L’application extraterritoriale des règles sur le repos des chauffeurs professionnels (OTR 1)

ATF 143 IV 63 | TF, 21.12.16, 6B_1151/2015*

Faits

Lors d’un contrôle routier, les policiers constatent qu’un chauffeur de cars dont le véhicule est immatriculé en Allemagne n’a pas respecté en Suisse, en Pologne et en Allemagne les normes sur le temps de travail et les pauses des conducteurs contenues dans l’Ordonnance sur les chauffeurs (OTR 1). Le ministère public condamne le chauffeur par ordonnance pénale pour les infractions commises en Suisse et à l’étranger. Le Tribunal fédéral doit alors déterminer si les autorités pénales suisses peuvent condamner un chauffeur pour des infractions commises à l’étranger par un véhicule immatriculé à l’étranger.

Droit

En raison du principe de territorialité, la LCR ne s’applique que pour des états de fait qui se sont déroulés en Suisse. L’art. 56 LCR permet toutefois au Conseil fédéral de prévoir par voie d’ordonnance des dispositions spéciales pour les véhicules immatriculés en Suisse, mais circulant à l’étranger et pour les chauffeurs conduisant en Suisse des véhicules immatriculés à l’étranger. Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’OTR 1 qui prévoit des temps de repos minimum pour préserver la santé et la sécurité des conducteurs.

En outre, le Tribunal fédéral relève l’existence de l’Accord européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route (AETR).… Lire la suite

La libération de l’exécution anticipée de la peine (art. 236 CPP)

ATF 143 IV 160TF, 16.02.17, 6B_73/2017*

Faits

Un prévenu se trouve en exécution anticipée de sa peine. En août 2016, l’autorité d’appel le condamne à 4,5 ans de prison ferme et ordonne une mesure ambulatoire. Le ministère public recourt contre la mesure ambulatoire et sollicite une mesure institutionnelle. En octobre et novembre 2016, le prévenu demande sa sortie du régime de l’exécution anticipée. En décembre 2016, la direction de la procédure du tribunal cantonal rejette ses demandes de libération. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral qui doit clarifier les conditions pour mettre un terme à l’exécution anticipée de la peine.

Droit

L’exécution anticipée de la peine (art. 236 CPP) constitue une mesure de contrainte pénale et nécessite une base légale. La détention provisoire et pour des motifs de sûreté requiert de forts soupçons et une des raisons énumérées à l’art. 221 CPP. Le consentement du prévenu ne modifie pas ce régime qui permet une détention avant jugement ; il permet uniquement d’éviter la procédure formelle prévue à l’art. 224 ss CPP.

Dans une jurisprudence antérieure (ATF 104 Ib 24), le Tribunal fédéral avait considéré que le consentement à l’exécution anticipée de la peine était irrévocable.… Lire la suite

Le recours contre la décision de suspension et le préjudice irréparable

ATF 143 IV 175 | TF, 14.02.2017, 1B_401/2016*

Faits

Par ordonnance pénale, le Ministère public reconnaît un prévenu coupable de conduite malgré une incapacité de conduire et le condamne. Sur opposition du prévenu, le Ministère public maintient son ordonnance pénale, n’administre pas de preuves complémentaires et transmet le dossier au tribunal en vue des débats. Celui-ci suspend la procédure et renvoie l’accusation au Ministère public afin qu’il auditionne le prévenu.

L’autorité de deuxième instance déclare irrecevable le recours du Ministère public contre cette décision, faute de préjudice irréparable. Le Ministère public forme un recours en matière pénale contre cet arrêt d’irrecevabilité. Le Tribunal fédéral est ainsi amené à déterminer si la décision du tribunal de première instance de renvoi et de suspension était susceptible de causer un préjudice irréparable.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence en matière de recevabilité des recours contre les ordonnances, décisions, et actes de procédures des tribunaux de première instance (cf. not. ATF 140 IV 202). Selon cette jurisprudence, les décisions contre lesquelles un recours immédiat est exclu en vertu de l’art. 393 al. 1 let. b in fine CPP (en relation avec l’art. 65 al. 1 CPP) ne concernent non pas celles prises par la direction de la procédure, mais celles relatives à la marche de la procédure.… Lire la suite

Les frais suisses de la procédure pénale classée à l’étranger

ATF 143 IV 91 | TF, 13.12.2016, 6B_1217/2015*

Faits

Un ressortissant allemand fait l’objet d’une instruction pénale dans le canton de Zug. A la suite du déménagement du prévenu en Allemagne, les autorités pénales allemandes assument la poursuite et la procédure suisse est suspendue. Ultérieurement, les autorités allemandes classent la procédure faute de preuves suffisantes. Le Ministère public zougois classe à son tour la procédure en Suisse et met l’entier des frais à la charge du prévenu. Ce dernier recourt contre la mise des frais à sa charge et obtient partiellement gain de cause devant l’instance de recours cantonale.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si, en matière d’entraide pénale internationale, une décision de classement des autorités étrangères ayant assumé la poursuite pénale fait obstacle à la mise des frais en Suisse à la charge du prévenu.

Droit

Entre la Suisse et l’Allemagne, ce sont en première ligne la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ), son deuxième Protocole additionnel, ainsi que l’Accord bilatéral Suisse-Allemagne y relatif qui s’appliquent s’agissant de l’entraide en matière pénale. Ces différentes bases légales ne traitent pas expressément de la situation où un Etat assume la poursuite pénale à la place d’un autre Etat et ne déterminent en particulier pas si les frais suisses d’une procédure assumée par un Etat étranger peuvent être mis à la charge du prévenu nonobstant la décision étrangère de classer la procédure.… Lire la suite

La récusation des juges du TMC en cas de procédures connexes

ATF 143 IV 69TF, 03.01.2017, 1B_409/2016*

Faits

Dans le cadre d’une instruction pénale pour trafic de stupéfiants, deux juges du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après le « TMC ») sont appelés à se prononcer à de multiples reprises sur des demandes d’autorisation de mesures de surveillance et d’investigation secrète, sur le placement en détention provisoire de divers coprévenus, ainsi que sur la prolongation de ces mesures.

Placé en détention provisoire, l’un des prévenus demande la récusation des deux juges. Sa requête est rejetée par l’autorité de recours cantonale.

Le prévenu forme recours auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le fait que les juges du TMC aient déjà statué dans des procédures connexes constitue un motif de récusation.

Droit

A teneur de l’art. 56 let. b CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu’elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d’une autorité, conseil juridique d’une partie, expert ou témoin. La notion de « même cause » s’entend de manière formelle et vise une procédure identique impliquant les mêmes parties et portant sur les mêmes questions litigieuses.… Lire la suite