Entrées par Tobias Sievert

La qualification des informations accessibles sur Internet comme faits notoires

ATF 143 IV 380 | TF, 20.09.2017, 6B_986/2016*

En ce qui concerne les informations librement accessibles sur Internet, seuls les renseignements bénéficiant d’une empreinte officielle peuvent être qualifiés comme étant des faits notoires.

Faits

Un prévenu publie sur sa page Facebook le message suivant : « J’organise une kristallnacht. Qui est partant pour aller bruler du muzz  » (sic).

Au cours de la procédure, l’autorité pénale recherche la définition du mot « muzz  » sur le site internet « Wiktionnaire  » et retient que celui-ci fait référence à la communauté musulmane dans son ensemble. Considérant que la définition du terme « muzz  » est un fait notoire, car librement accessible sur internet, les instances cantonales n’interpellent pas le prévenu sur la signification de celui-ci.

Les instances cantonales vaudoises concluent que la publication Facebook litigieuse relève d’une incitation à la haine envers les musulmans. Le prévenu est condamné, celui-ci s’étant rendu coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 1 CP).

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la définition figurant sur le « Wiktionnaire » du terme « muzz  » est un fait notoire, respectivement si le prévenu aurait dû pouvoir s’exprimer quant à la portée de ce mot en vertu de son droit d’être entendu.… Lire la suite

La faculté de l’héritier de solliciter l’établissement du bénéfice d’inventaire

ATF 143 III 369 | TF, 28.06.2017, 5A_246/2017*

La personne héritière écartée de la succession par disposition pour cause de mort ne peut requérir l’inventaire au sens des art. 580 ss CC que si elle a précédemment fait reconnaître sa qualité d’héritier par une action en nullité ou en réduction.

Faits

Des conjoints concluent un pacte successoral. Celui-ci institue le conjoint survivant comme héritier universel, en excluant les enfants de la succession du conjoint défunt.

A la suite du décès de l’un des conjoints, l’un des enfants présente une requête en établissement du bénéfice d’inventaire (art. 580 ss CC). Les autorités cantonales dénient à l’enfant la qualité pour réclamer l’établissement de l’inventaire.

L’enfant forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si l’enfant a qualité pour solliciter le bénéfice d’inventaire, bien qu’il soit écarté de la succession par le pacte successoral de son parent défunt.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle premièrement sa jurisprudence, selon laquelle l’héritier exclu de la succession perd sa qualité d’héritier s’il n’attaque pas la disposition pour cause de mort concernée en intentant une action en nullité ou en réduction (ATF 138 III 354, consid. 5).

Selon l’art.Lire la suite

Le lien de causalité en cas de troubles somatoformes douloureux de la victime indirecte

ATF 142 III 433 | TF, 29.06.2016, 4A_637/2015*

Faits

Un couple est impliqué dans un accident de la circulation provoqué par un conducteur tiers. L’épouse subit une atteinte grave à sa santé. L’époux subi une atteinte à sa colonne vertébrale, qui se guérit. Plus tard, l’époux fait face à des troubles somatoformes douloureux, soit des douleurs dont le diagnostic médical ne permet pas d’en identifier la cause.

L’époux ouvre action contre l’assureur RC du conducteur tiers afin d’obtenir la réparation de ses troubles somatoformes. La dernière instance cantonale rejette l’action de l’époux, en niant l’existence d’un lien de causalité entre les troubles dont il se prévaut et l’accident de la circulation.

L’époux forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’existence du lien de causalité adéquat entre les troubles somatoformes douloureux dont souffre l’époux et l’accident de la circulation, au regard de la jurisprudence développée en matière de chocs nerveux.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral se réfère à sa jurisprudence selon laquelle le tiers, qui subit un dommage indirect ou réflexe seulement à cause d’une relation particulière avec la victime directe, n’a en principe pas droit à une indemnisation.… Lire la suite

Le remboursement par la victime des frais de son conseil juridique gratuit

ATF 143 IV 154 | TF, 16.03.2017, 6B_370/2016*

Faits

Au terme de la procédure de première instance, le Tribunal criminel lucernois acquitte le prévenu. Les frais du conseil juridique gratuit de la partie plaignante, qui dispose du statut de victime, sont mis à charge de l’Etat.

Contre ce jugement, la victime fait appel auprès du Tribunal cantonal lucernois. L’acquittement du prévenu est confirmé. Les frais du conseil juridique gratuit de la victime sont, pour l’ensemble de la procédure, mis à sa charge dans la mesure où sa situation financière le permet (art. 135 al. 4 et 138 CPP). Quant aux frais de procédure, ils sont mis à la charge de l’Etat et de la victime par moitié.

La victime forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la victime peut être tenue au remboursement des frais de son conseil juridique gratuit.

Droit 

D’après l’art. 135 al. 4 CPP, lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de procédure, il est tenu de rembourser l’indemnisation du défenseur d’office dès que sa situation financière le permet. Cette disposition s’applique par analogie à l’indemnisation du conseil juridique gratuit pour la partie plaignante (art.Lire la suite

L’indemnité pour la privation de liberté subie lors de l’appréhension et de l’arrestation provisoire

ATF 143 IV 339 | TF, 08.06.2017, 6B_478/2016*

Faits

Un prévenu est appréhendé à 10h00 par les gardes-frontière, qui le soupçonnent de conduire avec un permis de conduire falsifié. Le prévenu est remis à la police, qui le place en arrestation provisoire à 14h48Il est libéré à 17h25.

Il s’avère que le permis de conduire du prévenu ne présente aucune falsification. Ainsi, le Ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 al. 1 let. a CPP), mais refuse d’allouer au prévenu une indemnité pour la privation de liberté subie. La Chambre pénale de recours genevoise confirme l’ordonnance du Ministère public, considérant que l’arrestation provisoire n’a pas duré plus de trois heures, ce qui ne justifierait pas une indemnité.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’octroi au prévenu d’une indemnité pour la privation de liberté subie lors de l’appréhension et de l’arrestation provisoire.

Droit

Selon l’art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (art. 310 al. 2 CPP), il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.Lire la suite