (art. 322quater CP), gestion déloyale des intérêts publics à plusieurs reprises (art. 314 CP), de blanchiment d’argent (art. 305bis CP) et de violation du secret de fonction (art. 320 CP) à une peine privative de liberté de 6 ans et 3 mois ainsi qu’au paiement d’une amende de 6’000 francs.

Le Tribunal cantonal, sur recours du prévenu et du Ministère public, confirme le jugement, mais réduit la peine à 6 ans de prison et le condamne à des jours-amende avec sursis à la place de l’amende. Le prévenu recourt au Tribunal fédéral en argumentant notamment qu’il n’était pas un fonctionnaire au sens de l’art. 110 al. 3 CP. En effet, à partir de 2004, la Caisse serait sortie de la structure cantonale. De plus, il aurait uniquement géré les intérêts des assurés de la Caisse à l’exclusion d’intérêts publics, ce qui empêcherait de le qualifier de fonctionnaire.… Lire la suite

Les conditions de détention à Champ-Dollon et les fouilles des détenus

ATF 141 I 141 | TF, 07.04.2015, 6B_14/2014*

Faits

Soupçonné d’avoir commis plus d’une dizaine de cambriolages, un prévenu est placé en détention provisoire dans la prison de Champ-Dollon à Genève. Sept mois plus tard, il dépose une demande de mise en liberté en se plaignant des conditions de détention et fait une demande en indemnisation. Ses demandes sont refusées par la Cour de justice.

Il interjette alors un recours en matière pénale contre ce jugement. Outre son acquittement, il demande une indemnisation pour son tort moral subi à cause des conditions de détention et pour les fouilles à nu dont il a systématiquement fait l’objet.

Le Tribunal fédéral doit alors trancher la question de savoir si les conditions de détention ainsi que les fouilles à nu qu’a subi le requérant contreviennent aux art. 3 CEDH7 Cst. et 3 CPP.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler sa  nouvelle jurisprudence (ATF 140 I 125) concernant les conditions de détention minimales devant être respectées afin d’éviter une atteinte à la dignité humaine du détenu au sens de l’art. 3 CEDH (interdiction de la torture). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait considéré qu’un détenu disposant d’une cellule avec un espace individuel de 4 m2 ne subissait pas un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’art.Lire la suite