In dubio contra stipulatorem et la formulation d’une clause de résiliation d’un contrat de bail

TF, 24.06.2025, 4A_245/2024

Le Tribunal fédéral rappelle que lorsqu’une clause contractuelle peut, de bonne foi, être comprise de deux manières différentes et que les méthodes d’interprétation ne permettent pas de lever le doute, le principe in dubio contra stipulatorem s’applique.

Faits

Une société anonyme loue un local commercial à une autre société anonyme, selon un contrat daté de novembre 2017. L’article 3 du contrat de bail prévoit que celui-ci est conclu pour une durée de cinq ans, du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2022. Il prévoit également ce qui suit : « Toutefois le locataire aura la possibilité de résilier son bail un an après la date de début du présent bail avec un préavis de six mois avant l’échéance de celui-ci ».

En 2018, l’immeuble change de propriétaire. La locataire en est informée, avec la précision que les conditions contractuelles en vigueur demeurent inchangées.

Par courrier du 6 janvier 2020, la locataire résilie le bail. La société à laquelle la propriétaire a confié la gérance de l’immeuble l’informe qu’elle continue à la tenir responsable de ses obligations contractuelles jusqu’au 30 novembre 2022 ou à la relocation des locaux.

Suite à un état des lieux de sortie et à la remise des clés du local commercial vide, la propriétaire établit une convention de sortie réservant les loyers couvrant la période du 1er août 2020 au 30 novembre 2022.… Lire la suite

La renonciation unilatérale par l’employeur à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence

TF, 26.06.2025, 4A_5/2025*

L’employeur ne peut pas renoncer unilatéralement à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence si le contrat ne le prévoit pas. De même, l’imputation des revenus perçus par l’ancien·ne employé·e durant la période d’interdiction de concurrence n’est possible que si elle a été prévue expressément.

Faits

Une société engage un employé en 2006. Suite à sa promotion au poste de « Country Manager » en 2008, les parties signent un nouveau contrat de travail, prévoyant une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence.

Selon la clause de non-concurrence, l’employé s’engage (traduction libre) à « ne pas accepter, pendant une période de deux ans, une activité directe ou indirecte pour une entreprise concurrente de l’employeur » et à « ne pas créer sa propre entreprise du même type ni à prendre une participation dans une telle entreprise pendant la période susmentionnée et à ne pas exercer d’activité pour le compte d’entreprises tierces dans le domaine d’activité de l’employeur ». En contrepartie, il percevrait, « pendant la durée de la clause de non-concurrence […] une indemnité de carence correspondant à 50% du dernier salaire versé, sans bonus ».

En juin 2021, l’employé résilie son contrat de travail avec effet pour fin décembre 2021.… Lire la suite

La preuve des dommages-intérêts forfaitaires (liquidated damages) en droit suisse

TF, 28.04.2025, 4A_526/2024

Les parties sont libres de régler contractuellement le fardeau de la preuve. Ces dernières peuvent déroger au principe de l’art. 8 CC et dispenser le créancier de prouver l’existence du dommage. Dans un tel cas, le débiteur doit avoir la possibilité d’apporter la preuve de l’absence de dommage. 

Faits 

Deux sociétés concluent un Master Supply Agreement portant sur la vente et la livraison de piles pour appareils auditifs. Ce contrat ne contient aucune quantité minimale de commande, mais prévoit un accord de fourniture exclusive entre les sociétés et une clause de liquidated damages en cas de violation du contrat. Cette clause de forfaitisation dispense les parties de prouver l’étendue du dommage et prévoit une méthode de calcul spécifique afin de calculer l’indemnisation due. 

Plusieurs années après la conclusion du contrat, la société acheteuse réduit ses commandes, puis cesse de s’approvisionner auprès de la société vendeuse, pour s’approvisionner auprès d’une autre société. La société vendeuse estime ainsi que la société acheteuse viole le contrat et réclame les liquidated damages auprès du Handelsgericht de Zurich pour un montant de USD 14’885’536.86 avec intérêts. Le Handelsgericht admet la requête à hauteur de USD 10’963’160.12 avec intérêts. 

La société acheteuse interjette recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se déterminer sur la place des liquidated damages en droit suisse ainsi que sur l’allègement prévu contractuellement du fardeau de la preuve quant à l’existence du dommage. Lire la suite

La qualification comme salaire d’une rémunération dont le montant est fixé à l’avance

TF, 19.02.2025, 4A_506/2023

Une rémunération dont le montant est fixé à l’avance, payable à des échéances déterminées et indépendante de l’appréciation de l’employeur doit être qualifiée de salaire. Pour cette raison, une clause subordonnant le paiement du salaire à la condition que le travailleur soit encore employé à une certaine date est illicite et nulle (art. 20 CO).

Faits

Le 2 septembre 2019, une société engage un travailleur pour un salaire annuel de CHF 448’800. Le contrat prévoit également un bonus discrétionnaire ainsi qu’une indemnité de compensation pour des actions restreintes (Restricted Stock Units ou RSU) non perçues dans son précédent emploi. Cette indemnité de CHF 700’000 est payable en trois tranches égales : la première à l’engagement, la deuxième après 12 mois de service et la troisième après 24 mois de service.

Moins d’une année après l’engagement du travailleur, la société doit licencier collectivement tous ses employés en raison de la dégradation de sa situation financière. Le contrat du travailleur est ainsi résilié au 31 août 2020. Dans ce cadre, la société propose de lui verser un montant comprenant le paiement de la deuxième tranche des RSU. Le travailleur conteste ce montant et réclame également le paiement de la troisième tranche.… Lire la suite

La suppression de l’indemnité forfaitaire en cas d’abandon de poste injustifié (art. 337d al. 2 CO)

TF, 24.06.2025, 4A_533/2024

L’art. 337d al. 2 CO permet au·à la juge de supprimer toute indemnité forfaitaire en cas d’abandon de poste injustifié de l’employé lorsque l’employeur ne subit aucun dommage.

Faits

Un médecin engage une assistante médicale à 100% à compter du 1er septembre 2019. Le salaire mensuel brut est de CHF 4’750, versé treize fois l’an. Le contrat prévoit également des pauses en milieu de journée, dont la durée varie d’au moins un quart d’heure pour une journée de travail de plus de cinq heures à une heure pour une journée de travail de plus de neuf heures.

L’employée effectue ses heures de travail sur quatre jours. Très régulièrement, ses pauses de midi ne sont pas respectées, ce dont l’employeur est conscient puisqu’il prend ses propres pauses au centre médical avec ses employées.

Le médecin fait fréquemment des allusions à caractère sexuel à ses employées. Ainsi, pour encourager leurs amis à effectuer plus de tâches ménagères, il leur a conseillé de les remercier « chaleureusement ». Lorsque l’assistante médicale a commis une petite erreur, il lui a déclaré « Ah vous voulez la fessée ! ». À une autre occasion, il lui a demandé si elle voulait une fessée « tout de suite ou immédiatement ».… Lire la suite