Le blanchiment d’argent, l’obligation de communiquer et le principe ne bis in idem

ATF 142 IV 276TF, 24.05.2016, 6B_503/2015*

La seconde partie de cet arrêt, qui traite de la prescription de l’infraction à l’obligation de communiquer, a été résumée ici : www.lawinside.ch/271

Faits

Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une enquête contre un gérant de fortune en raison de soupçons de blanchiment d’argent (art. 305bis CP). L’enquête est suspendue, celle-ci n’ayant pas permis d’établir de manière suffisante l’origine criminelle des fonds. Toutefois, le MPC met une partie des frais de justice à la charge du gérant de fortune. Cette décision est confirmée par le Tribunal fédéral. Une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) est en cours.

En parallèle à cette procédure, le Tribunal pénal fédéral (TPF) reconnaît le gérant de fortune coupable d’infraction à l’obligation de communiquer au sens de l’art. 37 LBA.

Contre le jugement du TPF, le gérant de fortune forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur le principe ne bis in idem.

Droit

L’art. 11 al. 1 CPP consacre le principe ne bis in idem selon lequel aucune personne condamnée ou acquittée en Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivie une nouvelle fois pour la même infraction.… Lire la suite

La perquisition et le droit de ne pas s’auto-incriminer

ATF 142 IV 207TF, 30.05.2016, 1B_249/2015*

Faits

Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une enquête pénale contre UBS pour blanchiment d’argent (art. 305bis cum 102 al. 2 CP). La banque est soupçonnée de ne pas avoir pris toutes les mesures organisationnelles nécessaires afin d’empêcher le paiement par un de ses clients de sommes destinées à corrompre un haut fonctionnaire d’Etat malaisien.

Suite au refus de la banque de remettre certains documents en lien avec cette affaire, le MPC procède à une perquisition. À cette occasion, le MPC met en sûreté un mémorandum que la banque avait rédigé à l’attention de la FINMA. Sur requête d’UBS, les documents sont mis sous scellés. La demande de levée des scellés du MPC est rejetée par le Tribunal des mesures de contraintes bernois (TMC) au motif que le principe nemo tenetur serait violé. Le MPC interjette recours au Tribunal fédéral afin d’obtenir la levée des scellés du mémorandum. Il se pose ainsi en particulier la question de la portée de l’interdiction de s’auto-incriminer en rapport avec la perquisition et le séquestre de documents.

Droit

Le TMC, saisi d’une demande de levée des scellés, doit déterminer, d’une part, si les conditions générales de l’art.Lire la suite

La reformatio in pejus en cas de faits nouveaux (art. 391 al. 2 CPP)

ATF 142 IV 89 – TF, 11.04.2016, 6B_129/2015*

Faits

À la suite de différentes infractions, un prévenu est condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 18 mois ferme. Sur appel du prévenu, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal fribourgeois le condamne à une peine privative de liberté de 30 mois ferme. La Cour motive cette reformatio in pejus par le fait que le prévenu avait fait l’objet d’une autre condamnation, postérieurement au jugement de première instance et dans un autre canton, pour des infractions similaires commises avant le jugement de première instance.

Le prévenu saisit le Tribunal fédéral qui doit préciser la portée de l’art. 391 al. 2 CPP et ainsi la possibilité pour un tribunal d’appel de faire une reformatio in pejus en cas de faits nouveaux.

Droit

L’art. 391 al. 2 CPP pose le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus. Selon cette disposition, « l’autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Elle peut toutefois infliger une sanction plus sévère à la lumière de faits nouveaux qui ne pouvaient pas être connus du tribunal de première instance ».… Lire la suite

La modification d’une sanction pénale au moyen de la rectification du jugement

ATF 142 IV 281TF, 25.05.16, 6B_115/2016*

Faits

Par ordonnance pénale, le ministère public condamne un prévenu étranger à une peine pécuniaire et à une amende pour l’infraction intentionnelle d’activité lucrative sans autorisation de travail et de non-respect intentionnel d’une interdiction d’entrer. Sur opposition du prévenu, le tribunal de première instance le condamne pour activité lucrative sans autorisation par négligence et pour non-respect intentionnel d’une interdiction d’entrer. Il ne prononce toutefois qu’une amende.

Le tribunal de première instance rectifie ensuite son jugement sur la base de l’art. 83 al. 1 CPP, en ce sens que le prévenu est condamné à une amende pour l’exercice de l’activité sans autorisation par négligence (art. 115 al. 1 lit. c en lien avec l’art. 115 al. 3 LEtr) et à une peine pécuniaire pour le non-respect intentionnel d’une interdiction d’entrer (art. 119 al. 1 LEtr). Il justifie ce changement par le fait que le non-respect d’une interdiction d’entrer constitue un délit passible d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire et que le dispositif du jugement ne contenait justement pas de sanction pour ce délit. Le prévenu recourt au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit déterminer dans quelles conditions un tribunal peut modifier une sanction pénale au moyen de l’art.Lire la suite

L’objet de l’appel joint (art. 401 al. 2 CPP)

ATF 142 IV 234TF, 24.05.2016, 6B_251/2016*

Faits

Un prévenu est condamné pour diverses infractions à une peine privative de liberté et au paiement d’une indemnité pour tort moral à une partie plaignante. Contre ce jugement, le prévenu forme un appel afin de contester la peine. La partie plaignante forme un appel joint et demande une augmentation de son indemnité pour tort moral. La Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève déclare l’appel joint irrecevable, en considérant que l’appel joint ne peut pas porter sur les conclusions civiles lorsque l’appel principal ne porte que sur la peine.

Contre cette décision, la partie plaignante forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit ainsi décider si une partie plaignante peut former un appel joint sur l’aspect civil du jugement lorsque l’appel principal ne porte que sur l’aspect pénal.

Droit

En vertu de l’art. 401 al. 2 CPP, l’appel joint n’est pas limité à l’appel principal, sauf si celui-ci porte exclusivement sur les conclusions civiles du jugement.

Le Tribunal fédéral rappelle que, dans l’ATF 140 IV 92, il avait retenu que l’appel joint était délimité par le cadre de l’appel principal.… Lire la suite