La preuve à futur et la reddition de compte du mandataire

ATF 141 III 564 | TF, 16.12.2015, 4A_191/2015*

Faits

Une société confie la gestion de ses avoirs à une banque, qui les place auprès de Bernard Madoff Investment Services (BMIS). Il se révèle à la suite de la crise financière de 2008 que les investissements étaient fictifs et que BMIS versait des plus-values uniquement grâce aux apports de nouveaux investisseurs (système dit “de cavalerie”).

Dans ce cadre, la société dépose une requête de preuve à futur portant sur divers documents détenus par la banque, afin de recueillir des informations sur la diligence dont la banque a fait preuve en plaçant ses avoirs auprès de la société de Bernard Madoff.

La demande est rejetée par les instances cantonales. La société interjette recours auprès du Tribunal fédéral, qui se prononce en particulier sur le rapport entre la preuve à futur et l’action en reddition de compte à l’encontre du mandataire.

Droit

Les parties sont liées par un mandat. Or, l’art. 400 CO prévoit une obligation de reddition de compte à la charge du mandataire. Celui-ci est en particulier tenu de donner au mandant les renseignements devant lui permettre de s’assurer de la bonne et fidèle exécution du mandat, et le cas échéant d’agir en responsabilité (devoir d’information).… Lire la suite

Le droit de répondre en cas de modification de l’appel (art. 317 CPC)

ATF 142 III 48 | TF, 16.12.2015, 5A_553/2015*

Faits

Après avoir fait appel contre un jugement en divorce, l’époux modifie ses conclusions en appel et apporte des faits nouveaux. Le juge d’appel transmet pour information la nouvelle écriture à l’épouse et rend son arrêt sur appel deux semaines après avoir reçu l’écriture modifiée. Dans son arrêt, il admet la recevabilité des conclusions nouvelles et des faits nouveaux sur la base de l’art. 317 CPC.

Contre cet arrêt, l’épouse forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la question de savoir si le tribunal d’appel a violé le droit d’être entendu de l’épouse en rendant son arrêt sans lui avoir imparti un délai pour qu’elle puisse se déterminer sur les conclusions modifiées et sur les faits nouveaux.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu’on déduit du droit d’être entendu un droit pour toute partie de prendre position sur les écritures de la partie adverse. À ce titre, on distingue le droit de répliquer du droit de répondre. Alors que le droit de répondre s’exerce contre une demande, un appel ou un recours, le droit de répliquer porte sur toute prise de position versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale.… Lire la suite

La compétence du tribunal de commerce pour l’action révocatoire (art. 285 ss LP)

ATF 141 III 527 | TF, 12.11.15, 5A_89/2015*

La seconde partie de cet arrêt, qui traite de l’action en responsabilité (art. 41 CO), a été résumée ici : https://lawinside.ch/147.

Faits

Une banque cantonale réclame 2 millions de francs à une société allemande qui aurait notamment fait de fausses factures à une société suisse en faillite afin de diminuer la masse soumise à l’exécution forcée. La banque saisit le tribunal de commerce d’Argovie d’une action paulienne (action révocatoire, art. 285 ss LP). Celui-ci s’estime incompétent matériellement dans la mesure où l’action concerne une prétention fondée sur la LP. La banque saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer si l’action paulienne entre dans la compétence du tribunal de commerce.

Droit

Le Tribunal fédéral relève que la doctrine n’est pas unanime sur la question de savoir si l’action révocatoire ressortit aux tribunaux de commerce. Il se réfère cependant à l’ATF 140 III 335 selon lequel les tribunaux de commerce ne sont pas compétents pour les litiges relevant de la LP qui ont un effet réflexe sur le droit matériel. Il convient donc de déterminer si l’action révocatoire au sens de l’art. 285 ss LP constitue un tel litige.… Lire la suite

L’invocation de la compensation dans deux procédures parallèles

ATF 141 III 549 | TF, 23.11.15, 4A_221/2015*

Faits

Un maître d’ouvrage conclut deux contrats différents avec un entrepreneur. L’un porte sur la réalisation d’un parking souterrain pour 10 millions de francs et l’autre sur la rénovation d’un stade sportif pour 20 millions de francs. Le maître de l’ouvrage paie plusieurs acomptes, mais des litiges surviennent lors de la facturation finale des deux ouvrages. L’entrepreneur dépose alors une action en paiement pour chaque ouvrage. Dans les deux procédures, le maître d’ouvrage fait valoir la compensation avec une créance résultant de la construction du stade sportif. Le présent litige ne concerne que le parking souterrain.

Dans la procédure concernant le parking souterrain, le tribunal de première instance refuse l’invocation de la compensation et condamne le maître d’ouvrage à payer la somme de 250’000 francs, ce que le Tribunal cantonal confirme. Le maître d’ouvrage saisit alors le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si on peut faire valoir la compensation dans une procédure alors que la créance compensatrice fait l’objet d’un autre procès pendant.

Droit

L’instance précédente avait notamment considéré que l’art. 153 al. 1 de la norme SIA 118, à laquelle le contrat était soumis, excluait l’invocation de la compensation par les parties.… Lire la suite

La TVA et l’assistance judiciaire

ATF 141 III 560  |  TF, 22.10.15, 5A_504/2015*

Faits

Dans une procédure civile, un avocat commis d’office présente sa liste de frais pour la défense d’une partie domiciliée en France. Le tribunal de première instance accorde un certain montant à titre de dépens, mais refuse d’allouer la TVA au motif que la personne au bénéfice de l’assistance judiciaire est domiciliée en France. L’avocat recourt au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit déterminer si l’autorité compétence doit exclure la TVA pour un avocat commis d’office qui représente une partie domiciliée à l’étranger.

Droit

Le Tribunal cantonal a estimé que l’activité d’un avocat commis d’office constitue une prestation soumise à la LTVA, mais que, en l’espèce, la prestation n’avait pas eu lieu en Suisse, car son destinataire était domicilié en France (art. 1 al. 2 let. a LTVA et art. 18 al. 1 LTVA). En effet, c’est le client, en l’espèce domicilié en France, qui est le bénéficiaire de la prestation alors que l’Etat est le mandant en vertu d’une stipulation pour autrui (art. 112 CO).

Le Tribunal fédéral ne suit pas le raisonnement de l’instance précédente et se réfère à un arrêt rendu récemment dans une affaire similaire, mais en matière pénale (TF, 09.09.2015, 6B_498/2014*, cf.… Lire la suite