Les conditions générales d’assurance et l’incapacité de travail limitée au poste

TF, 15.09.2025, 4A_193/2025*

Les conditions générales d’assurance ne peuvent pas exclure, de manière générale et sans examen des circonstances concrètes, l’octroi d’un délai transitoire durant laquelle des indemnités journalières seront encore versées en cas d’incapacité de travail limitée au poste. 

Faits

Un technicien en radiologie, travaillant à un taux de 80% depuis mai 2022, est assuré par son employeur auprès d’une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie.

À compter du 27 mars 2023, le technicien en radiologie est en incapacité de travail. Son employeur en informe l’assurance, qui verse des indemnités journalières au technicien. En juin 2023, l’employeur résilie le contrat de travail du technicien.

En juillet 2023, l’assurance fait examiner le technicien par un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Suite à cet examen, par courrier du 26 juillet 2023, l’assurance informe le technicien qu’elle ne lui versera plus d’indemnités à compter du 1er août 2023. À partir de cette date, il serait en effet apte à travailler auprès d’un autre employeur.

Après l’opposition du technicien, l’assurance maintient sa décision. Le technicien ouvre action en paiement contre l’assurance devant le Sozialversicherungsgericht zurichois, réclamant les indemnités pour les mois d’août et septembre 2023. Le Sozialversicherungsgericht donne raison au technicien.… Lire la suite

Les fermetures COVID et le défaut de la chose louée : le TF tranche

TF, 11.09.2025, 4A_37/2025

La fermeture des locaux commerciaux ordonnée par les autorités dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 ne constitue pas un défaut de la chose louée justifiant une réduction du loyer (art. 259a CO). La simple mention dans le contrat de l’usage prévu (« restaurant, bar, club ») n’implique aucune garantie de pouvoir exercer effectivement ce type d’activité pendant toute la durée du bail.

Faits

Une société anonyme loue un local commercial à une autre société. Le bail stipule que le local peut être utilisé comme « restaurant, bar, club ». La locataire y exploite effectivement un club.

À la suite des mesures ordonnées par le Conseil fédéral pour lutter contre l’épidémie de COVID-19, la locataire doit fermer son établissement du 17 mars au 5 juin 2020, puis du 29 octobre 2020 au 25 juin 2021.

Elle demande une réduction du loyer d’au moins 50% pour ces périodes, soit CHF 34’600.55. Les instances cantonales rejettent sa demande. La locataire recourt alors au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la fermeture des locaux commerciaux en raison du COVID-19 constitue un défaut de la chose louée.

Droit

Selon l’art. 259a al. 1 lit.Lire la suite

In dubio contra stipulatorem et la formulation d’une clause de résiliation d’un contrat de bail

TF, 24.06.2025, 4A_245/2024

Le Tribunal fédéral rappelle que lorsqu’une clause contractuelle peut, de bonne foi, être comprise de deux manières différentes et que les méthodes d’interprétation ne permettent pas de lever le doute, le principe in dubio contra stipulatorem s’applique.

Faits

Une société anonyme loue un local commercial à une autre société anonyme, selon un contrat daté de novembre 2017. L’article 3 du contrat de bail prévoit que celui-ci est conclu pour une durée de cinq ans, du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2022. Il prévoit également ce qui suit : « Toutefois le locataire aura la possibilité de résilier son bail un an après la date de début du présent bail avec un préavis de six mois avant l’échéance de celui-ci ».

En 2018, l’immeuble change de propriétaire. La locataire en est informée, avec la précision que les conditions contractuelles en vigueur demeurent inchangées.

Par courrier du 6 janvier 2020, la locataire résilie le bail. La société à laquelle la propriétaire a confié la gérance de l’immeuble l’informe qu’elle continue à la tenir responsable de ses obligations contractuelles jusqu’au 30 novembre 2022 ou à la relocation des locaux.

Suite à un état des lieux de sortie et à la remise des clés du local commercial vide, la propriétaire établit une convention de sortie réservant les loyers couvrant la période du 1er août 2020 au 30 novembre 2022.… Lire la suite

La renonciation unilatérale par l’employeur à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence

TF, 26.06.2025, 4A_5/2025*

L’employeur ne peut pas renoncer unilatéralement à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence si le contrat ne le prévoit pas. De même, l’imputation des revenus perçus par l’ancien·ne employé·e durant la période d’interdiction de concurrence n’est possible que si elle a été prévue expressément.

Faits

Une société engage un employé en 2006. Suite à sa promotion au poste de « Country Manager » en 2008, les parties signent un nouveau contrat de travail, prévoyant une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence.

Selon la clause de non-concurrence, l’employé s’engage (traduction libre) à « ne pas accepter, pendant une période de deux ans, une activité directe ou indirecte pour une entreprise concurrente de l’employeur » et à « ne pas créer sa propre entreprise du même type ni à prendre une participation dans une telle entreprise pendant la période susmentionnée et à ne pas exercer d’activité pour le compte d’entreprises tierces dans le domaine d’activité de l’employeur ». En contrepartie, il percevrait, « pendant la durée de la clause de non-concurrence […] une indemnité de carence correspondant à 50% du dernier salaire versé, sans bonus ».

En juin 2021, l’employé résilie son contrat de travail avec effet pour fin décembre 2021.… Lire la suite

La preuve des dommages-intérêts forfaitaires (liquidated damages) en droit suisse

TF, 28.04.2025, 4A_526/2024

Les parties sont libres de régler contractuellement le fardeau de la preuve. Ces dernières peuvent déroger au principe de l’art. 8 CC et dispenser le créancier de prouver l’existence du dommage. Dans un tel cas, le débiteur doit avoir la possibilité d’apporter la preuve de l’absence de dommage. 

Faits 

Deux sociétés concluent un Master Supply Agreement portant sur la vente et la livraison de piles pour appareils auditifs. Ce contrat ne contient aucune quantité minimale de commande, mais prévoit un accord de fourniture exclusive entre les sociétés et une clause de liquidated damages en cas de violation du contrat. Cette clause de forfaitisation dispense les parties de prouver l’étendue du dommage et prévoit une méthode de calcul spécifique afin de calculer l’indemnisation due. 

Plusieurs années après la conclusion du contrat, la société acheteuse réduit ses commandes, puis cesse de s’approvisionner auprès de la société vendeuse, pour s’approvisionner auprès d’une autre société. La société vendeuse estime ainsi que la société acheteuse viole le contrat et réclame les liquidated damages auprès du Handelsgericht de Zurich pour un montant de USD 14’885’536.86 avec intérêts. Le Handelsgericht admet la requête à hauteur de USD 10’963’160.12 avec intérêts. 

La société acheteuse interjette recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se déterminer sur la place des liquidated damages en droit suisse ainsi que sur l’allègement prévu contractuellement du fardeau de la preuve quant à l’existence du dommage. Lire la suite