Le principe de territorialité et l’investigation secrète

ATF 150 IV 308 | TF, 06.05.2024, 7B_6/2024*

Dans une investigation secrète (art. 285a CPP), l’envoi de messages par le biais d’un téléphone cellulaire entre les agents infiltrés situés en Suisse et un prévenu situé sur le territoire d’un État étranger ne viole pas le principe de territorialité dans la mesure où les messages en question ne constituent qu’une simple invitation à communiquer dépourvue d’effet contraignant.

Faits

Le Ministère public fribourgeois ouvre une instruction pénale contre un individu pour blanchiment d’argent et trafic de stupéfiants. Il lui est reproché d’avoir dirigé depuis l’étranger un réseau de stupéfiants en Suisse.

Dans l’enquête pénale, le Ministère public ordonne des recherches secrètes puis une investigation secrète (art. 285a CPP) afin d’entrer en contact par message avec le prévenu pour des achats contrôlés de stupéfiants. Le prévenu est, par la suite, arrêté en Espagne puis extradé vers la Suisse où il est placé en détention avant jugement.

Le prévenu invoque une violation du principe de territorialité et sollicite le retranchement des échanges avec les agents infiltrés. La requête ayant été rejetée par le Ministère public, le prévenu recourt à la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois. Le Tribunal cantonal admet partiellement le recours et renvoie la cause au Ministère public afin que celui-ci détermine quels moyens de preuve obtenus dans les investigations secrètes étaient exploitables au regard du principe de territorialité.… Lire la suite

Le rejet de l’acte d’accusation en procédure simplifiée (art. 360 al. 2 CPP)

TF, 15.11.2024, 6B_170/2024*

L’opposition de la partie plaignante à l’acte d’accusation en procédure simplifiée est limitée aux éléments affectant ses droits, tels que les prétentions civiles ou les infractions retenues. Les autres aspects, notamment relatifs à la peine, ne peuvent faire l’objet d’une opposition.

Faits

À la suite d’une agression devant une discothèque, plusieurs individus se portent parties plaignantes en raison de lésions corporelles simples subies. Le Ministère public du canton du Valais ouvre une instruction contre plusieurs prévenus et contre inconnu.

Un des prévenus sollicite la mise en œuvre d’une procédure simplifiée (art. 358 ss CPP). La cause à l’égard de ce prévenu est disjointe des autres en prévision de la procédure simplifiée. Le Ministère public valaisan envoie l’acte d’accusation aux parties. Deux parties plaignantes s’y opposent, invoquant notamment la nécessité d’un procès unique en procédure ordinaire. Elles estiment également que le projet d’acte d’accusation ne reflète pas la gravité des faits. Le prévenu, quant à lui, accepte l’acte d’accusation.

Le Ministère public du Valais considère les oppositions des parties plaignantes comme inopérantes et transmet l’acte d’accusation au Tribunal du district de Sierre. Ce dernier condamne le prévenu à la peine requise dans l’acte d’accusation. Les parties plaignantes font appel de cette décision sans succès : le Tribunal cantonal valaisan confirme le jugement de l’instance inférieure.… Lire la suite

La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale

TF, 21.11.2024, 6B_696/2023*

L’art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF empêche le Ministère public de recourir par-devant le Tribunal fédéral sans un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt n’est pas donné lorsque le recours du Ministère public porte sur la validité de la plainte pénale.

Faits

En janvier 2020, plusieurs manifestant·e·s pour la cause climatique occupent une succursale d’UBS AG et déversent du charbon dans le hall central. Le charbon s’infiltre dans les stries du marbre blanc, conduisant à d’importants travaux de nettoyage. Par l’intermédiaire de son directeur régional, UBS AG dépose une plainte pénale contre les manifestant·e·s.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne considère que la plainte pénale n’est pas valable et libère sept personnes prévenues des chefs d’accusation de dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le Tribunal de police condamne cependant les manifestant·e·s pour d’autres infractions.

Le Ministère public saisit la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, contestant l’acquittement des manifestant·e·s pour les chefs d’accusation de dommages à la propriété et de violation de domicile, au motif que la plainte déposée par UBS AG était valable.… Lire la suite

Les secrets à invoquer pour demander la mise sous scellés (art. 248 CPP, précision de la jurisprudence)

TF, 15.11.2024, 7B_950/2024, 7B_976/2024*

Les détenteurs d’un autre secret au sens de l’art. 173 al. 2 CPP ne disposent pas du droit de refuser de témoigner. Par conséquent, tous les autres secrets de l’art. 173 al. 2 CPP – notamment les secrets d’affaires ainsi que le secret bancaire – ne permettent jamais d’obtenir une mise sous scellés au sens de l’art. 248 CPP cum 264 CPP (précision de la jurisprudence).

Faits

Le Ministère public de la République et canton de Genève (« le MP ») enquête à l’encontre d’un prévenu. Le 9 juillet 2024, le MP rend une ordonnance qui prévoit la perquisition et la mise sous séquestre de deux téléphones qui appartiennent au prévenu, ainsi qu’un disque dur qui contient les informations des téléphones. Le prévenu demande la mise sous scellés des téléphones et du disque dur ; le MP requiert la levée des scellés le 16 juillet 2024.

Dans un premier temps, le prévenu forme un recours contre l’ordonnance de perquisition et de mise sous séquestre du 9 juillet. En date du 6 août 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève rejette le recours pour cause d’irrecevabilité.

Dans un second temps, le 9 août 2024, le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (« le TMC ») admet la demande de levée des scellés et ordonne de transmettre les téléphones cellulaires et le disque dur au MP.… Lire la suite

Les secrets à invoquer pour demander la mise sous scellés (art. 248 CPP)

TF, 24.09.2024, 7B_313/2024*

Le nouvel art. 248 CPP, entré en vigueur au 1er janvier 2024, limite les sortes de secrets qui légitiment le détenteur à formuler une demande de mise sous scellés, désormais énumérés exhaustivement à l’art. 264 CPP. En particulier, les secrets d’affaires et le secret bancaire (art. 47 LB) ne font plus partie des secrets qui permettent de fonder une demande de mise sous scellés.

Faits

Le Ministère public de la Confédération mène une enquête à l’encontre de diverses personnes qu’il suspecte d’escroquerie qualifiée et de blanchiment d’argent qualifié. Au cours de cette enquête, le MPC formule une demande de production à l’égard de deux banques : il souhaite obtenir plusieurs documents qui concernent deux comptes bancaires que possèdent une société, laquelle n’est pas prévenue dans la procédure pénale. Le MPC notifie sa décision de production de documents à la société, laquelle requiert la mise sous scellés immédiate des documents. Le MPC rejette la requête de mise sous scellés, mais le Tribunal pénal fédéral admet le recours de la société et ordonne au MPC de mettre sous scellés les documents.

Le MPC conclut auprès du Tribunal des mesures de contrainte de Berne que la demande de mise sous scellés de la société n’est pas valable et que les documents doivent réintégrer le dossier de la procédure ; subsidiairement, le MPC demande la levée des scellés.… Lire la suite